C’est par de belles courses de pirogues sur le fleuve Niger que les rideaux sont tombés, le dimanche 3 avril 2016 à Markala, sur les festivités de l’un des plus vieux festivals du Mali, le Festival des Masques et Marionnettes de Markala, (FESMAMA).
Organisé par le Club de Markala, ce rendez-vous de dimension internationale a mobilisé des festivaliers de divers horizons du Mali. Cette année, les organisateurs de ce festival ont choisi comme thème: «Le rôle des masques et marionnettes dans la paix et la réconciliation nationale».
La cérémonie d’ouverture de cette 19ème édition a été lancée après la grande prière de vendredi, le 1er avril, en présence du représentant du Parrain de l’événement, le Ministre de la Réconciliation Nationale, Zahabi Ould Mohamed, Ataher Ag Iknan, du Professeur Dioncouda Traoré, l’invité d’honneur et un inconditionnel de l’événement, des notabilités locales et coutumières de Markala, notamment le Maire, Demba Diallo, l’Honorable Yacouba Traoré, le Président du Comité de Pilotage du Club de Markala, Paul Ismaël Boro, et ses collaborateurs ainsi que de plusieurs autres invités.
Au premier jour de la fête, ce sont les chasseurs qui ont eu l’honneur de chasser les mauvais esprits du site. Ensuite, ce fut une succession de prestations des troupes des différents quartiers de Markala, notamment les troupes de Diamarabougou Tilala, Djouanga, Samadougou, Thio et Konela, et particulièrement celle de Thiérola, avec la chanteuse Fanta qui a étalé toute la profondeur du répertoire culturel bozo, avec des danses initiatiques autour des masques incarnant des animaux sauvages. La soirée s’est poursuivie par la présentation des artistes en herbe de Markala.
Au-delà de l’aspect folklorique de l’événement, Paul Ismaël Boro et ses collaborateurs du Club de Markala ont organisé, au deuxième jour du festival, une conférence-débat sur le thème de cette 19ème édition de FESMAMA, «Rôle des masques et marionnettes dans la réconciliation nationale».
Le conférencier était le Secrétaire Général du Ministère de la Réconciliation Nationale, Ataher Ag Iknane, accompagné du Professeur Salia Mallé. Le premier a, dans son intervention, rappelé que si le festival a tenu bon jusque-là, c’est parce qu’il a pu garder ses valeurs pour atteindre son objectif.
Il a par ailleurs déclaré que le thème et le contenu de cet événement culturel cadraient parfaitement avec la vision du Ministre Zahabi Ould Mohamed, qui, selon lui, a toujours rappelé que la réconciliation nationale passerait forcement par le dialogue, les canaux les mieux indiqués pour cela étant ceux de la culture.
Pour sa part, le Professeur Salia Mallé a, dans un brillant exposé, montré les différentes fonctions et les significations des masques et des marionnettes dans les sociétés africaines, en général, et malienne en particulier. Un assez riche débat s’en est suivi, qui a vu le conférencier répondre aux préoccupations de son auditoire, notamment d’un enseignant qui a dit avoir mis un de ses élèves à la porte après que celui-ci ait tenu des propos violents sur l’enseignement des masques et marionnettes à l’école.
Et Salia Mallé d’accuser l’enseignant, en lui rappelant qu’il aurait du approcher la famille de l’élève, vu l’importance du sujet et le risque qu’il rejoigne le camp des intégristes. Par ailleurs, il faut noter la brillante contribution d’un patrimoine vivant de l’humanité, en la personne de Yaya Coulibaly. Un ressortissant de Markala, qui a largement contribué à la réalisation du film qui a permis au Mali de porter désormais la casquette de pays d’origine des masques et marionnettes.
Les activités de la deuxième journée se sont poursuivies le soir par la visite de plusieurs sites touristiques de Markala et la prestation d’autres troupes, telles que les masques dogons, qui ont émerveillé le public, avant le concert de réconciliation qui a vu des célébrités de la musique malienne se succéder sur le podium. Il s’agit de la chanteuse Babani Koné, de Maimouna Dembélé, de Mamadou Tounkara, de Dabara et des jeunes rappeurs Gaspi et AK 45.
Au dernier jour du festival, le public s’est régalé devant une belle course de pirogues entre trois équipes arborant les trois couleurs du drapeau malien, sous les sonorités bozo du quartier de Kirango. Ce qui a mis fin à cette 19ème édition du Festival de masques et marionnettes de Markala, sur les berges du fleuve Niger.
