Ils sont là, tapis dans l’ombre du maître de cérémonie, prêts à sortir les mains de leurs poches pour aller tâter de la petite boule rouge. Ils, ce sont les « tireurs au sort », souvent des anciennes gloires appelées à jouer les mains innocentes pour définir qui affrontera qui dans des tournois plus ou moins prestigieux.
Samedi, au Palais des Congrès, à Paris, ce sera la première option, et pas qu’un peu. Car ce sont les poules de l’Euro 2016 dont il s’agit. La France doit évidemment gagner, comme toute compétition à la maison qui se respecte, alors il ne faudrait pas avoir l’indécence de proposer aux Bleus l’Italie, la Pologne et la Turquie. Par exemple.
Sur scène pour le tirage de la Coupe du monde 1998 (avec Kopa, Weah et Beckenbauer, notamment), il avait été sympa avec les Bleus. « L’équipe que j’avais tirée pour eux [il ne se rappelle plus laquelle, entre l’Afrique du sud, le Danemark et l’Arabie Saoudite] n’était pas une grosse équipe, j’étais content », se souvient-il. Avec encore un brin de soulagement dans la voix, tout de même. « On a toujours ça en tête : Si on tire une équipe forte et que ça se passe mal… Là on pourrait se dire “oups” ».
« On a toujours envie que nos équipes préférées soient épargnées. Mais on est lié au sort nous aussi », embraye Manuel Amoros, habitué des tirages de Coupes nationales. Qui tient à démentir une rumeur bien installée : « Non, les boules chaudes et les boules froides, ça n’existe pas. Ça se saurait ! ». On ne l’a pas interrogé, mais Lothar Matthäus, visé en 2006 par quelques théoriciens du complot, approuve sûrement ce message. Fernanda Lima aussi, même si on ne sait pas trop pourquoi.
Au-delà du tirage en lui-même, il y a également tout un protocole à suivre minutieusement. Et là, la boulette n’est jamais loin. « J’avais fait un impair, raconte Marius Trésor. C’était au départ, j’étais avec M. Blatter, il m’a fait un signe comme quoi c’était bon alors j’ai mis la main dans le saladier. Mais en fait c’était pas le moment et il m’a dit “non non non, attendez !”, alors j’ai reposé la boule et j’en ai pris une autre. » Et voilà comment on passe à deux doigts du drame. Et du groupe de la mort.
« On nous dit aussi de faire attention que les boules ne s’ouvrent pas. Parce que si on est un peu trop virulent quand on mélange, ça peut arriver », ajoute Amoros. A part ça, pas grand-chose à signaler. « Non, c’est un super moment à vivre », assure Trésor. David Trezeguet, qui officiera samedi en compagnie de Bierhoff, Charisteas, Panenka et Del Bosque, espère qu’il pourra en dire autant quand ce sera fini. Il n’y a pas de raison. Après tout, ça a quand même l’air plus facile que mettre une demi-volée du gauche sous la barre à la 103e.
C’est peut-être nos années de supporterisme irrationnel passées à ronchonner contre ces « tricheurs » à chaque tirage défavorable pour notre équipe qui parlent, mais le rôle paraît assez ingrat vu de l’extérieur. « Pas du tout », répond Marius Trésor. Il faut dire que l’ancien défenseur de l’équipe de France s’en était très bien tiré, à peu près à la même époque, il y a 18 ans.