L’année 2015 arrive à son terme et les défis auxquels doit faire face le Mali demeurent aussi nombreux qu’en 2014. Le plus grand défi pour 2016 qui doit être relevé au rang de super priorité par l’Administration IBK reste celui de la sécurité nationale. Un enjeu de taille qui comporte deux volets essentiels : mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation mais aussi et surtout lutte contre le terrorisme enrobé dans l’extrémisme religieux.
L’enjeu est d’autant plus important que c’est la survie même de la Nation malienne qui est en cause. L’un des raccourcis pour y arriver reste la sécurisation de nos frontières, le renforcement des capacités de nos Forces Armées et de Sécurité en développant leur capacité de mobilité et d’intervention rapide sur toute l’étendue du territoire national. Espérons qu’en 2016 que les choses changent pour le mieux conformément à l’assurance donnée par le président IBK qui rassérénait lors de sa visite à Ségou, dans la 2ème région militaire, que les forces armées maliennes montaient en puissance. IBK pour redorer son blason devra courant 2016 prendre le taureau par les cornes en posant des actes forts pour le Mali et rien que le Mali.
2015 fut une année sanglante pour le monde entier. A peine les fêtes de fin d’année passées, Paris, la ville Lumière, fut la victime insensée d’individus déclarant agir au nom de l’Islam. Le 7 janvier 2015, le journal satirique « Charlie Hebdo » était attaqué par des terroristes de l’Etat Islamique alors que ses journalistes étaient en pleine conférence de Rédaction. Bilan : 12 personnes assassinées. Deux jours plus tard, c’était le tour de l’hyper Cacher juif d’être à son tour attaqué faisant 4 otages tués.
Le 11 janvier 2015, une gigantesque marche républicaine à laquelle participèrent d’éminentes personnalités du monde entier avait lieu à Paris pour rendre hommage aux victimes et célébrer la liberté d’expression. Le président IBK, fidèle à ses convictions, n’était pas resté en marge d’un tel élan de solidarité envers la France. Le pays de François Hollande qui sauva le Mali d’une déstabilisation certaine et qui aurait pu lui coûter jusqu’à son existence n’eut été le lancement de l’Opération Serval deux ans auparavant. Ainsi IBK fut au devant de cette marche mondiale aux coudes à coudes avec son homologue français et aux côtés des plus grands de ce monde tels que la chancelière allemande, Angela Merkel, ou encore le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou et bien d’autres.
Détails troublants
Bien que les attaques de Charlie Hebdo aient été perpétrées à milles lieues de nos frontières, l’on ne put faire abstraction de certains détails troublants. En plus de la date de la marche de Paris qui coïncida avec le déclenchement deux ans plutôt de l’opération Serval, deux maliens, avec des fortunes diverses, furent impliqués dans ces attentats. D’abord, Amédy Coulibaly à qui l’on prête des origines maliennes fut l’auteur reconnu de l’attaque contre l’hyper Cacher juif.
Mais comme pour effacer la faute, le héros du jour fut un autre malien en la personne du jeune Lassana Bathily qui sauva plusieurs vies humaines. Le Premier ministre israélien qui ne put taire cet exploit d’un rare courage, rendra un vibrant hommage à Bathily et à son pays. Ces détails ont fait les choux gras des adeptes de la théorie du complot. Le 14 janvier 2015, la première publication de Charlie Hebdo post attentat, revenait une nouvelle fois, avec des caricatures sur prophète Mohamed (PSL). Ainsi, ce 1178ème numéro sera tiré à plus de 3 millions d’exemplaires.
Du jamais vu dans l’histoire de la Presse française. Ce retour sur caricatures provoqua l’indignation de bon nombre de musulmans à travers le monde. Des musulmans maliens profiteront de l’occasion pour critiquer la présence du président IBK à la grande marche républicaine de Paris. Mais pour bon nombre d’observateurs de la scène politique, la présence du Chef de l’Etat aux côtés de « son grand ami » François Hollande était avant tout, un devoir de reconnaissance du Mali au peuple français.
Les analystes qualifièrent le comportement du journal satirique de « regrettable ». Presqu’un an après, avec le recul, certains ne purent s’empêcher de faire cette comparaison fâcheuse selon laquelle l’histoire se déroulait entre extrémistes. D’un côté, les « extrémistes de la liberté d’expression », de l’autre, ceux de l’extrémisme religieux. La seule différence étant que les premiers ne furent être armés que de simples crayons à papier et les seconds de kalachnikovs et de poudre.
Bamako après Paris touché par des attentats terroristes
Deux mois jour pour jour après l’attentat contre Charlie Hebdo, le 7 mars 2015, le restaurant « La Terrasse » était la cible d’une attaque armée qui a fait 5 morts dont 3 maliens, un belge et un français. Une première à Bamako. Le 12 juillet 2015, les policiers réussirent à mettre la main sur « l’homme cagoulé », auteur de la fusillade. C’est ainsi que les bamakois découvrirent, horrifiés, que la menace terroriste n’était pas si loin de leur ville. Un autre attentat ébranlera la quiétude des habitants de la ville des 3 caïmans.
