Reconnaissant la légitimité et la légalité de la revendication du personnel enseignant porté par le Collectif des syndicats enseignants signataire du 15 octobre 2016, le gouvernement, par la voix de son porte-parole, a prôné l’apaisement et appelé, hier, au patriotisme des Syndicats signataires du 15 octobre 2016, surtout à leur sacerdoce, afin qu’ils acceptent une autre alternative pour sortir de cette crise qui n’a que trop duré. C’était ce jeudi après-midi au cours d’une conférence de presse au siège du CIGMA, à ACI 2000.
La conférence était animée par le porte-parole du gouvernement, ministre de la Communication chargé des relations avec les institutions, Yaya Sangaré. Il était, pour la circonstance, entouré de ses homologues de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, le Pr Mahamoudou Famanta et du Dialogue social, du Travail et de la Fonction publique, le Pr Oumar Hamadoun Dicko.
À l’entame de ses propos, le ministre de la Communication a expliqué que la rentre avec la presse s’inscrit dans le cadre du devoir d’informer du gouvernement sur la crise scolaire. Il s’agit donc, selon le ministre Sangaré, de permettre aux journalistes de mieux comprendre l’état de la question et pour mieux informer l’opinion nationale, sur les efforts déployés par le Gouvernement pour la gestion complexe, délicate et sensible question de l’école.
Faisant le point de la situation, il dira que le point de blocage entre le gouvernement et la Synergie des enseignants s’articule autour d’un seul point : l’application de l’Article 39 de la loi N°2018-007 du 16 janvier 2018, portant statut du personnel enseignant du secondaire, du fondamental et de l’éducation préscolaire et spéciale.
Deux lectures différentes
M. Yaya Sangaré, en sa qualité de ministre porte-parole du Gouvernement, s’est voulu franc face à ses confrères journalistes.
« Je voudrais vous tenir le langage difficile de la vérité et je confesse ici devant vous que le Gouvernement reconnaît la légalité de la revendication du Syndicat des Enseignants. Son interprétation à la lettre de l’article 39 de la loi sus-visée est juste et les enseignants ont raison de rappeler que «toute majoration des rémunérations des fonctionnaires relevant du statut général s’applique de plein droit au personnel de l’enseignement secondaire, de l’enseignement fondamental et de l’éducation préscolaire et spéciale » », a-t-il précisé.
Toutefois, précise-t-il, ce n’était pas l’esprit de la loi. Le Gouvernement explique le ministre Sangaré n’a pas aussi tort ‘’quand il relève la divergence de fonds sur les modalités d’application de cette disposition de la Loi N°2018-007 du 16 janvier 2018, portant statut du personnel enseignant du secondaire, du fondamental et de l’éducation préscolaire et spéciale. Parce que cette revendication s’adosse à un accord négocié et obtenu par l’UNTM en 2018 pour la valorisation de la grille indiciaire du statut de la fonction publique’’.
Risque d’une spirale de revendications tous azimuts
Selon le ministre, le Gouvernement qui ne refuse pas du reste leur proposition a juste demandé d’appliquer la majoration en fonction de la grille indiciaire de la fonction publique obtenue par l’UNTM. ‘’Les syndicats des enseignants ont refusé cette offre ; ils exigent l’augmentation immédiate de leur grille de 180 points rétroactivement depuis le 1er janvier 2019 et 100 autres points à compter du 1er janvier 2021. Ce qui ferait une augmentation de 280 points au lieu des 140 que le Gouvernement propose. Voilà tout le problème exposé devant vous. Il y a donc, deux lectures différentes qu’il faut clarifier’’.
Cette exigence des syndicats de l’Éducation pose problème pour deux raisons : son insoutanebilité financière dans le contexte actuel et le risque d’injustice sociale que cela pourrait engendrer. Car, explique le ministre porte-parole du gouvernement, céder face à la pression des enseignants ouvrirait la voie à une spirale de revendications tous azimuts que nous ne pouvons pas nous permettre de cumuler avec la gestion de la crise multiforme que vit déjà notre pays. « C’est pour toutes ces raisons, que le Premier ministre, ministre des Finances connaissant parfaitement l’état de nos finances publiques, nous charge de venir vous dire, que le Gouvernement, qui n’a jamais dit qu’il refusait d’appliquer l’article 39, parce respectueux de la légalité, il ne peut prôner la violation de la loi », a martelé le ministre de la Communication.
