De hauts responsables de l’Union africaine (UA) qui ont tenu un Sommet samedi dernier, à Brazzaville, pour définir un plan de sortie de crise en Libye, ont mis à profit l’occasion pour fustiger l’arrogance de la France qui, manifestement, les met à l’écart du dossier en question.
Les tensions ne sont pas près de s’estomper après la sortie hasardeuse du Président MACRON sur la limitation des naissances en Afrique.
Cette fois-ci, c’est sa volonté avérée de mettre out l’Union africaine dans la gestion de la crise libyenne qui fâche.
Cette volonté est illustrée par deux faits.
D’abord, l’organisation, le 25 juillet dernier, à la Celle-Saint-Cloud, près de Paris, d’une rencontre entre les frères ennemis libyens, à savoir le Président du Conseil présidentiel à Tripoli, Fayez El-Sarraj, et le maréchal Khalifa Haftar qui contrôle l’Est du pays. Une rencontre qui a accouché d’un cessez-le-feu, de l’organisation d’élections présidentielles et législatives en 2018.
À cette importante rencontre, le Président Sassou N’GUESSO, pourtant président du Comité de haut niveau de l’UA sur la Libye, a été tout simplement snobé par une absence d’invitation. Ce, alors même qu’il a reçu l’ambassadeur de France deux jours avant la rencontre.
Le deuxième fait (non le second, parce que ce ne sera pas le dernier), c’est l’initiative de la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le DRIAN, en Libye, le lundi 4 septembre dernier. Durant sa visite, la première à Tripoli, et qui s’inscrivait dans le cadre du suivi de l’accord de La Celle-Saint-Cloud, il a rappelé l’implication de la France pour le retour de la paix et de la stabilité en Libye.
Là également, l’Union africaine n’était associée ni de près, ni de loin.
D’où, les grincements de dents de hauts responsables de l’UA, lors du Sommet africain qui s’est tenu ce samedi à Brazzaville. Le Président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a déploré les « dissonances » des interventions extérieures dans les tentatives de règlement du conflit libyen.
« Je voudrais, par la voix la plus audible, exprimer la forte opposition de l’Afrique à cette contrariété et ces dissonances des interventions, approches et agendas extérieurs », a-t-il déclaré en ouverture de la Conférence, faisant allusion aux initiatives du Président MACRON, en juillet, et à la récente tournée de son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le DRIAN, pour rapprocher le Premier ministre libyen Fayez al-Sarraj et son rival le maréchal Khalifa Haftar.
“Rien n’est plus nuisible à nos efforts de solution de la crise libyenne que la contrariété des agendas et des approches des intervenants”, a déclaré le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, en ouverture d’une réunion du Comité de l’UA sur la Libye.
Abondant dans le même sens que le Président de l’UA, le Président Sassou N’GUESSO a demandé à la communauté internationale de ne pas renouveler l’erreur de 2011. La France et la Grande-Bretagne n’avaient alors tenu aucun compte du point de vue de l’Union africaine et de ses capacités à résoudre la crise, et étaient intervenues avec le résultat catastrophique que l’on connaît.
À cette date, un Comité de 5 chefs d’État comprenant le Mali avait été mis en place pour trouver une solution africaine à la crise naissante. Les réflexions étaient même en cours, assure l’ancien Président de la Commission de l’UA, Jean PING, pour trouver un pays d’accueil au colonel Kadhafi. Mais, c’est l’option militaire qui a été privilégiée.
‘’L’Union africaine et son comité n’ont pas d’agenda caché en Libye”, a insisté le Président congolais Sassou NGUESSO, hôte de la rencontre en sa qualité de président de ce “comité de haut niveau” de l’UA sur la Libye.
Le président congolais a par ailleurs “exhorté” les Libyens à un “sursaut et à “tout mettre en œuvre pour dépasser les clivages, à vaincre les égoïsmes individuels et partisans”, lors de cette rencontre à laquelle participe le Premier ministre libyen.
En fait, l’Union africaine suggère à la France de lui laisser la main dans la gestion de crise libyenne. En cela, elle est certainement dans son bon droit.
Cependant, l’UA traîne une tare congénitale qui devrait ‘’rétrécir sa boucle’’ : une dépendance au financement extérieur. Pour preuve, le budget de l’Union africaine (707 millions d’euros) prévu pour l’exercice 2016-2017, hors opérations de maintien de la paix, repose à 73 % sur l’apport des donateurs étrangers : Union européenne, États-Unis, Chine et Banque mondiale.
L’on indique que le reste du budget est à la charge des États membres, mais les retards et les défauts de paiement entravent le bon fonctionnement de l’organisation.
Étant financièrement dépendant, peut-on asséner certaines vérités, compter véritablement parmi les autres ? Non.
Ce qui explique un plan de réduction de la dépendance à travers l’adoption du principe d’une taxe de 0,2 % sur les importations des produits non africains pour financer l’organisation. Cette nouvelle taxe de 0,2 % doit s’appliquer à toutes les importations et à tous les 54 États membres de l’UA, sauf sur certains biens de première nécessité qui n’ont pas encore été définis.
«Cette formule devrait générer environ 1,2 milliard de dollars. Cela sera prévisible et très simple », a dit Claver GATETE, ministre rwandais des Finances.
Mais les fruits tardent à tenir la promesse des fleurs. En effet, indique-t-on, seulement une dizaine d’États est prête à mettre en application cette taxe avec la Côte-Ivoire en tête. Les États ayant le plus de moyens étant parmi les plus réticents.
D’un autre point de vue, le mépris de la France peut s’expliquer par un échec du Conseil de paix et de sécurité de l’UA sur le dossier libyen. Pour des observateurs bien avisés, la mise en place du Haut comité sur la Libye confié à Denis Sassou N’GUESSO, s’explique par cet échec.
Par Bertin DAKOUO
Source: info-matin