L’éclatante intervention du Premier ministre de la transition, Dr. Choguel Kokalla Maïga, au Centre International de Conférences de Bamako (CICB), devant un millier de partisans du M5-RFP, a levé le voile sur une fracture grandissante entre la primature et les militaires au pouvoir. Derrière les mots, les accusations et les révélations se dessine un paysage politique complexe, où la transition semble prise dans les méandres des ambitions contradictoires de ses acteurs.
Un malaise politique latent
Bamada.net-Depuis son retour à la tête du gouvernement, Choguel Maïga n’a cessé de plaider pour un « Mali nouveau », un Mali débarrassé des pratiques délétères du passé. Pourtant, ce rêve de refondation est confronté à une réalité politique brutale : celle d’une transition où la cohésion entre civils et militaires semble s’effriter. La gouvernance, censée être collégiale, montre des signes inquiétants de centralisation et d’opacité, selon les propos du Premier ministre lui-même.
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Dans son discours du 16 novembre, Choguel Maïga a dénoncé le manque de consultation sur des décisions majeures, notamment le report de la fin de la transition initialement prévue pour mars 2024. L’absence de débats au sein du gouvernement et la marginalisation de la primature sur des dossiers stratégiques ont été qualifiées par lui de « graves remises en cause » de l’esprit de la transition. Mais ces critiques soulèvent une question fondamentale : jusqu’où peut aller cette confrontation sans compromettre les avancées obtenues depuis 2020 ?
Les tensions autour de la refondation
Choguel Maïga a toujours été l’une des figures les plus vocales de la refondation, incarnant une volonté de rupture avec les pratiques du passé. Lors des Assises Nationales de la Refondation (ANR), le Premier ministre avait plaidé pour une réduction drastique des partis politiques, considérant leur prolifération comme un frein à la stabilité politique. Cependant, entre 2021 et 2023, 100 nouveaux récépissés ont été délivrés, ce qui, selon lui, contribue à « manipuler » le paysage politique au profit des tenants du pouvoir militaire.
Ce constat renforce l’idée que la transition n’est pas exempte des pratiques dénoncées par le M5-RFP. La centralisation du pouvoir par certains acteurs militaires remet en cause les principes d’un Mali Kura, souvent brandis comme l’objectif ultime de cette période exceptionnelle.
Une possible rupture ?
L’attitude combative de Choguel Maïga et ses dénonciations publiques pourraient annoncer une rupture entre le Premier ministre et les militaires. Ses déclarations, notamment sur le « dysfonctionnement » entre les institutions et son isolement dans les processus décisionnels, alimentent les spéculations sur une éventuelle reconfiguration du paysage politique de la transition.
Cependant, une rupture totale entre civils et militaires serait risquée dans le contexte actuel. Le pays reste confronté à des défis sécuritaires et économiques majeurs, qui nécessitent une unité d’action. La recrudescence des attaques terroristes, les tensions sociales et l’attente des élections rendent toute division au sommet périlleuse pour l’avenir du Mali.
L’appel à la responsabilité historique
Face à cette situation, Choguel Maïga a toutefois tenté de rassurer en appelant au respect des institutions et à l’unité nationale. Mais ses critiques envers ses alliés militaires montrent qu’il ne se contentera pas d’un rôle de figurant dans une transition qui, selon lui, s’éloigne de ses idéaux fondateurs.
Le Premier ministre semble déterminé à utiliser le poids politique du M5-RFP pour rappeler les autorités militaires à leurs engagements initiaux. Toutefois, la question reste ouverte : peut-il encore peser dans les décisions stratégiques ou assiste-t-on à un affaiblissement progressif de son autorité face à un pouvoir militaire de plus en plus affirmé ?
Une transition en quête de sens
Alors que le Mali aspire à une refondation politique, économique et sociale, les divisions au sommet de l’État risquent de compromettre cet objectif. Si les militaires et les civils ne parviennent pas à surmonter leurs divergences, la transition pourrait se transformer en une lutte de pouvoir stérile, au détriment des attentes du peuple malien.
L’histoire retiendra que le Mali, dans l’une de ses périodes les plus critiques, avait une opportunité unique de refonder ses institutions et de poser les bases d’un avenir stable. Mais pour cela, il faudra plus que des discours et des déclarations fracassantes. Il faudra du compromis, du dialogue et une réelle volonté de placer l’intérêt national au-dessus des intérêts personnels ou de groupe.
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L’intervention de Choguel Maïga au CICB a été une alerte. Elle révèle un homme politique isolé, mais déterminé à défendre sa vision du Mali Kura. Elle expose aussi des fractures profondes au sein du pouvoir, qui pourraient, si elles ne sont pas résolues rapidement, mettre en péril tout le processus de transition.
Le Mali est à la croisée des chemins. Pour avancer, ses dirigeants devront choisir entre l’affrontement et le dialogue, entre la division et l’unité. L’avenir de la transition et, au-delà, du pays tout entier, en dépend.
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BEH COULIBALY
Source: Bamada.net
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