Mohamed Naman Keita
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Fesmamas 2016 : Les points de vue des officiels
L’une des particularités de la 19ème édition du Festival de Masques et de Marionnettes de Markala était la présence massive de personnalités, comme le Pr Dioncounda Traoré, invité d’honneur, Ataher Ag Iknan, Secrétaire général du ministère de la Réconciliation Nationale, Almami Ibrahim Koureichi, Diirecteur de cabinet du ministère de la Culture Paul Ismael Boro, Président du Comité de pilotage du Festival, Paul Ismael Boro, Demba Diallo, Maire de la Commune Rurale de Markala, et les Honorables Assarid Ag Imbarkawane et Yacouba Traoré.
L’un des temps forts de la cérémonie d’ouverture a été le discours du Pr Dioncounda Traoré, suivi de celui de Paul Ismael Boro. Ils ont permis de remettre les choses dans leur contexte.
Le Président par intérim de la Transition s’est réjoui de l’accueil qu’il lui a été réservé par la population de Markala. «Cette année, comme les précédentes, vous nous avez réservé un accueil dont vous seuls avez le secret. Je vous en remercie infiniment. Je n’en suis pas surpris, car votre sens de l’hospitalité s’est forgé dans la riche histoire de notre peuple et de votre terroir.
Rien de plus normal alors que je tienne à saluer sincèrement Markala. Tout Markala : ses femmes, ses hommes, ses jeunes. Markala, votre ville, désormais la nôtre aussi, cette belle ville d’échanges et de rencontres, cette ville de brassage et d’initiation, où bien des dirigeants de ce pays ont fait leurs premières armes.
Je prie le Seigneur pour que le FESMAMA, qui en est à sa 19ème édition, puisse continuer, encore plus grand, encore plus fréquenté, encore plus reconnu. Puisse le Tout-puissant nous prêter, à nous toutes et à nous tous, la santé et la force de venir ici encore pendant de nombreuses années et être de ce festival, né du volontarisme et de l’inspiration de quelques-uns, né surtout du volontarisme et de l’inspiration d’un homme» a-t-il dit, avant de rendre un vibrant hommage à l’initiateur du festival, le regretté Pr Abdoul K. Traoré, ainsi qu’aux organisateurs du festival et au Parrain.
«Et vous me permettrez, en m’inclinant devant sa mémoire, de rendre un hommage ému au Pr Abdoul Traoré, dit Diop, l’écrivain talentueux, le chirurgien émérite, le combattant infatigable pour la cause humaine, cet homme humble qui s’est mis au niveau des plus modestes, mais cet homme fier et indomptable, qui a su refuser les compromissions et l’argent facile des causes obscures».
Pour la mémoire de Diop, faisons que ce Festival soit admiré par ses progrès et ses richesses, faisons en sorte que s’instaure une communion avantageuse entre tous les festivaliers, sans distinction d’origine, de sexe et de religion. Car c’est de communion, d’échanges, de retrouvailles qu’il s’agit également!
A juste raison, le Club de Markala a placé cette 19ème sous le parrainage du Ministre de la Réconciliation Nationale, mon estimé cadet Zahabi Ould Sidi Mohamed, qui connaît, mieux que quiconque, le coût de la guerre et la valeur de la paix. Il symbolise le Mali qui se retrouve dans sa diversité, parce qu’il s’agit du même peuple, poursuivant le même but, avec la même foi».
Pour sa part, Paul Ismael Boro, le Président du Comité de pilotage, a rappelé que le festival international, inscrit à l’Inventaire national des biens culturels suivant décision No 2011-05/MC-SG, est un espace de formation et d’apprentissage, et surtout un véritable facteur de rapprochement entre des savoir-faire de divers horizons et les peuples, en rappelant l’importance de l’événement pour la ville.
«Markala, célèbre pour son barrage, est un berceau de culture qui a rendu célèbre les masques et marionnettes du Mali. Markala, depuis bientôt une vingtaine d’années, s’évertue, à travers le FESMAMA, à faire de la culture un carrefour des peuples, une rencontre de notre riche diversité et, surtout, à promouvoir une richesse insoupçonnée que sont les masques et marionnettes »a-t-il-souligné.
Avant de poursuivre, « la sortie des masques et marionnettes qu’organisaient les populations locales au début de l’hivernage, était plus qu’un folklore culturel, tant chacune des sorties étaient une leçon humaine, un enseignement social et une formation unique».
Mohamed Naman Keita
Source: 22 Septembre