À l’instar de la communauté internationale, le Mali célèbre aujourd’hui 7 octobre, la Journée mondiale du coton. Les attentes de nos concitoyens sont de plus en plus tournées vers une transformation locale de la production. La dynamique enclenchée quant à la promotion des tissus locaux pourrait attirer des investisseurs
Le Mali est l’un des premiers producteurs de coton en Afrique avec une production annuelle normale avoisinant les 700.000 tonnes, ces dernières années. Le coton a engrangé environ 6% du Produit intérieur brut (Pib) de notre pays en 2017 avec 189 milliards de Fcfa et 108 milliards de Fcfa en 2018, rapporte l’économiste Modibo Mao Makalou. La filière coton est une source de revenu pour 40% de la population rurale malienne soit plus de 4 millions de Maliens. Elle est la deuxième source de recette d’exportation pour notre pays, soit 10 et 14% des recettes après l’or avec 70%, détaille l’économiste.
Le talon d’Achille de la manne que représente le coton pour notre économie est en termes de proportion quasi nul de la production transformée localement pour en tirer une valeur ajoutée. Moins de 1% de la production nationale de coton est transformé localement au Mali, relève Modibo Mao Makalou.
Le business du coton transformé localement est l’apanage de certains entrepreneurs qui se sont lancés dans le secteur. Sory Ibrahim Konandji, un technicien en technologie du textile formé au Centre de recherche et de formation pour l’industrie textile (Cerfitex), s’est lancée dans ce domaine qu’il juge porteur. En 2019, il a créé son entreprise qui emploie cinq personnes sur subvention, accordée par un projet du ministère en charge de l’Emploi.
Comme lui, ils sont nombreux les entrepreneurs qui essaient de faire bouger les lignes par la création d’un embryon de transformation pour la mise en valeur des produits locaux dérivés du coton. Mais, ces petites entreprises embryonnaires sont obligées de se fournir à l’extérieur avec le manque d’unité industrielle nationale dû à l’inactivité de la Compagnie malienne des textiles (Comatex). Sory Ibrahim Konandji et ses collègues importent des fils de coton des pays voisins comme le Burkina Faso et le Sénégal qu’ils transforment à leur tour en tissu. « Avant, on se faisait ravitailler par la Comatex, le prix du paquet de fil nous revenait deux fois moins cher que maintenant où nous l’exportons de l’extérieur », explique Sory Ibrahim Konandji.
POLITIQUE NATIONALE INDUSTRIELLE- La production cotonnière du Mali est supérieure à celle de certains pays où les artisans ou entrepreneurs maliens s’approvisionnent en fil. Pour pallier ce manque à gagner pour l’économie nationale, Modibo Mao Makalou, insiste sur la nécessité d’adopter une Politique nationale industrielle axée sur la transformation de nos matières premières dont le coton. « La politique industrielle est la politique en matière de compétitivité, c’est-à-dire pouvoir allier la recherche, l’innovation en matière de coton par exemple. Il faut savoir comment augmenter les rendements, faire la transformation et où vendre la production », propose le spécialiste. Pour lui, une telle dynamique est possible grâce à une synergie d’action entre l’ensemble des acteurs intervenant dans la chaîne de politiques publiques en la matière. « Cela ne dépend pas seulement du ministère de l’Industrie, mais également de celui de l’Agriculture, du Commerce, des Finances », ajoute-t-il.
Cela afin de vaincre notre dépendance à l’exportation de coton brut en vue de créer de la valeur ajoutée. Le Mali exporte près de 99% de ses productions de coton non transformées. Même si elles étaient transformées à hauteur de 10 à 20%, les revenus actuels issus de l’Or blanc pourraient être doublés. Ce qui aurait pu permettre d’augmenter substantiellement les emplois et les revenus de ceux qui opèrent dans la filière, analyse l’économiste. « Quand on transforme le coton, on crée de l’emploi et des revenus qu’on peut créer de la consommation dans son pays », insiste-t-il.
En plus de la création d’opportunités, la transformation permettra un contrôle du surplus de production qui peut être exporté pour alimenter le marché sous régional. « Ainsi même si le prix des matières premières augmente, nous ne sommes pas aussi affectés que lorsque nous vendons sur le marché international sur lequel nous ne contrôlons rien. Quand nous exportons du brut, nous sommes à la merci des prix internationaux qui ne sont pas fixes » de commun accord ni avec nos producteurs ni avec nos gouvernants, explique Modibo Mao Makalou.
À défaut de disposer d’un secteur industriel compétitif, la petite transformation artisanale peut aussi offrir des opportunités à valoriser pour ses intervenants. En la matière, Modibo Mao Makalou estime que les filières artisanales de transformation peuvent être mieux valorisées et organisées. Mettre les tisserands et les artisans locaux en coopérative, explique-t-il, leur permettrait d’exporter leurs produits sur la marché international.
Les tissus faits à la main coûtent plus cher que ceux confectionnés industriellement, argumente-t-il, insistant sur la nécessité de capitaliser le savoir-faire de nos artisans. « Quand nous achetons une chemise chez les artisans, la personne qui fabrique le fil gagne, celui qui fait le tissu gagne, celui qui fait la couture gagne. Si au moins un million de Maliens font de même, les revenus générés au sein de l’économie seront conséquents », soutient Modibo Mao Makalou. Il attire l’attention sur les opportunités dans ce domaine qui peuvent être rentabilisées avec des initiatives comme African Growth Opportunities Act (Agoa), une loi qui permet à 5.000 produits africains d’entrer sans droit de douane sur le marché américain. Les produits du coton et ceux fabriqués en cuir entrent dans ce cadre, précise l’économiste.
Mohamed TOURÉ
Source : L’ESSOR