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SADOU HAROUNA DIALLO, MAIRE DE GAO ET PRESIDENT DU PDES A CŒUR OUVERT : «Je respecte IBK, mais je ne suis pas d’accord avec sa manière de gouverner le pays» «Si ATT est en dehors du pays, je ne vois pas de réconciliation au Mali»

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Mais qu’est-ce qui fait donc bouger le maire de Gao et quatrième vice-président du Parti pour le développement économique et la solidarité (Pdes) ? Sadou Harouna Diallo, puisque que c’est de lui qu’il s’agit, a été désigné président par intérim du Pdes depuis quelques mois et il enchaîne depuis lors les sorties publiques, notamment à travers une tournée nationale. Les motivations de cette tournée, son message aux populations, les ambitions du Pdes, le cas ATT, la réconciliation nationale, l’opposition politique, la gestion du pays par IBK, tout passe dans cet entretien qu’il nous a accordé. Et quand Sadou parle, ce n’est pas caresser les gens dans le sens du poil ou pour jouer au thuriféraire. Lisez !

 

Le Sphinx : Qu’est-ce qui a motivé la tournée que vous effectuez depuis quelque temps au nom du Parti pour le développement économique et la solidarité (Pdes) dont vous êtes actuellement le président ?

 

Sadou Diallo : J’ai pris la tête de ce parti depuis six mois, plus précisément depuis que mes pairs ont voulu porter leur choix sur ma modeste personne afin que je puisse diriger le parti, en tant que président intérimaire. Dès que j’ai pris fonction, à la première réunion, j’ai initié un programme de tournée pour parcourir le Mali afin de voir ce qui reste de nos cendres. Je dis cendres parce que nous sommes un parti qui a régné pendant deux mandats et à la fin du second mandat le pouvoir nous a été retiré par un coup d’état. Pas donc par des voies démocratiques. Vous savez que lorsqu’un parti au pouvoir est déchu par un coup d’état, ce sont les cendres qui restent parce que le parti a brûlé. Hier, tout le monde était Pdes, pour la simple raison que notre Bureau, au niveau du Comité exécutif national, comptait plus de trois cents membres. Alors que suite au coup d’Etat, quand je partais en réunion au niveau du parti, je ne trouvais que six à sept personnes autour de la table, entourant le secrétaire général.

Le parti je l’ai aussi repris parce que l’ancien président du Pdes à qui je succède, Ahmadou Abdoulaye Diallo, a eu un poste international qui l’oblige à démissionner du parti. C’est d’ailleurs surtout pour cette raison que les pairs du parti ont fait appel à moi. Alors, je me suis dit que s’ils ont porté leur choix sur moi, c’est parce qu’ils savent  que je vais réveiller le parti. Vous voyez bien la situation. Moi-même, maire de Gao, si je viens prendre la tête d’un parti à Bamako, je ne dois donc pas laisser le Pdes dans les cendres. Donc j’ai décidé, avec les camarades qui viennent encore, de sillonner le Mali pour voir ce qui reste réellement des cendres. Je reste conscient que dans ce pays, il y a des hommes et des femmes dignes et nous pouvons nous donner la main pour ensemble réveiller le parti.

J’ai fait un programme sur la base duquel j’ai choisi Koulikoro pour la première région de ma tournée. Et il y a eu beaucoup de monde à l’accueil. Et je n’ai pas été surpris parce que je sais ce que mon mentor, ATT, a fait pendant ses dix ans de règne. Le monde qu’il y avait à la conférence à Koulikoro ne m’a pas du tout surpris non plus parce qu’ATT est un homme qui a planté beaucoup d’arbres et celui qui a planté autant d’arbres, ses enfants et ses petits-fils ne resteront pas au soleil. Ils seront toujours à l’ombre. Ce qui veut dire que nous qui sommes ses dauphins, partout où nous passons, nous trouverons ses traces. Cela m’a satisfait. J’ai remercié les uns et les autres et je leur ai demandé de continuer à faire des bénédictions pour le Mali, pour le retour de notre mentor au pays et de reconstruire notre parti. Le message a été bien entendu.

 

Qu’est-ce que vous avez reçu des populations en contrepartie, notamment à travers les échanges ?

