Tant attendue par la communauté internationale, l’élection présidentielle a suscité enthousiasme et engouement chez les Maliens. D’où l’attente d’un fort taux de participation qui traduit ce que le peuple attend du nouveau président de la République.
Le premier tour de l’élection présidentielle, selon nos équipes de reportage et aux dires de certains observateurs nationaux et internationaux, se sont bien déroulés sur toute l’étendue du territoire national.
A part quelques couacs liés à la liste électorale et à l’organisation matérielle du scrutin, aucun incident majeur n’a été signalé. Au contraire, les électeurs sont sortis nombreux pour accomplir leur devoir civique et citoyen. Ce qui laisse présager d’un fort taux, historique, de participation à une élection au Mali. Cet engouement pour ce scrutin présidentiel traduit sans aucun doute la volonté des Maliens de sortir enfin d’une période de transition imposée par le coup d’Etat du 22 mars 2012, de sortir d’une période de transition afin de se doter, aujourd’hui, d’un président de la République légitime et, demain, d’institutions crédibles. Cet engouement, fortement empreint d’enthousiasme, prouve également que les Maliens ont cru aux candidats quand ceux-ci, dans leur quasi-totalité, ont prôné la nécessité d’un changement, d’un changement qui consiste à tourner la page de plus deux décennies d’apprentissage démocratique, de tâtonnements infructueux et de pilotage à vue.
Le Mali, en effet, depuis l’élection et la réélection d’Alpha Oumar Konaré puis celles du général Amadou Toumani Touré, ne semble avoir choisi qu’une ligne droite, rectiligne et uniforme. Il convient aujourd’hui d’amorcer un tournant pour aborder le vrai chemin du règlement des problèmes essentiels des Maliens dont la solution se reflétait dans les trois D : décentralisation, démocratie et développement. Ces maux essentiels, tous les candidats à l’élection présidentielle les ont évoqués. Il s’agit essentiellement de l’école et de l’éducation, de l’emploi et de la formation professionnelle, de la santé et du bien-être, de l’incivisme et du manque de patriotisme, de l’insécurité et de l’instabilité politique.
La démocratie a connu un début d’ancrage avant que le processus ne soit brutalement arrêté par dix années d’une gestion hégémonique et tentaculaire du pouvoir public par le vainqueur de la première élection présidentielle du Mali libre. Les nominations et avancements dans l’administration, l’attribution des marchés publics et l’octroi du crédit étaient conditionnés à l’appartenance au tout-puissant parti-Etat Adema. Ce parti fera si bien que le pays connut une crise institutionnelle et politique, en 1997, avec la radicalisation de l’opposition dont les partis contesteront les résultats des législatives et refuseront de participer à la présidentielle de la même année.
C’est de cette année que commence le désintérêt des Maliens vis-à-vis de la chose politique, au vu de l’essor qu’ont pris la corruption et la délinquance financière que les nouveaux maitres du pays avaient mis en avant pour renverser le général dictateur Moussa Traoré. De 1992 à 2002, le citoyen malien devint plus malheureux qu’auparavant, ayant constaté que les démocrates sincères et patriotiques n’étaient en réalité venus aux affaires que pour créer la classe des milliardaires qui avaient élargi le petit fossé entre les quartiers résidentiels avec les maisons luxueuses et les taudis qui abritaient les classes de pauvres et moyennes, de nouveaux riches dont les enfants dans les meilleures écoles occidentales et africaines, loin des débrayages que leurs parents entretenaient dans les écoles maliennes aux années scolaires et universitaires tronquées.
Les acteurs de la scène politique s’étant discrédités, le citoyen s’est tourné vers un militaire, qu’il élit à la présidence de la République. Mais pour son malheur, cet autre général de l’armée s’est senti obligé de gouverner avec les rapaces politiques dans ce qu’ils ont appelé la gestion consensuelle du pouvoir. Un consensus dénué de tout véritable débat sur les grandes questions d’intérêt national, qui a mis à terre, définitivement, le processus démocratique.
Il est vrai que la décentralisation ne pouvait pas trouver son chemin dans cette situation où les élus communaux, locaux, régionaux et nationaux étaient aussi corrompus, corrupteurs et mal élus que ceux d’en haut, eux qui étaient censés s’atteler au développement harmonieux des collectivités locales ne se sont fais élire que pour profiter des ressources locales.
Après l’échec de la démocratie et le fourvoiement de la décentralisation, le développement ne pouvait être qu’en panne.
L’engouement et l’enthousiasme des Maliens pour l’élection présidentielle d’hier traduisent leur espoir de voir arriver enfin un chef d’Etat qui s’occupera de leurs problèmes, des problèmes de la nation.
Et qui qu’il soit, le nouveau président de la République doit obligatoirement s’atteler à relever les défis de la mal gouvernance, du sous-développement, de la pauvreté, du chômage, de la maladie et du mal-être. A défaut, il sera sanctionné par les urnes à la prochaine présidentielle ou, bien avant, par les armes.
Cheick Tandina