Dans l’interview qu’il nous a accordée, le président du parti pour l’action civique et patriotique (PACP), Niankoro Yeah Samaké, revient largement sur la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation, l’insécurité grandissante et récurrente dans le pays ainsi que la sortie de crise. Selon lui, pour aller vers une paix durable, il faut obligatoirement faire adhérer le peuple par la vertu et le leadership des chefs suprêmes des armées.
Niarela.net : La mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale tarde encore, d’âpres plusieurs maliens. Selon vous, où se trouve le blocage ?
Niankoro Yeah Samaké : Ce n’est pas une question de blocage. C’est une question de manque de vision politique. Les dirigeants actuels n’ont pas compris l’urgence de la résolution de cette crise. L’accord dont tu parles, nous avons été peut-être l’un des premiers partis politiques sur l’échiquier à donner une attitude positive. Nous avons soutenu cet accord-là. Parce que nous savions que c’était le seul instrument positif contrairement à beaucoup qui ont critiqué, qui étaient farouchement opposés à cet accord. Mais qui nous rejoignent maintenant sur le fait que le seul instrument dont nous disposons. Maintenant, l’institution de cet accord tient beaucoup du peuple malien que les gouvernants mais, les gouvernants n’ont pas compris çà. Ils se sont acharnés et précipités sur la communauté internationale comme si la solution résidait à tour à tour. Non, non. La résolution de cette crise n’est nullement en dehors de ce peuple malien, seul avec le peuple malien, seul avec l’adhésion totale du Mali et du peuple à l’accord que nous pourrions exécuter. En tant que président (du parti PACP, Ndlr), nous allons évaluer et réévaluer et même faire un audit de l’accord et de son application. Et nous allons immédiatement insister pour que toutes les parties maliennes sachent que l’état malien est engagé résolument à l’application correcte de l’accord. Et le point de départ tiendra toujours le désarmement et la réinsertion des groupes armés. Il faut que les armes soient déposées. Et à ce point là, la bonne foi de tous sera reconnue et aussi la crédibilité de toutes les parties prenantes sera exigée. Donc, nous prendrons la communauté internationale à témoin mais, nous souhaiterions et nous allons mettre en confiance les parties signataires.
Niarela.net: Autre sujet qui préoccupe les maliens, c’est bien sur l’insécurité grandissante et récurrente dans le pays. Quelle analyse faites-vous là dessus?
Niankoro Yeah Samaké : Je pense que c’est là un manque de vision politique. Je pense que c’est un manque leadership. Je pense aussi que la situation que nous connaissons aujourd’hui, c’est des replis identitaires. Hier, c’était le nord, aujourd’hui c’est le centre. Quand les gens n’ont pas…, n’ont rien à perdre, ils perdent tout. Je crois qu’il faut changer de cet état de fait. Nous ne sommes pas là à justifier la rébellion, nous sommes là à dire que l’insécurité est grandissante et récurrente que nous connaissons aujourd’hui. Cet état de fait est un manque crucial de volonté politique et de vison politique. Nos partenaires, de façon énergétique, se sont plaints de cette situation, notamment le Drian (Jean-Yves le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la France, Ndlr). Aujourd’hui, le Mali qui avait bénéficié d’un soutien extraordinaire de la communauté internationale n’a pas pu transformer cet enthousiasme là en résolution de la crise. Parce que les ténors qui sont là n’ont pas pu, ils ont atteint leurs limites et ils ont échoué sur pratiquement tous les plans.
Niarela.net : Quelles sont, selon vous, les différentes pistes de solution pour une sortie définitive de crise ?
Niankoro Yeah Samaké : il y a trois composantes. Et la première composante c’est le peuple. La deuxième composante, c’est le processus de stabilisation. Il faut réellement faire adhérer le peuple par la vertu et le leadership des chefs suprêmes des armées. Il faut aussi renforcer notre armée moralement et réarmer notre armée. De faire en sorte que le peuple malien ait plus de sympathie et plus de respect pour son armée. En outre, il faut un engagement total du Mali dans la résolution de ces crises. La crise, elle n’est pas liée à une religion, elle est liée à un manque de vision. Il faut faire en sorte que les maliens se sentent inclus dans le processus développement, dans les prises de décisions. Il faut redistribuer les pouvoirs, il faut faire en sorte que le pouvoir ne soit plus concentré entre les mains d’une petite frange de la population. Il faut que chaque région et chaque composante se reconnaissent dans les instances de prises de décisions. J’en réfère ici au modèle singapourien qu’il faudrait examiner de près et faire en sorte que les maliens puissent être de façon représentative inclus dans les prises de décisions. Bien entendu, il faudrait avancer la décentralisation pour faire en sorte que les ressources soient utilisées localement et que le budget national affecte la vie du citoyen. C’est pourquoi, je dis qu’il faut aller vers des politiques publiques qui mettent les maliens au centre et au-devant.
Interview réalisée par Wassolo
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