Le langage de vérité, dit-il, est que l’Etat qui ne peut pas respecter son engagement cette année avec les enseignants pour les raisons évoquées ci-dessus leur demande d’accepter d’étaler la prise en charge de leur revendication légale et légitime sur 2020 et 2021, comme l’a accepté l’UNTM qu’il a salué au passage pour sa compréhension.
« Le langage de la vérité, c’est aussi cela, la gestion d’État. On veut que le Mali change et c’est maintenant qu’il faut le faire. On ne veut pas créer d’autres injustices et ouvrir la boite à pandore à d’autres revendications. L’égalité de traitement des fonctionnaires est une exigence constitutionnelle. Le même État ne peut pas traiter différemment ses fonctionnaires sur la base de disparités aussi criarde et prononcées que celles que veulent imposer aujourd’hui nos chers enseignants. Céder face aux enseignants conduirait à la frustration des autres syndicats qui, pourraient tout aussi entrainer le pays dans une spirale de mouvements de revendications insoutenables », dira-t-il.
Déficit de 23.000 enseignants
Le ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, le Pr Mamadou Famata, pour sa part, a expliqué que dès le départ, le gouvernement entré en contact avec le syndicat dans le cadre de la recherche de solutions, convaincu qu’il n’a pas les moyens cette année de satisfaire à cette demande.
Le ministre Famanta a fait constater que l’année dernière a été perturbée par la grève des enseignants. Aussi, malgré les efforts consentis par les autorités, l’on s’achemine vers le même scénario. Car selon lui, l’État a accepté sept sur neuf des revendications. Ainsi pour éviter le chao, le gouvernement a mis en branle son plan B qui est le recrutement de 15 000 volontaires contractuels qui s’occuperont des enfants en attendant un accord avec les enseignants grévistes. Toutefois, a-t-il précisé, ce recrutement n’est pas fait pour radier les enseignants grévistes, mais pour sauver le droit à l’éducation des enfants cette année. Selon lui, l’État a besoin actuellement de 23 000 enseignants au le plan national pour faire au déficit actuel dans ce secteur. Aussi, précise-t-il, chaque année, le gouvernement doit recruter 4500 enseignants pour faire face au besoin.
‘’Pour le moment, il n’y a pas une date butoir pour ce recrutement, mais les dossiers sont déposés dans les académies d’enseignements. L’État a le devoir d’encadrer et de faire en sorte que ces nouveaux recrus soient suffisamment outillés pour sauver l’année scolaire’’, a-t-il insisté.
Quant au ministre du Dialogue social, le Pr Hamadoun Oumar Dicko, a précisé que le gouvernement a fait comprendre aux syndicats des enseignants signataires du 15 octobre 2016 qu’en dépit de sa bonne foi et de sa bonne volonté, ‘’l’application de l’article 39 telle qu’ils exigent n’est pas applicable en l’état. Autant dire la vérité, que de prendre sous la pression un engagement qu’on ne peut pas honorer’’. Selon le ministre, ce langage de vérité n’a pas été compris et accepté pour le moment par les syndicats d’enseignants.
C’est pourquoi d’ailleurs, explique le ministre Dicko, très optimiste quant à une issue heureuse de cette crise et soucieux de la préservation de l’apaisement du climat social, notamment de la préservation des acquis au plan scolaire, ‘’le gouvernement reste disposer et totalement ouvert, à prospecter et à mettre en œuvre avec les syndicats d’enseignants signataires du 15 octobre 2016 et tous les partenaires de l’École malienne, toute solution à même de préserver nos maigres acquis sociaux, qui sauvegarde les intérêts supérieurs de l’État et qui sauve l’année scolaire’’.
Selon ministre du Dialogue social, l’application de l’article 39 nécessite la mobilisation de par l’État de 58 milliards de francs CFA. Toute chose qui n’est pas ses possibilités à l’heure où nous sommes. Enseignant dit-il lui-même, le ministre Dicko appelle les syndicats à faire preuve d’ouverture sur la question de l’article 39. « On ne dit pas dans un débat que notre proposition est à prendre ou à laisser », a-t-il déploré.
L’année dernière, ces syndicalistes ont fait 69 jours de grève, a-t-il rappelé. Cette année 2020, ils sont à 1 mois de grève déjà. En tout état de cause, précise-t-il, le gouvernement n’a aucun mépris vis-à-vis des enseignants. Car, c’est un métier noble qu’on se doit de respecter », a-t-il conclu.
Par Saba BALLO et Sidi DAO
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