Dans la perspective du retour à la normale dans la gestion collectivités à la base, seront installées des Autorités intérimaires. Celles-ci devront assurer le service minimum de la continuité de l’Etat en attendant l’organisation des élections locales, amorce de la nouvelle régionalisation.
Depuis début 2012, le Mali est confronté à une grave crise sécuritaire et institutionnelle. Les populations des zones durement touchées aspirent à recouvrer la quiétude à travers la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Signé le 15 mai et le 20 juin 2015 par le gouvernement et les mouvements armés, cet Accord est l’aboutissement d’intenses et inclusives négociations. Celles-ci concernent tous les aspects de cette crise avec à la clé des solutions politiques et institutionnelles innovantes. Au nombre desquelles la mise en place des Autorités intérimaires qui devront permettre aux collectivités décentralisées de retrouver la normalité dans la gestion de leurs affaires. Lesdites Autorités devront constituer une solution palliative au blocage du renouvellement des instances des collectivités territoriales. La gestion desdites collectivités par des organes élus est un principe fondateur de la décentralisation au Mali consacrée par les Articles 97 et 98 de la Constitution du 25 février 1992 : « les collectivités s’administrent librement par des conseils élus et dans des conditions fixées par la loi » (Article 98). Depuis l’avènement de la troisième République, ce principe de la libre administration à la base est respecté au terme d’élections communales régulièrement organisées. Ainsi, les conseils des collectivités mis en place en 1999 ont été renouvelés en 2004 puis en 2009. Des élections locales auraient dû avoir lieu en 2014 si la crise multidimensionnelle n’avait pas plongé le Mali dans une impasse institutionnelle à partir de 2012. Les élections communales n’ayant pas pu être tenues à bonne date, les conseils actuels ont vu leur mandat prorogé à plusieurs reprises conformément aux dispositions de la loi portant code des collectivités territoriales. La prorogation des mandats des organes en place vise à permettre aux collectivités territoriales de poursuivre leur mission jusqu’à la mise en place de nouveaux conseils. Toutefois, cette mesure de prorogation a rencontré des difficultés d’exécution dans les zones où les organes ne sont plus fonctionnels à cause de l’insécurité persistante, notamment dans les régions du Nord. C’est dans ce cadre que le ministère de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat a fait application des dispositions de l’Accord qui prévoit effectivement « la mise en place, le cas échéant et au plus tard trois mois après la signature de l’Accord, des autorités chargées de l’administration des Communes, Cercles et Régions du Nord durant la période intérimaire ». En principe, l’Autorité intérimaire est un organe chargé provisoirement de l’administration d’une collectivité territoriale en attendant la mise en place d’un conseil élu afin de garantir la continuité de l’administration décentralisée. Les Autorités intérimaires sont chargées des attributions dévolues aux conseils, toutefois elles ne peuvent ni créer de service public ni recruter du personnel. La durée de leur mandat est de 6 mois non renouvelables. Cette période est mise à profit pour organiser de nouvelles élections. L’Autorité intérimaire est ouverte à l’ensemble des couches socioprofessionnelles de la collectivité territoriale. Les membres sont choisis de façon consensuelle entre le gouvernement et les mouvements signataires de l’Accord. Selon Bakary Bagayoko, Conseiller technique au ministère de la Décentralisation, la mise en place des Autorités intérimaires s’inscrit dans la dynamique menant à la normalisation avec l’organisation très attendue des élections locales. Aux dires de M. Bagayogo, les Autorités intérimaires n’auront d’autres missions que d’aider à la sécurisation des zones concernées, de faciliter le retour et la prise en charge des refugiés, le redéploiement des services techniques de l’Etat et la préparation des élections locales. éTAPE TRANSITOIRE : Bakary Bagayoko soutient que l’adoption de la loi relative aux Autorités intérimaires traduit la ferme volonté du gouvernement et son engagement sans faille à concrétiser les engagements contenus dans l’accord. Aussi, cet engagement s’est encore traduit par la signature d’un document additif dit ‘’Entente’’ entre le Gouvernement et les différents mouvements. Cette ‘’Entente’’ précise dans les détails les modalités de mise en place des Autorités intérimaires. Ces derniers mois, la tentative de mise en place des Autorités intérimaires a été diversement interprétée çà et là. Comme l’ont démontré, mi-juillet, les regrettables événements survenus à Gao. En en tirant les enseignements nécessaires, le département de la Décentralisation s’est vu dans l’obligation de revoir sa copie en ce qui concerne la stratégie de communication sur le sujet. C’est ainsi qu’une série de rencontres d’information et de sensibilisation ont été organisées dans toutes les capitales régionales et le District de Bamako. Ces rencontres ont permis d’expliquer aux populations le contenu des textes relatifs aux Autorités intérimaires. La mise en place des Autorités intérimaires est une étape transitoire, dans le vaste programme de réformes annoncées dans l’Accord pour la paix et la réconciliation. Des réformes qui vont se concrétiser dans le cadre de la régionalisation après l’organisation des élections locales. Ce changement va commencer avec le nouveau mode de désignation des élus au niveau régional. Jusque-là, les élus des conseils régionaux sont choisis au second degré parmi les conseillers de Cercles, eux-mêmes désignés au sein des conseils communaux. Désormais, il est prévu dans la nouvelle loi électorale d’aller vers le suffrage universel direct pour l’élection des conseils régionaux et du District de Bamako. Cette nouvelle vision favorise également le fait majoritaire. Les conseils élus seront dirigés automatiquement par un élu de la liste qui obtiendra le plus grand nombre de sièges. Cette élection automatique vise à traduire dans les faits la volonté des populations qui ont porté leur choix sur une liste majoritaire. Un autre avantage de la régionalisation : c’est la place importante qui sera accordée aux Agences de développement régionales (ADR) qui doivent piloter toutes les actions de développement au niveau régional. Il y a enfin l’instauration des contrats-plans qui permettront aux autorités régionales de réaliser des projets structurants et d’en assurer directement la maitrise d’ouvrage. Pour ce faire, le gouvernement a décidé d’augmenter de 16% à 30% la part du budget d’Etat allouée aux collectivités territoriales. Avec ces mesures, c’est la relation entre l’Etat et les collectivités qui va changer avec plus de pouvoir pour les collectivités. Il s’agit de mettre le développement régional au centre de la gouvernance, de la croissance de l’activité et de la solidarité nationale dans le respect des diversités culturelles et territoriales en préservant l’unité et l’intégrité nationales. Il s’agit également de reconnaître une prééminence du niveau régional pour coordonner et intégrer la politique de l’Etat et les programmes des collectivités territoriales. Son objectif principal est de promouvoir le développement territorial équilibré des régions et des pôles urbains. En somme, la régionalisation doit contribuer à la satisfaction des besoins de plus en plus croissants des populations. Celles-ci pourraient s’épanouir en s’auto-administrant à la base tout en restant dans le giron national. L. ALMOULOUD
Source : L’ Essor