Du latin intellectus, de intellegere qui signifie comprendre, l’intellectuel est une personne dont l’activité fait toujours appel aux manipulations abstraites et aux discours.
C’est celui qui se consacre professionnellement ou par goût à des activités d’ordre intellectuel, culturel, spéculatif. Disons donc plus clairement que l’intellectuel se veut l’homme au sens élevé du discernement, qui interroge en toute circonstance sa faculté de juger sainement. Chez nous, il n’est pas rare d’entendre que l’intellectuel est le phare de toute société. Cette opinion n’est sans doute pas fausse lorsqu’on s’en tient aux normes.
Le Pr Joseph Ki Zerbo du Burkina Faso aimait dire que’’L’intellectuel est celui qui dit tout haut, ce que les gens pensent tout bas’’. Fort malheureusement, le constat au Mali est édifiant et pour cause :
Dans l’essentiel des cas au Mali, les gens instruits qu’on appelle intellectuel, loin d’honorer le serment de phare de la société font montre de tout sauf de la clairvoyance, du sens élevé de la raison critique. C’est peu de dire qu’au Mali, les ‘’intellectuels’’ dans leur écrasante majorité sont bien moins que les citoyens qui ne sont pas allés à l’école du Blanc pour apprendre à vaincre sans avoir raison.
L’on rappelle avec fierté que feu Modibo Keïta a réussi là où des gens bardés de diplômes vont lamentablement échouer après lui. Le Mali est aujourd’hui tout sauf une référence intellectuelle et patriotique. Le régime nationaliste de Modibo Keïta a su forger au Mali un citoyen nouveau par des programmes patriotiques de formation civique, morale et intellectuelle adéquate digne d’envie. Les cadres sortis des écoles de formation de la première République firent la fierté de tout un peuple et cela partout en Afrique et dans le reste du monde. La réforme de 1962, qui consacra pour notre pays un enseignement de masse et de qualité, est expressive.
Hélas ! Le régime Moussa Traoré est venu sceller négativement le sort de l’intellectuel malien. En lieu et place de ce travail patriotique réussi par le premier président du Mali, Moussa Traoré a tout simplement œuvré à la déliquescence du système éducatif mis en place, en 1962, par le régime Modibo. Dès lors, on assiste chaque jour davantage à la décrépitude, à l’affaiblissement des capacités intellectuelles et patriotiques des intellectuels maliens.
Pour rappel, bien d’intellectuels formés par le régime Modibo ont catégoriquement refusé de suivre Moussa Traoré dans ses aventures antipatriotiques et de cautionner sa dictature rampante et insolite. Au risque de leur vie, ils ont préféré servir leur patrie avec honneur et dignité. Les embastillements des intellectuels de cette époque n’ont nullement entamé leur détermination à dire haut et fort à Moussa Traoré: «Non !», «seule la patrie compte».
La suite n’a échappé à personne : malgré le Poste de commandement opérationnel dit PC opérationnel pour mater les manifestations de rue, le régime Moussa a cédé. Dès lors, c’est un vent nouveau qui va souffler sur le Mali: le vent de la ‘’démocratie’’. Mais la vraie face de ces ‘’démocrates’’ ne va pas tarder à se montrer au grand jour au grand mépris de ces femmes et de ces enfants du Mali qui ont sacrifié leur vie pour l’avènement d’un Mali où il fera bon vivre. Vite, ces ‘’démocrates’’ ont travaillé à colmater le procès Moussa Traoré par des questions trompeuses et fallacieuses comme ‘’qui a tiré et qui a donné l’ordre de tirer’’. Dès ce procès, on a fait de notre peuple le gros dindon de la farce.
Loin de vouloir servir consciencieusement notre peuple, ces intellectuels pourris et apatrides n’ont pas tardé à s’investir pour se servir de nos masses travailleuses. Ceux et celles-là qui parlaient avec fracas au procès du général ‘’bazin’’ sont aujourd’hui des gens sans honneur et sans dignité pour avoir participé au sabotage de notre Constitution pour leur fameux Sénat. Mais, ce comportement fallacieux des intellectuels petits bourgeois était prévisible pour ceux qui ont bien compris Karl Marx lorsqu’il décrivait sans ambage aucun ‘’Le caractère traite de la petite bourgeoisie intellectuelle’’.
Au Mali, ces intellectuels ont trahi le peuple malien qui a engagé ses ressources pour leur donner le ‘’savoir’’ et le ‘’savoir-faire’’. Les preuves de cette trahison ne font pas l’ombre du moindre doute.
Lorsque ATT a voulu organiser la Conférence nationale et le procès crimes de sang de Moussa Traoré, aucune voix parmi ces intellectuels ne s’est levée pour dire que ATT et Moussa ont les mêmes intérêts fondamentaux parce que le premier doit sa formation et ses grades au second : ‘’Croire que le chaton fera du mali au chat pour servir la souris, c’est vraiment se nourrir d’illusions aberrantes’’, dit un adage de chez nous.
Lorsque le même ATT a présenté sa candidature «indépendante», en 2002, pour briguer la magistrature suprême de notre pays, les voix de ceux qui se font passer pour des leaders politiques, d’opinion et pour des intellectuels ont immergé dans de la glace fondue comme l’éponge dans l’eau. Mais, il ne pouvait en être autrement quand on sait que bien d’entre eux n’étaient que de piètres intellectuels à la remorque de l’opportunisme vagabond!
