Le chef de l’Etat Ibrahim Boubacar Kéïta vient de rencontrer à Koulouba les membres d’une mission conjointe du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et du Comité politique et de sécurité de l’Union européenne. Cette mission, qui est une première, entendait évaluer la situation sécuritaire au Mali et s’enquérir de l’état d’avancement du processus de paix au travers d’interactions avec les autorités et acteurs politiques maliens, ainsi que les partenaires internationaux présents au Mali. Saisissant cette opportunité, IBK n’a pas manqué de tenir un langage franc à ses interlocuteurs.
Après avoir écouté, tour à tour, les chefs des deux délégations sur le bien-fondé de la mission conjointe, le chef de l’Etat leur a tenu un langage franc et direct sur la situation qui prévaut dans le pays. «…Votre mission conjointe est un signal très fort pour nous. C’est la deuxième fois que nous recevons une mission d’une telle importance après celle effectuée dans ce pays, l’année dernière, par le Conseil de Sécurité, qui s’est rendu à Bamako, à notre chevet, tout comme vous aujourd’hui pour engager un dialogue, pour comprendre et mieux cerner toutes les subtilités de la question malienne et de la question de la sécurité au Sahel. Qui (la sécurité) se pose aujourd’hui non pas en terme malien, mais en terme mondial, car ce qui se passe au Sahel concerne l’ensemble africain et le monde entier», a dit le président Kéïta à l’entame de ses propos.
Avant de poursuivre : «Le fait que cette mission soit une mission conjointe de l’Ua et de l’Ue traduit à souhait le partage solidaire des préoccupations qui sont les nôtres aujourd’hui par rapport à la paix mondiale. Nous avons apprécié tout le concours fabuleux qui s’est développé autour de nous quand notre pays, en 2013, a failli succomber sous le joug de terroristes. Des terroristes -il n’y a pas d’autres appellations- venus avec l’étendard d’une fausse religion, car l’Islam au Mali, nous connaissons. Nous ne sommes pas des néophytes ici par rapport à l’Islam, nous sommes un vieux pays d’islamisation et précisément le Nord du Mali. Donc, le prétexte religieux est un faux prétexte, nous l’avons bien compris. Et ceux de Tombouctou et de Gao, qui ont souffert le martyre pendant deux ans, ont bien compris également qu’il ne s’agissait point d’Islam, mais d’une imposture. D’une imposture à nulle autre pareille. Un faux drapeau islamique derrière lequel des crimes insondables, des crimes inimaginables ont été commis quotidiennement à l’endroit de populations civiles paisibles qui ne demandaient qu’à être ; qui ne demandaient qu’à vivre dans un endroit apaisé et dédié au développement et à la prospérité».
Devant les membres de cette mission conjointe, IBK n’a pas caché toute sa reconnaissance à la Communauté internationale, notamment à la France. «Fort heureusement, la Communauté internationale en a pris conscience et le point d’orgue a été atteint quand le 11 janvier 2013, le président François Hollande, devant l’imminence de la chute de la ville de Konna, qui était quelque part l’entrée vers le Sud du Mali, a décidé de faire intervenir la force française Serval avec l’accord des Nations-Unies. Ça a été un soulagement énorme pour notre peuple, ça a été le début de la respiration. En même temps, cela ouvrait une autre ère : celle de la tentative d’apaisement, de la tentative de restauration de l’unité nationale et de la réconciliation nationale dans des conditions que nous souhaitions alors apaisées, fraternelles et conviviales», a précisé IBK.
Hélas, déplore-t-il, le cessez-le-feu conclu entre les parties, la cessation des hostilités également convenue lors de la mise en place de la feuille de route d’Alger, sont deux documents fondamentaux qui ont été scrupuleusement respectés par le gouvernement du Mali. Dans le même temps, fait-il remarquer, on a vu les groupes armés s’égailler à droite et à gauche pour marquer de leurs empreintes, telle ou telle position géographique.
«C’est une vieille ruse connue dans l’histoire des pays : je prends des points et le jour venu, à la table des négociations, je m’en revendique pour créer une nouvelle situation. Nous avons assisté à cela constamment, y compris ce matin (mercredi) quand le village d’Agouni a été investi par le Mnla qui y a planté son drapeau. Cela est constant, patent et avéré. Alors, que veut-on ? Que veut-on du Mali ? Que nous disions ici et maintenant que nous sommes d’accord pour nous laisser subjuguer par les groupes armés ? Que nous sommes d’accord que les groupes armés prennent le Nord du Mali ? Toutes les malices ont été utilisées. On parle de fédération. La fédération suppose deux Etats. Est-ce que nous avons affaire à deux entités étatiques aujourd’hui ? Est-ce que nous avons affaire à une communauté homogène s’opposant à une Communauté nationale ? Non ! Alors, quelle est cette nouvelle trouvaille de champ politique ? Où veut-on que nous allions ? Je crois que l’histoire du Mali est connue, c’est une histoire de dignité, l’histoire d’un peuple qui, au long des siècles, a marqué de son empreinte cette partie de l’Afrique occidentale, par sa dignité et son sens de l’honneur, par son sens de responsabilité qui fait que nous n’insultons pas l’avenir. Malgré toutes les malices, malgré toutes les embûches, nous sommes restés constants. Nous n’avons jamais quitté la table des négociations même quand on nous envoyait des seconds, quand les responsables en chef ne venaient pas. Nos ministres étaient à la table. Nous respectons, qu’on nous respecte aussi ! Qu’on respecte les accords convenus !»
Et au président IBK de conclure sur un ton martial : «Seule la négociation vaut. Nous sommes filles et fils de ce même pays. Il est temps que nous cessions les hostilités ; il est temps que nous cessions de nous entre-tuer ; il est temps que nous échangions. Que nous nous comprenions. En tout cas, ici au Mali, nous sommes déterminés à aller à la paix, à une paix réelle et solide. Je le dis, aucun Malien ne sera jamais d’accord avec le moindre morcellement territorial du Mali. Et aucun homme d’Etat ne peut s’engager dans cette voie et avoir l’assurance de la paix…».
Bruno E. LOMA
SOURCE : REPORTER