Bamako, le 03 mai 2025 palais de la culture Amadou Hampate Ba
Nous, partis politiques du Mali, Réunis pour évaluer la situation politique, institutionnelle et sociale de notre pays en général et les conclusions de la « consultation des forces vives de la nation » sur la Relecture de la Charte des Partis et les annonces et mesures gouvernementales subséquentes notamment :
– Le projet de loi portant abrogation de la Loi n°05-047 du 18 août 2005 portant Charte des partis politiques en République du Mali et – Le projet portant abrogation de la Loi n°2015-007 du 04 mars 2015 portant Statut de l’opposition politique. dont les adoptions équivaudraient à la dissolution pure et simple des partis politiques existants ; Face à la gravité des menaces existentielles pesant sur la démocratie, les libertés fondamentales et le pluralisme politique, syndical, associatif, médiatique illustrée entre autres par : – La suspension sans aucune raison valable des activités des partis politiques du 10 avril au 10 juillet 2024 ; – Les arrestations pour délit d’opinion de nombreux leaders politiques ; – Les enlèvements et séquestrations de personnalités politiques, syndicales, religieuses ou associatives en dehors de toute procédure légale ;
Considérant :
- que la Constitution en vigueur, adoptée sous la Transition en cours par référendum du 22 juillet 2023, garantit formellement la liberté d’opinion, la liberté d’association, la liberté de création des partis politiques, la liberté syndicale, la liberté de presse…toutes conquises au prix du sang des Martyrs devant la mémoire desquels les autorités s’inclinent chaque 26 mars ;
- que les partis politiques sont des acteurs incontournables de la vie démocratique et les canaux légitimes de la souveraineté populaire reconnus et protégés par la Constitution de la République du Mali au même titre que la limitation du nombre et de la durée des mandats présidentiels, la laïcité et la forme républicaine de l’Etat ;
- que ce bloc de constitutionnalité, absolument inviolable, a été gravement remis en cause par de prétendues « concertations » récemment organisées par le gouvernement de la Transition ;
- que ces concertations n’étaient ni inclusives, ni représentatives (exclusion des partis politiques et d’autres forces sociales importantes), ni légales, ni légitimes (1500 personnes remettent en cause les Assises Nationales de la Refondation qui ont regroupé 86.000 personnes) ;
- qu’en conséquence, les résolutions qui en ont issues ne peuvent, en aucun cas, engager le peuple malien dans la mesure, entre autres, où la Relecture de la Charte des partis politiques du Mali n’a absolument rien à voir avec : – l’élévation de Assimi Goita au rang de Président de la République sans élection ; – des mandats présidentiels de (cinq) 5 années renouvelables ad vitae aeternam ; – la prorogation sans fin de la Transition en négation très nette de l’appellation même de cette période ;
- Que par ailleurs les mots ont des sens et en aucun cas : – la Relecture d’une Charte ne saurait signifier son abrogation ; – La dissolution des partis politiques est l’antithèse de la réduction de leur nombre ; – La suppression du Chef de file de l’opposition est l’exact contraire de la redéfinition de son statut ;
- que des projets de textes, adoptés en Conseil des ministres dès le lendemain de la clôture de la « Consultation », non seulement confirment l’instrumentalisation de ces assises mais aussi balisent déjà la voie pour suspendre ou dissoudre les partis politiques existants, en violation flagrante de la Constitution et des engagements internationaux du Mali ;
- que d’ailleurs, la Justice déjà saisie d’un cas de dissolution administrative d’un parti politique a désavoué le gouvernement en indiquant qu’elle est seule habilitée à prendre une telle mesure ;
- que la transition politique actuelle, initialement acceptée pour poser les fondements de la Refondation et un retour à l’ordre constitutionnel dans des délais annoncés mais jamais respectés par les autorités de la Transition elles-mêmes s’éternise sans fin et sans aucune perspective ;
- que le respect de la parole donnée est une dimension cardinale de notre Culture, de notre Danbé ;
- qu’enfin les mêmes conclusions des prétendues « consultations » formulent des propositions pour imposer une caution financière de 100.000.000 FCFA à la création des partis politiques, instaurant ainsi de fait un suffrage censitaire, basé uniquement sur la fortune, contraire aux principes républicains ;
Déclarons solennellement ce qui suit :
- Nous condamnons fermement toute tentative de restriction des activités politiques, de suspension ou de dissolution des partis politiques, qui constitueraient des atteintes graves et directe à la Constitution, à la Charte de la Transition et à la souveraineté du peuple malien.
