Dans un contexte marqué par la volonté affirmée des autorités de transition de refonder les bases de la gouvernance au Mali, un tournant majeur vient d’être franchi. Le Conseil des Ministres, réuni le mardi 30 avril 2025, a adopté un projet de décret portant suspension des activités des partis politiques et des associations à caractère politique sur toute l’étendue du territoire national. Cette mesure d’exception, bien que controversée dans certains milieux, s’inscrit, selon le Gouvernement, dans le cadre de la sauvegarde de l’ordre public et de la mise en œuvre des recommandations issues des récentes concertations nationales.
Un contexte politique en pleine mutation
Bamada.net-Les 28 et 29 avril 2025, les Forces vives de la Nation ainsi que les représentants des Maliens établis à l’extérieur se sont réunis à Bamako, à l’invitation des autorités de la Transition, pour réfléchir à l’avenir institutionnel du pays. À l’issue de ces concertations nationales, plusieurs recommandations ont été formulées, notamment celle de repenser profondément le rôle et le fonctionnement des partis politiques, dont la prolifération et les pratiques sont régulièrement critiquées pour avoir contribué à l’instabilité chronique du pays.
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En réponse à ces recommandations, le Gouvernement de Transition a ainsi décidé d’abroger la Loi n°05-047 du 18 août 2005 portant Charte des partis politiques, ouvrant la voie à une refondation du système partisan malien. Cette abrogation, désormais actée par un projet de loi adopté en Conseil des ministres, marque une rupture significative avec l’ancien modèle jugé inadapté au contexte actuel de transition et aux aspirations populaires.
Une décision motivée par des impératifs de sécurité et de cohésion nationale
Au lendemain de l’annonce de cette abrogation, plusieurs responsables politiques, selon le rapport présenté par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, se seraient livrés à des actions qualifiées de « tendancieuses », visant à « saboter les efforts du Gouvernement » et à « troubler l’ordre public ».
Dans un contexte où le pays fait face à des défis multiformes — sécuritaires, institutionnels et sociaux — les autorités ont jugé nécessaire de prendre des mesures exceptionnelles pour préserver la paix sociale. C’est dans cette optique qu’intervient le décret de suspension des activités politiques, qui concerne aussi bien les partis que les associations ou mouvements se réclamant d’un caractère politique, et ce, jusqu’à nouvel ordre.
Les implications d’un tel décret
La portée de cette décision est sans précédent dans l’histoire politique récente du Mali. Elle gèle l’ensemble des activités partisanes, y compris les réunions politiques, les manifestations publiques à caractère politique, ainsi que les communications officielles des partis et associations politiques.
Selon le communiqué officiel, l’objectif de cette suspension est de « juguler les manœuvres de déstabilisation » par le biais de poursuites judiciaires ou de mesures administratives, dans le strict respect des textes législatifs en vigueur.
Les autorités insistent également sur le fait que cette mesure est transitoire et vise à instaurer un climat apaisé, propice à une réflexion inclusive sur les futures bases du pluralisme politique au Mali.
Une décision diversement perçue
Si certains citoyens saluent cette initiative qu’ils perçoivent comme une réponse forte aux dérives observées dans le champ politique ces dernières années, d’autres y voient une restriction grave des libertés politiques et une atteinte aux principes démocratiques.
Des leaders politiques, bien que contraints au silence en vertu du décret, ont exprimé, avant l’adoption de la mesure, leur inquiétude face à une éventuelle mise à l’écart prolongée de la classe politique, craignant que cela n’installe une gouvernance unilatérale. Toutefois, plusieurs organisations de la société civile appellent au calme et à la patience, exhortant les autorités à dialoguer avec toutes les composantes de la Nation pour garantir une transition inclusive et apaisée.
Et après ? Vers une refondation du système partisan malien ?
La suspension des activités politiques et l’abrogation de la Charte des partis ne sont pas des fins en soi. Elles annoncent, selon les autorités, un processus de refondation en profondeur du système politique malien, avec comme ambition de moraliser la vie publique, réduire le nombre de partis fictifs ou opportunistes, et instaurer un cadre plus rigoureux et transparent pour l’organisation politique de la Nation.
Les mois à venir seront donc décisifs pour tracer les contours du nouveau paysage politique malien. Une nouvelle Charte des partis politiques devrait voir le jour, prenant en compte les réalités du pays et les aspirations citoyennes exprimées lors des concertations récentes.
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En suspendant les activités politiques sur l’ensemble du territoire, le Mali s’engage sur un chemin délicat, mais assumé, celui de la reconstruction de son socle politique et institutionnel. Reste à espérer que cette démarche, certes radicale, débouche sur un renouveau démocratique véritablement représentatif, inclusif et respectueux des aspirations profondes du peuple malien.
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Fatoumata Bintou Y
Source: Bamada.net