C’est la reconnaissance du peuple et à travers les discours des uns et des autres j’ai senti un regret de l’absence d’ATT et un regret de la survenue du coup d’Etat.  Cela m’a sérieusement réconforté. Je continue ma mission qui est de sillonner les régions. J’ai été à Ségou. Sur place, ma surprise a été plus grande que celle de Koulikoro tant par l’accueil que par l’attention qui a été réservée à notre délégation. Surtout, en ce qui concerne les déclarations des uns et des autres, on avait l’impression d’entendre de nouveau les gens de Koulikoro. A Sikasso aussi, j’ai été surpris par les déclarations des gens à l’égard de mon mentor. C’est-à-dire que tous les Maliens rencontrés répétaient qu’ATT était bon, qu’ATT était ceci ou cela, et surtout depuis qu’ATT est parti, c’est la misère, nous disaient-ils à l’unisson. Et ma grande surprise a été que, moi-même, en tant que président du Pdes, ressortissant du nord du pays, j’ai trouvé dans la salle à Sikasso plus de 600 personnes qui étaient mes fans. Des associations de fans qui ont mis des banderoles au nom du Club des amis de Sadou Harouna Diallo dont j’ignorais complètement l’existence jusqu’à cet instant-là pour les inviter dans la salle où cette surprise m’a été faite.  Des associations qui se prenaient en charge et qui me soutenaient. Alors, je me suis dit que derrière un homme il y a une histoire. Si mon mentor, ATT, a une histoire, moi qui suis son dauphin, je dois aussi avoir une histoire. Et comme j’étais à l’intérieur du pays d’où je n’étais pas natif, cela m’a beaucoup encouragé.

 

Et après Koulikoro et Ségou ?

Ensuite, j’ai réfléchi en me disant que le gouvernement d’ATT était truffé de Kayesiens. Je me suis dit alors que je vais changer de stratégie en ne tenant pas ma rencontre dans la capitale régionale pour voir si réellement le Pdes est puissant dans cette région. J’ai envoyé l’invitation au coordonnateur régional du Pdes,  Cheick Camara, qui est natif d’une localité située à une trentaine de kilomètres de Nioro du Sahel, pour lui demander de tenir la rencontre à Nioro du Sahel, mais en prenant le soin d’envoyer les invitations dans toute la région de Kayes. Il a demandé pourquoi Nioro du Sahel et j’ai répondu que c’était pour jauger la fidélité et la reconnaissance des populations à l’égard de mon parrain.  Mais lorsque nous sommes entrés dans Nioro du Sahel à 9h du matin, ma délégation et moi avons été agréablement surpris. Rendez-vous compte, nous avons été accueillis par une très longue file de chevaux qui s’étendait sur un km et à 7 km de la ville, pour nous encadrer jusqu’au lieu de la rencontre. La salle était pleine. Les mots me manquaient pour m’exprimer. J’ai laissé les gens parler. Et que des éloges d’ATT ! Que de reconnaissance à son égard ! Que de regrets de l’absence du mentor ! J’ai simplement dit aux gens que selon mon constat, Nioro du Sahel, sinon même la région de Kayes, est 100% Pdes. Mais les responsables du Pdes n’ont jamais fait le déplacement.  Alors que même les gens que l’on croyait partis du Pdes ne l’étaient pas. Ils attendaient un jour comme celui-là et tout le monde était au rendez-vous. Tous les délégués des cercles de la région de Kayes étaient présents. J’ai remercié ceux venus de loin et j’ai expliqué pourquoi le choix de Nioro du Sahel pour ce rendez-vous.

 

Quels propos avez-vous exactement tenus à Nioro du Sahel ?

J’ai précisé que c’est une ville sainte qui regorge de saints. J’y suis venu demander quelque chose pour mon pays. Notamment des bénédictions pour le pays par rapport à la situation dans laquelle il se trouve aujourd’hui, comme l’insécurité, la pauvreté et tous les maux ressentis au quotidien par les populations. C’est pourquoi j’ai donné rendez-vous aux militants du Pdes à Nioro du Sahel. J’ai rendu visite aux trois saints, à savoir la Famille Tall, la Famille Cherif et la Famille Diakité, le grand imam de Nioro du Sahel. Accompagné de ma délégation, j’ai été accueilli au rang d’un chef d’Etat.  Je profite d’ailleurs de cette interview pour leur dire un grand merci. Merci à Nioro du Sahel !  Merci aux sages de Nioro du Sahel ! J’étais tellement ému que je ne pouvais rien dire. J’ai laissé mon cœur s’exprimer et j’ai dit que je suis venu dans cette ville sainte pour que ses imams, ses grands marabouts, puissent bénir le Mali. J’ai demandé que le Mali soit un pays de paix et de réconciliation. Parce que nous du Pdes, la seule chose que nous avons hérité d’ATT, c’est la paix. ATT est un homme de réconciliation, c’est un homme de paix. Et nous ne pouvons que prôner cela, partout où nous partons. C’est pourquoi je tiens parfois des propos et des camarades de l’opposition s’étonnent et pensent que je ne suis pas opposant. Si, je suis de l’opposition et je respecte mes camarades de l’opposition.

 

Vous confirmez que le Pdes est bien un parti de l’opposition ?

