Les réfugié.es sont aujourd’hui, et partout dans le monde, des femmes, des hommes, des enfants des deux sexes. Une communauté de malheurs que tient à rappeler la Secrétaire générale de la Francophonie, Michaëlle Jean.Émotions profondes pour ces 630 femmes, hommes et enfants migrants rescapés par l’#Aquarius enfin accueillis solidairement à #Valence après une semaine d’errance et l’angoisse des jours d’avant, à la dérive sur une embarcation d’infortune.
A la veille de la Journée mondiale des réfugié.es 2018, érigée par les Nations Unies en février 2001 et marquée depuis chaque 20 juin, en France, le Haut Conseil à l’égalité Femmes/Hommes (HECfh) a renouvelé ses demandes spécifiques concernant les demandeuses d’asile :
– la création de places d’hébergement en non-mixité dans les Centres d’Accueil de Demandeur.euse.s d’Asile (CADA) pour les femmes isolées, les mineures, et les cheffes de familles monoparentales ;
– la formation aux vulnérabilités des agent.e.s de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) et des CADA, en particulier à la détection des signaux de violences, d’exploitation sexuelle ou de traite des êtres humains.
S’agissant du droit au séjour des personnes étrangères victimes de violences conjugales ou familiales (article 32), le HCE salue : l’inclusion des victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme parmi les bénéficiaires de la carte de résident.e visée par les dispositions de l’article L. 314-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (carte de résident.e longue durée au sein de l’Union européenne) ; le renouvellement de plein droit de de la carte de séjour temporaire délivrée aux victimes de violences conjugales ou familiales même après expiration de l’ordonnance de protection lorsque la personne étrangère a porté plainte contre son agresseur, pendant la durée de la procédure pénale.
Le HCE regrette toutefois le caractère trop restrictif de l’article 32, qui exclut un certain nombre de femmes victimes de violences conjugales ou familiales du dispositif de protection.
Sans oublier que la jurispridence française exclut aussi les mères de filles destinées à subir des mutilations sexuelles. En France, l’asile est accordé seulement aux victimes potentielles… pas aux parents qui les accompagnent, même si elles sont très jeunes.
Les migrants sont le plus souvent des migrantes
Les chemins de l’exil, qui ne partent pas tous de Syrie, sont aujourd’hui empruntés par une majorité de femmes, à l’occasion de déplacements sud/nord ou sud/sud, selon les données du Haut Commissariat aux réfugiés, le HCR.
Aujourd’hui, les femmes représentent plus de la moitié (51%) des flux migratoires de la planète. Et si les images récentes, tournées aux portes de l’Europe, donnent un aperçu plus masculin de ces mouvements migratoires, ce n’est que situation provisoire. Selon l’Unicef, la tendance pourrait bientôt s’inverser : si 65% de ceux qui franchissent les frontières européennes sont des hommes, dans les camps de réfugiés des pays limitrophes de la Syrie (Liban, Jordanie, Turquie), les femmes sont légèrement plus nombreuses (50,5 %), dans une tranche d’âge majoritaire constituée par les 18-59 ans, où les femmes sont également en nombre supérieur (23,9 % des femmes, 21,8 % des hommes).
Moins visibles dans l’histoire des déplacements de population, comme dans l’Histoire en générale, les femmes étaient déjà en nombre quasi égal aux hommes dans les migrations des 19ème et 20ème siècles. Elles étaient 47% en 1911, 40% en 1930, 44% en 1954 et 48% en 1998. Mais à l’époque, elles prenaient rarement le chemin seules. Les départs étaient familiaux. Ou bien, elles arrivaient plus tard pour rejoindre leurs époux qui avaient fait souche dans leur nouveau pays. En 1927, Sarah et Moïse Gielman, leur deux enfants Yehuda et Michla (7 et 5 ans), décidèrent de quitter le ghetto de Varsovie. Ils voulaient gagner l’Amérique. Ils s’arrêtèrent en France. Ils fuyaient les pogroms et les prémices ravageurs de la crise économique. Mes grands-parents et leurs enfants espéraient un monde meilleur en un éternel recommencement.
La nouveauté pour les migrantes, ce sont ces départs solitaires, rarement décidés dans la joie, le plus souvent dans l’urgence, parfois avec un ou plusieurs enfants.
> Relire notre article : Migrants, toujours plus de femmes et d’enfants
La sociologue franco-britannique Jane Freedman connaît bien ces audacieuses qui n’ont souvent pas d’autre choix. Elle en a fait le thème majeur de ses recherches et de ses ouvrages. Des connaissances qu’elle a mises, aussi, durant plusieurs années au service de l’Unesco. Elle a rencontré beaucoup de ces voyageuses sans retour qui arrivent seules, d’Asie centrale (Afghanistan, Arménie ou Tchétchénie entre autres), ou d’Afrique – en particulier de là où elles risquent les mutilations génitales traditionnelles, comme le Soudan, l’Erythrée, ou encore le Mali, et de régions en guerre où le viol est utilisé comme arme de destruction massive, RDC mais aussi zones dominées par l’Etat islamique au Moyen Orient, par exemple.
