S’il est un Malien par qui le scandale adore arriver, c’est bien Mohamed Aly Ag Wadoussène. Ce jeune tamasheq d’une trentaine d’année semble avoir la tête aimantée pour attire le scandale susceptible de mobiliser le pays entier, et focaliser l’attention de l’opinion internationale.
Déserteur des Forces Armées Maliennes (Fama), du corps des Gardes nationaux précisément dont il est une cuvée du contingent de 2009, Mohamed Aly Ag Wadoussène rejoint le maquis du Mouvement national de libération de l’Azawad. À la veille de l’invasion des 2/3 du territoire national par les groupes narco-trafiquants-djihadistes, Mohamed Aly Ag Wadoussène organise l’enlèvement de deux français: Serge Lazarévic et Philippe Verdon, le 24 novembre 2011 à Hombori. Les deux otages français se retrouveront prisonniers des djihadistes de Alqaïda au Magreb Islamique, Aqmi: Philippe Verdon jusqu’à son assassinat en mars 2013, et Serge Lazarévic, jusqu’au 09 décembre 2014, jour de sa libération.
Entre temps, Mohamed Aly Ag Wadoussène est fait prisonnier par les services de la Sécurité d’État, le 10 décembre 2011 à Gao. En mars 2012, alors que les forces narco-trafiquants-djihadistes se frayent un chemin vers le sud du Mali, Mohamed Aly Ag Wadoussène se retrouve à Bamako et mis sous mandat de dépôt. Le Chef d’inculpation retenu contre lui est long comme un bras: terrorisme, association de malfaiteurs, prise d’otage et séquestration. Mais son aventure est loin d’être terminée.
Le 16 juin 2014, alors que le Mali peine à retrouver son équilibre, Mohamed Aly Ag Wadoussène organise une évasion spectaculaire de la la Maison centrale d’Arrêt de Bamako. Il réussit à s’échapper des murs fortifiés, en faisant libérer plus de vingt autres prisonniers, presque tous de grands malfrats incarcérés pour divers crimes.
Pour réussir cette évasion en plein jour, et au cœur de Bamako, Mohamed Aly Ag Wadoussène et ses co-fugitifs se font aider par deux dames dont la “fiancée” de Wadoussène et la compagne d’un assassin, un certain Soumaïla Dembélé dit Soumi. Les malfrats obtiennent une arme à feu et tue le surveillant de prison qui était de faction ce jour-là, l’Adjudant Kola Sofara.
Le pays entier fut plongé dans l’émoi. La tête du directeur de la prison est exigée, celle du Ministre de tutelle est réclamée par une population désemparée. Les gardiens de prison montent au créneau et étalent le spectacle de leur dénuement: une formation pas très professionnelle; des conditions de travail exécrables; l’équipement minimum pour assurer une réelle surveillance absent; leur statut quelconque… Dans les couloirs du pouvoir du nouveau régime IBK, on soupçonne un sabotage de l’action politique menée.
Presqu’un mois plus tard, Mohamed Aly Ag Wadoussène est de nouveau fait prisonnier à… Bamako. Alors que beaucoup le croyaient être déjà parti loin… vers le désert.
En effet, le 24 juillet 2014, Mohamed Aly Ag Wadoussène est interpellé par les agents de la Sécurité d’État à Hamdallaye ACI, chez sa « fiancée ». Il échange des coups de feu avec les agents et sa “fiancée” fut tuée. Il semblerait que Mohamed Aly Ag Wadoussène ait voulu se servir d’elle comme un bouclier. Humain.
Fait prisonnier, Mohamed Aly Ag Wadoussène est détenu dans les locaux de la Sécurité d’État, jusqu’au 09 décembre 2014. C’est ce jour qu’il a été libéré, certainement sur la demande de ses commanditaires dans l’enlèvement des otages français, en échange de la libération de celui qu’il avait enlevé trois années plus tôt: l’otage français Serge Lazarévic.
Cette “évasion” officielle de Mohamed Aly Ag Wadoussène organisée par le Gouvernement malien, à la demande du Président français, suscite de nouveaux tollés dans le pays. Les organisations des droits de l’homme dénoncent le déni de justice, les partis de l’opposition fustigent la prime faite à l’impunité et demandent au Chef de l’État de s’expliquer devant la nation, les gardiens de prison crient leur indignation et projettent de lancer un préavis de grève. Et le monde entier s’interroge sur l’acte posé par le régime du président IBK.
Finalement celui-ci monte au créneau, six jours plus tard, et assume son acte. Il affirme avoir agi pour aider un innocent emprisonné depuis trois ans (Serge Lazarévic), et aussi en signe de reconnaissance de l’aide que la France apporte au Mali. Mais il lance un message à Mohamed Aly Ag Wadoussène: “tu auras mieux fait de demander à rester en prison. Parce que les actes que tu as posés ne resteront pas impunis”, peut-on paraphraser les propos du président IBK. Aussi promet-il de le retrouver partout où il se cache. Et le feuilleton du scandaleux Mohamed Aly Ag Wadoussène n’a pas fini de passionner les Maliens. Toute l’année 2014 durant.
Moussa TOURÉ