Le Pdes est aux premières loges de l’opposition. Seulement, chacun a sa façon de faire la politique. Moi je la fais autrement. Je fais la politique pour chercher le pouvoir. Mais celui qui est déjà au pouvoir, je le respecte. Vous savez pourquoi je le respecte ? Ce n’est pas parce que je l’aime. Je le respecte parce que je vais hériter d’un bien commun qui est avec lui. Et ce bien commun, je veux le trouver en bonne et due forme. C’est-à-dire avec une sécurité, un développement, disons avec tout ce qu’il faut et qui est digne d’un pays. Je ne vais pas hériter d’un pays en lambeaux. Certes le gouvernement actuel n’est pas en train de faire grand-chose, mais s’il avait hérité de quelque chose de la Transition, de plus consistant, peut-être qu’on en arriverait pas là. Mais le gouvernement actuel a hérité des putschistes un pays en lambeaux que lui a transmis la Transition. C’est pourquoi le pouvoir actuel a de sérieux problèmes. Surement ce n’est pas parce que ce ne sont pas de bons dirigeants, c’est parce que tout simplement, les putschistes avaient déjà mis le pays en lambeaux. Et la Transition en a rajouté car une transition, ce n’est jamais bon pour un pays. Par conséquent, un opposant doit se mettre dans la posture d’une opposition constructive parce que le pays n’appartient pas à ceux-là qui sont au pouvoir, mais au peuple. Un opposant qui parle au nom du peuple ne doit pas vouloir la destruction du pays. Quand j’ai un langage comme cela, les gens pensent que c’est parce qu’IBK c’est un ami, c’est un grand-frère.

 

Est-ce vrai que le Président IBK est votre ami ?

Oui, IBK est un grand-frère et un ami de longue date, depuis une trentaine d’années. Je le respecte en tant que personne, mais je ne suis pas d’accord avec sa manière de gouverner le pays. Et c’est justement aussi parce que le pays appartient au peuple que l’opposition doit être associée.  Nous sommes des représentants du peuple quand-même ! On ne doit pas nous ignorer. Un bon pouvoir n’ignore pas l’opposition, même si elle n’est pas constructive. Je donne un exemple sur mon mentor. Lorsqu’il était au pouvoir, il n’y avait pas un opposant plus farouche que Mariko et pourtant il était représenté au gouvernement. ATT n’a pas relevé le ministre du parti Sadi de Mariko, parce que ce dernier l’a offensé.  Tout en sachant d’ailleurs que  personne n’a le droit d’insulter le président de la République, même si on est à l’opposition. Pourtant ce fut le cas, mais ATT n’a jamais enlevé le ministre de Sadi sur cette base. J’aimerais que, nous de l’opposition, nous puissions dire ce que nous pensons pour amener le pays vers l’avant.

 

Mais est-ce que vous êtes sur la même longueur d’onde que les partis d’opposition en ce qui concerne le cas ATT ? A ce jour, aucun d’eux n’a posé le problème du retour d’ATT. Si cela continuait, qu’est-ce que vous allez faire ? 

Je me suis donné un temps parce que je ne fais pas les choses dans la précipitation. Je suis à l’opposition et au premier rang. Mais si je continue de constater que l’opposition ignore l’absence d’ATT, que l’opposition n’est pas du même point de vue que moi, c’est-à-dire qu’ATT doit rentrer au bercail, alors que tout ce qui se passe autour d’ATT ne peut pas passer inaperçu, je dégagerai de la famille de cette opposition. Je ne vois pas ce qui peut empêcher ATT de rentrer au bercail. Il y a eu trois présidents avant lui et ceux d’entre eux, encore vivants, sont au Mali. Pourquoi ATT devrait être contraint de rester en exil ? Pour moi, c’est un exil qui ne dit pas son nom. Si je vois que seul le Pdes continue de lutter pour le retour d’ATT je me démarquerai de cette opposition. Je n’irai pas pour autant vers le parti au pouvoir, mais je resterai à l’opposition et dans une opposition constructive.

 

Concernant le cas ATT, une plainte a été déposée contre lui devant la Haute cour de justice qui garde un si long silence sans se prononcer officiellement. Pourtant, suite à des fuites, la presse a fait écho de conclusions des discussions des membres de cette Haute cour qui trouvent comme non fondées les accusations formulées contre ATT. Quelle est la position du Pdes vis-à-vis de cette situation ?