D’autres viennent pour travailler et assurer une meilleur éducation à leurs enfants. Si elles quittent des territoires en guerre, c’est aussi parce qu’elles y ont perdu leurs maris. Veuves, en grande précarité, elles se lancent sur les chemins.
Des persécutions liées au genre qui ne sont pas prises au sérieux
Beaucoup demandent l’asile, pour des raisons liées à leur genre : crainte des mariages forcés, violences domestiques, viols de guerre, excision, homosexualité. Autant de raisons validées par le HCR et l’Union européenne. Malheureusement, constate Jane Freedman, ces persécutions ne sont pas toujours prises au sérieux, comme elle a pu le voir en France, avec l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) par exemple. Ces persécutions sont par ailleurs difficiles à prouver, surtout lorsqu’on a voyagé pendant des semaines, voire des mois, avant d’arriver dans les pays d’accueil.
Ce qui caractérise la “fuite” de ces femmes, c’est aussi le risque accru qu’elles encourent au long du chemin censé les mener vers plus de sécurité : outre les dangers de la traversée maritime qu’elles doivent surmonter comme les hommes, elles affrontent de nouvelles violences masculines, celles de proxénètes, même lorsqu’elles sont arrivées en Europe, d’où la nécessité de leur assurer un accueil plus sûr. Une nécessité loin d’être mise en pratique.
Retrouver les portraits de femmes, réfugiées en France :
Enfin, les qualifications de ces femmes sont loin d’être reconnues. Dès qu’elles ont le droit de travailler plupart d’entre elles sont immédiatement aiguillées vers des filières du travail domestique (gardes d’enfants, bonnes ou aides ménagères) ou du ménage industriel, sociétés de nettoyage des grands hôtels ou des entreprises, par exemple. Un nombre non négligeable d’entre elles sont pourtant hautement qualifiées…
Nous avons demandé à Jane Freedman de raconter les parcours de ces dizaines de milliers de femmes, invisibles parmi les invisibles. Entretien vidéo ci-dessous.
La belle histoire de Mazi Mas, restaurant “féministe” pour intégrer les migrantes
(source AFP)
Installé au cœur du théâtre Ovalhouse, au sud de Londres, “Mazi Mas” (qui signifie “Venez manger avec nous” en grec) est un restaurant qui se veut féministe : en cuisine, sept femmes-cheffes immigrées y mitonnent l’authentique cuisine de leur pays, trouvant ainsi un emploi autrement inaccessible et leur place dans la société britannique.
“Nous voulons donner du pouvoir aux femmes invisibles partout dans le monde“, résume Roberta Siao, les mains plongées dans des fruits de la passion. Cette Brésilienne de 43 ans, qui gère les cuisines du restaurant, explique comment, “sans contact, ni réseau ou expérience“, elle ne trouvait aucun emploi au Royaume-Uni malgré des diplômes et des années d’expériences en tant qu’employée de banque au Brésil. Après plusieurs années à la maison à élever son fils, sa rencontre avec la créatrice de “Mazi Mas” a été déterminante.
“Ceviche de Marlith”, “Mousse aux fruits de la passion de Roberta” ou “Borek d’Ezgi”: le menu reflète la cuisine multiculturelle proposée aux amateurs, saveurs d’Iran, d’Ethiopie, du Brésil, du Pérou, du Nicaragua, du Sénégal ou de Turquie.
Lancé en 2012, “Mazi Mas” est hébergé gratuitement depuis le printemps et au moins jusqu’à la fin 2015 par le théâtre Ovalhouse, après avoir fréquenté les cuisines d’un autre théâtre à Hackney (nord-est) ou cuisiné pour des soirées privées, notamment à la Tate Modern, musée d’art contemporain londonien. Partenariat encore avec Emmaüs UK, qui fournit les chaises et tables du restaurant. Un mobilier que les clients peuvent acheter et venir récupérer chaque fin de mois. Ces astuces permettent de payer les cuisinières, employées à mi-temps, à un salaire horaire de 9,50 livres sensiblement supérieur aux 6,50 livres du salaire minimum national.
Mazi Mas est aussi “un incubateur d’entreprises dans lequel les femmes acquièrent les compétences nécessaires pour créer leur propre affaire“. Certaines sont déjà en route pour ouvrir leur propre café ou restaurant… Face au succès du lieu, “quasi complet tous les soirs“, les projets fourmillent. L’activité traiteur est en forte hausse, un second restaurant pop-up doit ouvrir à Londres dans le quartier de Shoreditch (Est de la ville) en début d’année prochaine et un autre, permanent cette fois-ci, à la mi-2016.
Le modèle pourrait essaimer dans d’autres pays. Un “Mazi Mas” existe déjà à Sydney en Australie et « ne fait travailler que des demandeuses d’asile, explique l’allemande Mara Klein, responsable du développement de l’entreprise. Nous avons 40 cheffes sur liste d’attente à Londres et nous sommes en train de monter un Mazi Mas à Berlin et un autre à Leeds” (nord de l’Angleterre). Un projet est également en discussion en France à Lyon (centre-Est). » Une bonne idée à répandre…
Aller sur le site de Mazi Mas, pour tout savoir sur le projet, et les moyens de le soutenir