Le lundi 22 décembre courant, la salle de réunion du Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux a servi de cadre à un point de presse animé par Maitre Mohamed Ali Bathily, Ministre dudit département. Pour l’occasion, le Ministre était entouré par les membres de son cabinet. L’objectif de cette conférence, qui s’est tenu 13 jours après les faits, était d’édifier les hommes de la presse à propos de la libération des quatre prisonniers djihadistes en contrepartie de celle de Serge LAzarevic, ex-otage français qui était détenu par Al-Qaïda au Magreb Islamique (Aqmi).
Selon les explications fournies par le conférencier, le Mali ne pouvait pas refuser la demande faite par la France, afin de sauver la vie d’un de ses citoyens. Cela pour deux raisons fondamentales:
– primo, le conférencier a déclaré qu’il s’agissait de sauver la vie d’un homme à qui on ne reproche rien et que le fait de sauver la vie d’un homme, de surcroît un innocent, est un devoir régalien dans toute société humaine civilisée.
Pour étayer ses idées, le Ministre Bathily a rappelé qu’en mai dernier, lors de la visite du Premier ministre Moussa Mara à Kidal, certains de nos militaires et civils avaient été pris en otages par les groupes armés du nord et leur libération a été consécutive à un échange de prisonniers entre le Mali et les groupes armés preneurs d’otage. “Nous avons procédé, par le passé, à la même démarche pour sauver la vie de nos propres compatriotes. Donc il n’y avait pas de raison pour qu’on refuse d’accorder ces faveurs à un soutien comme la France”, a dit le conférencier;
– secundo, la libération des prisonniers djihadistes en échange de celle de l’ex-otage français tient d’un devoir de reconnaissance du Mali envers la France, qui a joué et qui continue de jouer un rôle de premier plan dans le règlement de la crise sécuritaire dans notre pays. A ce propos, le Ministre Bathily a déclaré que “tous nos compatriotes ont apprécié à juste titre l’intervention de la France à Konna pour contrer la progression des groupes terroristes vers le sud. Il ne faut pas oublier que ce pays a perdu ses fils, ses matériels militaires et continue à nous appuyer pour combattre le terrorisme. Récemment, la force française a mis hors d’état de nuire l’un des fondateurs du Mujao. Aussi les terroristes qui ont été échangés contre Serge Lazarevic, c’est la France qui nous a aidé à les capturer”.
C’est au regard de tout ce que la France a fait et continue de faire pour le Mali, que nos autorités ont été amenées à prendre la décision difficile, mais pleine de bon sens, de libérer des djihadistes en échange de Serge Lazarevic. Cependant, le conférencier a tenu à préciser que “le Mali n’a pas été contraint par la France ou par qui que ce soit à libérer Wadoussène. Car refuser de libérer Wadoussène contre l’ex-otage Serge Lazarevic pouvait être assimilé à un acte d’ingratitude à l’égard de nos amis français et de déshonneur pour le peuple malien qui sait reconnaitre ses bienfaiteurs dont la France”.
Si la tenue de cette conférence de presse a été saluée par les participants, il ya tout de même lieu de reconnaitre que bon nombre d’entre eux ont déploré le fait que ce soit maintenant qu’elle se tienne. Les autorités concernées par le problème auraient dû mettre tout en oeuvre pour informer le peuple au moment où l’affaire défrayait la chronique, à chaud. Mais nos autorités ont choisi de se murer dans un silence total, donnant ainsi libre cours à toute sorte de rumeurs et de supputations.
L’ex-otage LAzarevic a été libéré depuis le mardi 09 décembre 2014, et quelques jours auparavant la rumeur de son échange contre les quatre djihadistes s’était répandue à Bamako comme une trainée de poudre. Les autorités maliennes ont préféré ne pas s’exprimer sur le sujet. Ce n’est que le 12 décembre, soit 72 heures plus tard, que le Ministre de la Justice s’est enfin décidé à s’exprimer. Et cela, il a choisi de le faire sur une chaine étrangère “France 24”, alors que le Mali regorge de médias d’information tant nationaux que privés. Il a fallu que des critiques fusent de partout pour que le peuple soit informé.
Quant au président de la République, premier responsable du pays, il n’a jugé utile de rompre le silence autour de cette affaire que le 16 décembre, en accordant une interview à Radio France Internationale (Rfi), en marge du 1er Forum international sur la paix et la sécurité en Afrique de Dakar. C’est le lieu de dire qu’actuellement, une des tares de nos gouvernants est bien le déficit de communication entre eux et les populations. Dans bien d’autres affaires importantes de la nation, les autorités maliennes de l’ère IBK ont préféré garder le silence au lieu d’informer les populations sur des évènements majeurs de ces derniers mois. Le Ministre de l’Économie Numérique de l’Information et de la Communication, Mahamadou Camara, reconnaissait lui-même, au moment où l’affaire Tomi Michel défrayait la chronique au Mali, que la communication a du mal à passer entre les gouvernants et les gouvernés. En tout cas, le grand mutisme du pouvoir, face à certains problèmes de la nation, est à déplorer sérieusement et continuera d’avoir des conséquences fâcheuses.
Mamadou GABA