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Rentrée littéraire du Mali : UN COURAGEUX ARBITRAGE ENTRE L’ANCIEN ET L’ACTUEL

Le rôle de l’écrivain est aussi de défendre les valeurs d’hier qui doivent être préservées et de dénoncer les anachronismes

Kénékouo Barthelemy Togo ministre education nationale

Les valeurs africaines d’hier sont-elles celles d’aujourd’hui, tel était le thème du café littéraire de jeudi 26 février dernier à l’Institut français de Bamako. Quatre écrivains, tous Africains, invités à cet événement ont donné leur point de vue, en s’appuyant souvent sur leurs œuvres pour leur démonstration. Il s’agit de la Camerounaise Djaili Amal, du Nigérien Adamou Idé, de l’Algérienne Sarah Haidar et du Malien Facoh Donki Diarra.
« Mangeuses d’âmes » de Djaili Amal est certes une fiction, mais aussi un subterfuge qui lui sert de tribune pour dénoncer une pratique des plus anciennes et des plus regrettables dans son pays, et plus largement dans toute l’Afrique noire. Cette pratique, c’est la sorcellerie. Le phénomène très répandu a, la plupart du temps, pour victimes de vieilles personnes, surtout des vieilles femmes misérables et généralement sans soutien aucun. Mais qu’est ce qui explique que la croyance en la sorcellerie survive jusqu’à présent ? Une des explications données par Amal est qu’en Afrique, l’on rencontre des amalgames dans tous les domaines de la vie. Le cas le plus patent serait celui de la religion. « Nous avons embrassé le christianisme et l’islam tout en conservant nos anciennes croyances purement africaines et pour peu qu’une situation nous inquiète, nous nous retournons vers celles-ci», fait-elle remarquer. De telles valeurs ont autant cours aujourd’hui qu’hier. Si la pratique de la sorcellerie ne peut, ni ne doit compter au nombre des phénomènes à défendre, il n’en va pas de même pour d’autres traditions dont nous devons être fiers, mais qui sont en voie de disparition.
L’héroïne du roman de Djiali, Aissatou, incarne tout ce qui fait la fierté d’être peulh. Elle a de la pudeur, est courageuse, patiente et endurante. Ces qualités se montrent au cours de veillées durant lesquelles les hommes rivalisent de prodigalité pour mériter la plus belle fille. La religion et à sa suite la colonisation ont accusé cette cérémonie de favoriser la prostitution, puis elles l’ont interdite. Or, les qualités d’Aissata s’inscrivent dans un code de conduite, un comportement obligatoire pour tout Peulh qui ne veut pas être mis au ban de sa société. Le rôle de l’écrivain dans cette situation ? Il ne se contentera plus de la simple dénonciation. Il ira au-delà en servant de modèle et donnera ainsi aux autres la preuve que toutes les valeurs d’hier ne sont pas mauvaises.
Facoh Donki Diarra reconnaît qu’une une telle responsabilité n’est pas facile à assumer dans une société où, par exemple, les prénoms authentiques sont l’objet de critiques négatives. Alors écrire dans sa langue maternelle fait de cette écriture une valeur d’aujourd’hui ou ne change rien ? Pour Sarah Haidar, écrire dans une langue africaine est bien une valeur d’aujourd’hui. On permet par ce moyen à un plus grand nombre de gens de prendre part au débat de cité et donc de prendre conscience de certains dangers. Adamou Idé a été lui aussi de cet avis. Après avoir écrit ses premiers romans en français, il les rédige maintenant dans sa langue maternelle. L’écriture est un choix, car on peut écrire pour soutenir, mais aussi pour dénoncer, condamner. Et c’est selon que l’on veuille défendre ou condamner un fait.
UN ACTE GÉNÉREUX. Le roman historique de Facoh D. Diarra,  « La colère du prince » est une réalité historique dont s’écarte volontairement l’auteur pour la simple raison qu’on ne peut pas toujours défendre certaines valeurs d’hier sans vexer les autres. En choisissant un événement réel, Facoh valorise avant tout les sources orales de son Bélédougou natal. Mais il tient à préciser sa démarche. « Chez moi, il n’y avait aucune volonté de moderniser. S’il y a modernisme, il est peut-être dans le choix de faire de l’histoire un roman », explique-t-il. Dans « La parenthèse sur le fleuve », Adamou Idé stigmatise les inégalités sociales de son pays où les étudiants issus de familles paysannes n’ont d’autres choix que les universités du cru tandis que les enfants des riches iront étudier en Europe. Il dénonce une situation en passe de devenir une pratique au-dessus de tout reproche et que l’on trouve normale tout simplement parce qu’elle est devenue courante.
« La parenthèse sur le fleuve » raconte à cet égard un cheminement vers l’impasse, car les étudiants de familles pauvres finissent par fréquenter des bars par dépit. Le héros du roman, lorsqu’il est de retour au village, trouve son père qui l’attendait de pied ferme. Ce dernier lui donnera une épouse et lui dira : « L’école du blanc, c’est fini ». Voilà donc une valeur d’hier – l’instruction – qui ne signifie plus rien pour ces villageois. Au milieu de ces commentaires et interprétations multiple, un point a fait l’objet d’une perception commune à tous les intervenants : l’ambition de l’écrivain de faire regarder différemment le réel.
Les thèmes traités dans les romans sont connus de tout le monde. Mais écrire reste un acte généreux et l’écriture permet de donner une autre version, une autre valeur à un acte et à son héros. Ecrire est donc un acte qu’on assume et au regard de toute la production des écrivains africains, il ne serait pas honnête de dire que ceux-ci n’ont pas changé le monde. Le premier roman d’Amal « L’art de partager un mari » n’a certes pas tout changé au Cameroun, reconnaît volontiers son auteur. Il a cependant le mérite d’avoir provoqué une prise de conscience chez la plupart des polygames qui reconnaissent toutes les peines qu’endurent les épouses à l’intérieur d’un tel ménage. Il faut donc dire qu’il y a des valeurs d’hier qui n’ont plus leur place dans notre société actuelle. Ce que plus d’une plume a dénoncé, ce que d’autres plumes continueront de dénoncer.

C. DIAWARA

source : L Essor

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