Il pensait que l’écrivain doit avoir le courage de dire les choses, d’aller contre la pensée dominante et d’assumer ses responsabilités
Dans le cadre de la Rentrée littéraire 2016, l’École normale supérieure (ENSUP) de Bamako a accueilli hier une table-ronde en hommage à l’écrivain nigérian, Chinua Achebé, décédé en mars 2013. La conférence était animée par Jacques Guégané, directeur des éditions Découvertes du Burkina, et les écrivains Mohomodou Houssouba et Badjadji Horretowdo. C’était en présence du chef du département lettres, Mme Coulibaly M’Bamakan Sacko, et de nombreux étudiants et professeurs de l’établissement.
Badjadji Horretowdo a expliqué que cette rencontre a été initiée pour expliquer aux étudiants l’esprit de l’auteur, les valeurs de ses écrits et la portée de son message pour l’Afrique d’aujourd’hui et de demain. Il a souligné que feu Chinua Achébé, reste et restera toujours l’un des plus grands écrivains africains qui a ouvert la voie à beaucoup d’autres parmi lesquels lui même.
En se penchant sur la bibliographie de Chinua Achébé, Horretowdo a cité, entre autres, « Le monde s’effondre », « Le malaise », « La flèche de Dieu », « Les termitières de la savane », « Tout s’effondre », « Éducation d’un enfant protégé par la couronne ».
Son premier roman, « Le monde s’effondre », a été écrit à un moment très critique de l’évolution de l’Afrique, en 1958, durant les années de lutte pour l’indépendance. En ce sens, cet ouvrage entre dans l’histoire. Achebé fut un des premiers à dire que l’Afrique n’était pas sauvage, comme l’assuraient les occidentaux. Il a démontré que l’Afrique a ses valeurs et que l’irruption coloniale a été bien plus négative pour les peuples africains qu’on le dit généralement.
L’héritage que les écrivains reçoivent de lui est son engagement intellectuel, a expliqué Badjadji Horretowdo. Un héritage précieux car c’est cet engagement qui caractérise un écrivain. Il ne doit pas se détourner des réalités de sa société. Son devoir est de faire en sorte que sa société comprenne les problématiques qui sont les siennes. L’écrivain doit avoir le courage de dire les choses, d’aller contre la pensée dominante et d’assumer ses responsabilités. « Rendre hommage à Chinua Achébé, constitue donc un moment important pour les écrivains » a-t-il conclu.
Achebé a écrit et pour écrire valablement, il faut analyser les situations qui inspirent, a relevé Jacques Guégané. En même tant, il y a une réflexion sous forme d’essai qui vise à convaincre au lieu de suggérer comme dans la création. Il n’y a pas un seul mode d’expression, a-t-il fait remarquer, et ce n’est pas uniquement le mode de pensée rationnel qui suffit à dire la vérité d’une situation. Il y a le mode de pensée intuitif, sensible, esthétique qui permet de prendre le raccourci pour appréhender une réalité qui échappe au système rationnel. Et Achébé a contribué à renforcer cette idée.
Lui rendre hommage, c’est permettre à l’assistance de reconnaître ses mérites et de s’approprier des problématiques qu’il a dégagées en tant qu’écrivain, essayiste, enseignant et intellectuel, a souligné Jacques Guégané.
Chinua Achebe est né le 16 novembre 1930 à Ogidi, dans l’est du Nigeria. Il est le cinquième d’une fratrie de six enfants. Ses parents, tous deux des Ibos, Isaiah Okafo et Janet Achebe, sont de fervents chrétiens.
Bon élève, Achebe obtient une bourse et poursuit des études au Government College d’Umuahia de 1944 à 1947, puis à l’Université d’Ibadan de 1948 à 1953, année où il obtient son diplôme de BA. Avant d’entrer à la Nigerian broadcasting corporation (NBC), Achebe effectue quelques voyages en Afrique et aux États-Uniset travaille quelques temps comme professeur d’anglais. Il suit une formation à laBBC et commence à travailler à la NBC en 1954.
Après avoir enseigné dans de nombreuses universités anglaises, américaines etnigérianes, il est professeur au Bard college, dans l’État de New York, puis à l’université Brown. En 1990, un accident le cloue dans un fauteuil roulant. Il meurt le 21 mars 2013 dans un hôpital de Boston.
A. D. SISSOKO
Source : Essor