Ils ont retourné leur sale veste pour se joindre à la marche contre la dictature du général bazin. Cette infamie était aussi l’œuvre de gens sans scrupule qui ont marché contre le mouvement dit démocratique pour le maintien du général assassin au trône. Si les victimes de la répression de 1991 (ils sont au nombre de 224) pouvaient sortir leur regard de leur tombeau pour découvrir ces intellectuels honteux ! Hélas, ils sont partis pour ne plus revenir !
Lorsque ATT a voulu organiser son couplage ‘’présidentielle premier tour et référendum’’ pour la création du Sénat, ces opportunistes de grand chemin n’ont pas daigné lever le petit doigt accusateur pour dire à ATT que non seulement il n’est pas mieux indiqué pour une quelconque révision de la Constitution qu’il a lui-même mise en place, mais aussi et surtout que notre pays n’avait nullement besoin de ce Sénat aux ambitions pour le moins machiavéliques.
Notre peuple a dû son salut au coup d’Etat du capitaine Amadou Haya Sanogo contre le général conteur, «médiateur» sur tous les foyers de tension en Afrique mais totalement incapable d’éteindre le feu à son propre toit chez lui: les trois régions dans le nord ont été victimes de la rébellion combinée du MNLA et des djihadistes venus de la tempête du désert de Libye et cela sous l’œil complice d’une France néocoloniale qui n’est pas sans intérêt dans cet imbroglio malien.
ATT détrôné, ce sont les mêmes politiciens peu crédibles qui ont inféodé la CEDEAO pour couper l’herbe sous les pieds de notre peuple déjà affamé et humilié par leur turpitude apatride. IBK est élu par un peuple qui savait plus à quel saint se vouer.
Mais le premier drame de celui-ci fut d’avoir taxé Moussa Traoré de ‘’grand républicain’’, ce général qui a nagé dans le sang d’enfants et de femmes dont le seul crime était d’avoir dit non au régime rétrograde militaro udpmiste du général. Rappelons que celui-ci avait promis la couronne d’enfer sur la tête de son peuple.
Le deuxième drame de IBK était de recourir à des hommes et des femmes totalement comptables des forfaitures du régime de Amadou Toumani Touré. Dès lors, la restauration était en marge dans notre pays. Dramatique a été par ailleurs, l’accord de paix d’Alger qui consacre dans les faits la partition de notre territoire national.
Pendant tout ce temps, les intellectuels à la barbe mouillée ont observé leur mutisme habituel complice, juste le temps de savoir les postes qu’il pourrait occuper dans la foulée.
Pour avoir leur part du gâteau, ces politiciens ont courtisé les vrais patriotes pour dire en chœur à IBK que le référendum est tout sauf opportun et qu’il faut l’annuler. Va-t-on dire à l’occasion de cette «nouvelle union» entre patriotes et les membres de l’opposition que les contradictions principales sont devenues secondaires et vis-versa face à cette intention manifeste du régime de IBK de construire dans notre pays une monarchie constitutionnelle ? En tout cas, tout le monde connaît parfaitement les hommes et les femmes qui s’agitent dans l’opposition pour des intérêts inavouables.
Aussi, les Maliens ont déjà compris que le président élu par eux à 77,66% des suffrages exprimés à fouler au pied toute leur préoccupation et ne peut servir les intérêts fondamentaux de notre peuple et pour cause :
+ La situation nationale s’est particulièrement détériorée sous IBK en tout cas au plan économique, social, culturel, sanitaire, éducatif et sécuritaire.
+ Le Mali n’a que faire d’un référendum qui aux dires de certaines sources, va coûter à l’État la bagatelle de 5 milliards de F CFA. Ici, il faut le dire, ces milliards devraient plutôt servir à anticiper sur les longues grèves des médecins et des enseignants. Ne parlons pas ici de la misère accablante dans laquelle végètent aujourd’hui plus que par le peuple nos masses laborieuses.
+ Le Mali est toujours frappé de plein fouet par l’insécurité et ses effets pervers. Nous avons perdu plus de 500 soldats, en 2017, selon certaines sources.
+ Selon toute vraisemblance, IBK risque de recourir à des chefs religieux, traditionnels et à des intellectuels acquis à sa cause pour composer son Sénat dont notre peuple n’a que faire. Ceux qui continuent la gymnastique intellectuelle pour noyer le poisson ne trompent gravement et historiquement et doivent savoir que notre peuple sait qu’ils n’ont que faire de l’intérêt supérieur du Mali. Mais comme la décence n’est pas à l’ordre du jour au Mali !
Tout compte fait le Mali à d’autres priorités que le référendum qui foule au pied la Constitution de 1992 votée par notre peuple.
Il n’est pas trop tard: les intellectuels doivent s’assumer pour dire de vive voix à Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) d’abandonner son projet de Sénat s’il aime le Mali. Pour la paix et l’honneur du Mali ! Sinon, les gaz lacrymogènes ont leur limite objective dans le temps.
Que Dieu sauve le Mali !
Fodé KEITA
Source: Inter De Bamako