Le 20 novembre 2015, Bamako était le théâtre d’un nouvel attentat. A la surprise générale, ce fut contre l’hôtel Radisson Blu qui fera plus de victimes que l’attaque contre La terrasse. Bilan : 22 morts dont les deux preneurs d’otages. Deux présumés complices seront arrêtés mais un autre est toujours en cabale. Point commun, ces deux attentats portent la marque d’un seul et même groupe, celui de Mokhtar BelMolkhtar, chef tout-puissant des Mourabitounes.
La menace terroriste s’exporta ainsi dans la capitale malienne mais au-delà sur toute l’étendue du territoire national qui est touché. Le 10 juin, la ville de Misséni était pour la première fois attaquée avec pour victime l’adjudant Bassiaka Koné. Fakola à son tour, le 28 juin 2015 devait subir les affres de l’insécurité. Ces deux attaques au sud, dans la région de Sikasso poussèrent l’Etat malien à réévaluer son dispositif militaire en place.
Signature de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali : Un espoir refroidi
Il a fallu plus de 8 mois d’intenses négociations sous l’égide de la médiation internationale conduite habilement par l’Algérie pour aboutir à l’Accord de paix signé à Bamako le 15 mai 2015 par toutes les parties, excepté la CMA qui jugea le texte « très en deçà de leurs attentes ». Une Ultime phase sera ouverte à Alger et ce n’est finalement le 20 juin 2015 que la Coordination apposa sa signature sur le document.
Sa mise en œuvre nécessitera des innovations au niveau de l’appareil d’Etat parce que le texte prévoit l’octroi d’une large autonomie et de pouvoir aux régions sur un double plan administratif et financier. Un processus de Démobilisation, Désintégration et de Réinsertion (DDR) est également prévu. Mais la mise en œuvre de l’Accord reste encore parsemée d’embuches.
Le redéploiement de l’Administration malienne dans les régions du nord n’est pas encore totalement effectif. La situation sécuritaire dans le septentrion reste des plus fragiles avec des attaques à répétition contre les positions de la MINUSMA et de l’Armée malienne. Selon des analystes des questions sécuritaires au Sahel, l’ombre d’Iyad Ag Ghaly et de Mokhtar BelMokhtar planeraient sur ces attaques. La rivalité entre les différents groupes rebelles créerait un climat de méfiance.
Bisbilles entre le religieux et le judiciaire
La fin d’année au Mali fut marquée par la polémique suscitée par les commentaires de l’Imam Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil Islamique, sur l’attaque contre le Radisson blu Hotel de Bamako mais aussi et surtout sur celles perpétrées à Tunis et à Paris. Dans la Presse malienne, sans condamner les actes, il s’était limité seulement à dire ce que nous reproduisons ici in extenso : « l’acte est condamnable, Dieu est en colère.
Les hommes ont provoqué Dieu. Ils ont demandé et exigé même la promotion de l’homosexualité. » Par ces déclarations inappropriées et maladroites en la circonstance, beaucoup ont interprété ses dires comme si l’Imam justifiait ces attentats de punition divine. Daniel Tessougué, le désormais ex Procureur Général de la République, près la Cour d’Appel de Bamako était monté au créneau en qualifiant la sortie de l’imam Dicko « d’apologie du terrorisme ».
Il argua aussi qu’ « on a laissé trop le secteur politique, le secteur public à la religion, ce n’est pas normal. Il faut que la laïcité du pays soit respectée » avant de conclure « Comme le disait le Christ, à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. C’est clair, il ne faut pas confondre. On ne doit pas faire l’erreur de confondre le spirituel au temporel. Il faut que les religieux restent dans leur sphère ». Son franc parlé et ses propos sans ambages lui auraient coûté son poste. Sa relève tente de prouver que le religieux conserverait toujours une place prépondérante dans la vie publique malienne.
Le président IBK, selon des observateurs avisés de la scène politique, ne voulait certainement pas mettre en mauvaise posture une classe religieuse surtout quand elle lui a été d’un apport inestimable pour son élection à la magistrature suprême. Cette prise de position d’IBK peut également prouver qu’il est toujours soucieux de garder cet électorat en vue d’un éventuel « rempilement » pour un second mandat.
Il est à souhaiter que l’année 2016 soit l’année d’IBK pour le Mali parce que jusqu’ici les fruits n’ont toujours pas porté la promesse des fleurs. Vivement donc que sa prochaine tournée prévue dans la région de Kayes puisse être l’occasion d’annoncer ses grandes réformes pour la paix et la sécurité mais aussi et surtout faire le point sur les nouveaux équipements dont il aura doté notre Armée.
Ahmed M. Thiam
Source: InfoSept