Ma position par rapport à la situation d’ATT est très claire. A toutes les conférences que j’ai eu à faire et à tous les regroupements que j’ai eu à organiser, je ne parle que de ça. Au point que d’aucuns pensent que je n’ai pas d’autres mots pour rencontrer les populations. Mais je précise que ma priorité, en tant que président du Pdes, c’est le retour d’ATT. Il est vrai que nous avons plus de député à l’Assemblée nationale parce que nos députés ont rejoint d’autres formations politiques. L’élu malien est comme cela, si son parti n’est plus au pouvoir il cherche à regagner une autre formation politique et généralement celle qui est au pouvoir. Mais puisqu’il y a un groupe parlementaire censé représenter l’opposition à l’Assemblée nationale, j’attends de voir et je me suis donné un temps. Plus précisément le mois d’avril. Si je constate que mes pairs de l’opposition qui siègent à l’Assemblée nationale n’arrivent pas à tirer le dossier ATT pour qu’on en finisse, naturellement je n’ai pas de raison de rester avec cette opposition.

 

Mais en attendant la réaction de l’opposition, le Pdes mène-t-il des actions pour  permettre le retour d’ATT ?

Le Pdes pose toujours le problème. Même à l’occasion de la cérémonie de présentation des vœux de l’année 2015, j’ai envoyé une petite missive à Soumaïla, pour que les Maliens sachent que c’est cela le problème de l’opposition. Mais Soumaïla m’a dit que la missive est arrivée en retard et qu’il n’a pas eu le temps de l’insérer dans son discours. Je pense qu’il n’a même pas le droit de me parler ainsi, puisque je suis chef de parti comme lui. Et cela amène dans ma tête beaucoup de doutes et des soupçons. Mais je le répète, je me suis donné un temps de respect de mes pairs de l’opposition. Quand on est sur la même monture qui ne va pas dans la même direction que celle voulue, on finit par descendre.

 

Mais est-ce que vous avez posé le problème au pouvoir actuel, que ça soit au niveau de la Présidence de la République, de la Primature ou même au niveau de l’Assemblée nationale ?

J’ai fait des démarches de haut niveau avec beaucoup de discrétion et de souplesse pour la simple raison que ni un mouvement ni une association ne peut en réalité faire venir ATT, si ce n’est le président de la République, IBK. Dans la dernière interview que j’ai accordée à la presse, j’ai même dit que je suis étonné par la lenteur d’IBK pour faire venir ATT qu’il appelle Dogo et ATT l’appelle Koro. Je ne me mêle pas des relations entre ATT et IBK qui sont énormes car je ne les ignore pas. Donc je vais tout doucement. Mais ce qui freine IBK, je ne le sais pas. Je ne peux pas comprendre son attitude compte tenu de ses relations avec ATT. Et à chaque fois que je vais voir mon mentor ATT à Dakar, il me rappelle que je suis à l’opposition, c’est vrai, mais il me demande d’aider IBK car le pays a besoin d’être aidé. IBK qui gouverne le pays a besoin d’être aidé. Pour moi un homme qui parle comme cela, son grand-frère IBK ne doit pas l’oublier. Il n’a pas le droit de l’oublier. Mais comme il est le seul décideur, il n’y a que Dieu et lui qui peuvent faire rentrer ATT au Mali.

 

On voit que vous avez des ambitions. Mais comment se prépare le Pdes pour faire face à tous ces défis ?

On fait les deux choses à la fois. On cherche à faire rentrer ATT car cela fait partie de nos priorités et en même temps on est en train de reconstruire le Pdes afin d’avoir beaucoup plus d’élus, sinon même conquérir le pouvoir. C’est une ambition de pouvoir que j’ai, sinon je ne vais pas perdre mon temps.

 

A quand le prochain congrès du Pdes ?

Une fois que je finis la tournée nationale, je vais essayer de faire la tournée à l’extérieur. Aussitôt après, on va devoir aller en congrès dans les meilleurs délais possibles pour redynamiser le Bureau national du parti et prendre les choses en main.

 

Un message à la population malienne ?

Ma priorité aujourd’hui pour le Mali, c’est d’avoir un Mali de paix et de réconciliation. Un Mali où tous les fils du pays, femmes et hommes doivent se retrouver autour de l’essentiel. Pas forcément autour d’un parti politique au pouvoir ou à l’opposition. Je veux que les Maliens se retrouvent parce que le Mali c’est une très grande famille. On peut ne pas être du même parti, mais on est des parents. On peut ne pas être du même nom de famille, mais on est des parents car on est marié aux uns et aux autres. L’appel que je lance aux Maliens, c’est de se réconcilier. Pour moi, se réconcilier c’est d’abord chercher à faire ramener ATT au pays. Si ATT est en dehors du pays je ne vois pas de réconciliation. Et s’il n’y a pas réconciliation, il n’y a pas de paix. Les deux vont ensemble. Donc il faut que tout le monde se batte afin qu’ATT rentre au pays.

Entretien réalisé par ABN

 

Source: sphynx

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