- Nous rejetons avec force les conclusions issues de la récente « consultation des forces vives de la nation », tenues sans représentativité réelle, et les considérons comme nulles et non avenues.
- Nous exigeons la fin effective de la transition en cours au plus tard le 31 décembre 2025, et appelons à la mise en place d’un calendrier rapide et consensuel pour le retour rapide à l’ordre constitutionnel.
- Nous ne reconnaissons aucun Président de la République ni aucun mandat non issu d’élections libres, transparentes et démocratiques et dénonçons la suspension de toute perspective d’élections pour une durée indéfinie, jusqu’à la « pacification du pays » ;
- Nous exigeons la libération immédiate de tous les détenus d’opinion, ainsi que le retour sans condition des exilés politiques, conformément aux principes de justice et de réconciliation nationale.
- Nous nous réservons le droit d’engager des poursuites judiciaires contre tout fonctionnaire ou agent public qui s’est rendu ou se rendrait complice de la manipulation
de la Constitution ou de l’organisation de mécanismes illégaux de dissolution des partis politiques et d’atteinte aux libertés de citoyens maliens.
- Nous condamnons l’instrumentalisation à outrance de l’administration publique sensée être neutre et au service de l’ensemble de la population malienne ;
- Nous nous réservons également le droit de saisir les juridictions compétentes, suprêmes et constitutionnelles, pour annuler tout acte inconstitutionnel ou vicié par des excès de pouvoirs.
- Nous invitons nos procureurs et nos juges, en ces moments chargés de valeurs pour notre pays, à exercer leur mission avec conscience et probité, à respecter et faire respecter les lois sans aucune pression ou influence extérieure ;
- Nous alertons sur le fait que les légitimités coutumières et traditionnelles du pays ne doivent pas être instrumentalisées et utilisées contre une partie du peuple ; ils doivent rester au-dessus de la mêlée, et demeurer des médiateurs sociaux impartiaux au-dessus de tout soupçon ;
- Nous appelons à une mobilisation nationale et républicaine des partis politiques, des syndicats, des organisations de la société civile, des légitimités traditionnelles et religieuses, des magistrats, des étudiants, des universitaires et de toutes les forces républicaines, pour défendre ensemble la Constitution, les libertés et l’État de droit.
- Nous rejetons catégoriquement toute tentative d’instaurer une caution financière pour la création des partis politiques, ou toute autre forme de sélection par l’argent pour l’accès à la vie politique. Cette logique de suffrage censitaire viole l’égalité des citoyens devant la loi et menace directement la démocratie malienne. La citoyenneté ne se monnaye pas !
- Aussi, prenons-nous à témoin l’opinion nationale et internationale face au risque d’exacerbation de l’instabilité socio-politique dans notre pays et, en appelons aux Autorités en place de renoncer au projet d’instauration d’un régime autoritaire, en créant les conditions d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel ;
- Nous disons Le Mali a besoin de démocratie, de dialogue, de justice, non de répression et de verrouillage. 15. Nous concluons en rappelant que l’Histoire ne pardonnera pas à ceux qui veulent éteindre les libertés conquises au prix du sang et de nombreux sacrifices ni à ceux qui se taisent, valident ou applaudissent. Ni an laara, an saara !
Fait à Bamako, le 03 mai 2025