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Universités: Jusqu’où iront les violences ?

Le Mali a des jungles en lieu et place des Universités où les pistolets, couteaux et machettes ont remplacé les cartables, livres et documents. Le constat est là: rixes généralisées, agressions entre étudiants et contre les professeurs, assassinats…sont autant d’actes crapuleux (criminels ?) qui caractérisent le monde universitaire malien, aujourd’hui en passe de ravir la vedette aux mafias les plus redoutables au monde. Les autorités politiques et universitaires comme les autres citoyens sont témoins, au quotidien, des multiples formes d’expression de cette violence. Mais tous affichent un désintéressement révoltant face à ce phénomène qui hypothèque progressivement le devenir de l’éducation au Mali.

La dernière manifestation de cette violence inouïe a été livrée par des étudiants de la Faculté des sciences techniques où une dispute au cours de la mise en place du Comité AEEM a dégénéré. A la suite de cette affaire, la réalité sur nos universités se révèlera dans toute sa violence. D’abord l’image d’un jeune étudiant, implorant le secours des passants alors qu’il gisait dans le sang, fait le tour de la toile. Il rendit l’âme suite à ses blessures causées par une arme à feu. Au sein de l’opinion nationale, plus d’un n’arrivait à s’y faire l’idée que les étudiants disposaient des pistolets de tout genre. Mais, tous finiront par se rendre l’évidence avec la découverte de l’arsenal saisi par la police du IVe arrondissement au cours de deux opérations menées sur le campus universitaire de Badalabougou. La première opération a eu lieu mardi dernier, le jour des affrontements. Plusieurs saisies ont été opérées par la police sur les lieux : 14 engins à deux roues, 14 machettes, 8 couteaux, 7 cartouches, et 4 Pistolets automatiques de fabrication artisanale ont été saisis. Une deuxième opération est intervenue le jour suivant, jeudi, sur instruction du Procureur de la République de la commune V. Menée par la police du même Arrondissement, elle a permis de saisir 20 Pistolets automatiques de fabrication artisanale, 63 machettes, 208 couteaux, 6 bâtons de défense, 6 lance-pierres, 19 cartouches et 7 marteaux.

Voilà qui en dit long sur les universités maliennes, dont les campus sont devenus de véritables caches d’armes. Aucune faculté ou grande école n’est épargnée cette violence qui s’est maints fois manifestée à travers des actes aussi barbares. Les plus ignobles sont très souvent occasionnés par les étudiants, organisés en différents clans au sein des comités AEEM.

En effet, les affrontements entre groupes d’étudiants rivaux sont récurrents. Le mardi 23 janvier 2017 est la date à laquelle l’étudiant Drissa Doumbia de la classe de L2, Etudes Germaniques, a été assassiné par les étudiants. Les assassins, après coup, n’ont eu aucune peine à reprendre place dans la voiture au bord de laquelle ils étaient arrivés pour commettre leur forfait. Bien avant, cet assassinat, l’ULSHB avait connu d’autres cas de violence. Le 21 juillet 2014, une étudiante de la Licence 1 Socio-Anthropologie a subi un viol collectif de la part des étudiants et ce, pendant le mois de carême aux environs de 14 heures sur le toit des salles de cours à la Chaine Grise, Cité UNICEF de Niamakoro. Le 27 avril 2015, un affrontement avec usage de machettes entre des clans d’étudiants en vue du contrôle de la gestion du parking de moto de l’Amphi 1000 places a entrainé des coups et blessures et provoqué l’arrêt des cours. Le 5 mars 2016, un groupe d’étudiants dirigés par le comité AEEM, mécontents du refus des professeurs de procéder à des repêchages, se sont introduits de force dans les salles d’examen pour déchirer les sujets et copies d’examen lors de la session de rattrapage. Aussi, ont-ils tenté de s’introduire nuitamment dans le domicile du chef du DER Sciences de l’Education dans l’intention de s’en prendre physiquement à sa personne. Le 12 mai 2016, un affrontement entre les clans rivaux  d’étudiants dans la cour de la faculté des Lettres et Sciences du Langage s’est soldé par la destruction de la voiture personnelle du Dr. Boubacar S. Coulibaly, enseignement au département Anglais. Le 9 novembre 2016, un autre affrontement entre les clans revaux d’étudiants a abouti à des coups de feu. Un étudiant et une dame de ménage ont été blessés. Décembre 2016, quatre motos « jakarta » ont été brulées dans la cour de l’Université  à la suite d’affrontement entre clans d’étudiants. Le 18 décembre 2016, les vitres et clignotants de la voiture personnelle du Dr. Mamadou Coumaré, professeur au département des Sciences de l’Education, ont été brisés au moment où celui-ci était en classe. S’y ajoute d’autres actes de violences dans d’autres structures universitaires et grandes écoles. Il s’agit notamment, de la faculté de Droit Privé, de la faculté de Pharmacie et de l’Institut Supérieur de la Santé. Ces tristes réalités indiquent, sans doute, une tendance à la généralisation et à la banalisation de la violence dans les espaces voués à la formation intellectuelle. Cependant, la responsabilité est partagée.

                           

L’Etat et les hommes politiques…

Il a en effet été constaté une dégradation continue de l’ambiance de travail ainsi que des performances de l’école malienne de 1991 à ce jour. Le débat à ce sujet a été continu, mais la situation de l’école malienne, de l’université en particulier, ne s’est toujours pas améliorée. Cela est une preuve objective et indiscutable qu’aucune action décisive des autorités nationales n’a pu réussir en supposant que certaines aient été mises en place. Le drame ? C’est que l’Etat a fini, petit à petit, de se débarrasser de l’Université. Tous les Maliens reconnaissent que l’Etat a, de facto et explicitement, chargé l’AEEM d’une tâche qui n’est pas la sienne, celle de faire régner l’ordre (un ordre au sens des autorités du jour). Un contrat tacite semble exister entre cette association et le gouvernement. Ainsi, ce dernier ferme les yeux et assure l’impunité aux agissements officiels ou officieux, publics ou souterrains de l’AEEM pourvu que celle-ci assure l’ordre à l’intérieur de l’université. Une activité qui n’est pas compatible avec le statut d’étudiant. En réalité, cette mission occulte et illicite est devenue la source principale de la force de l’AEEM. Seulement voilà : lorsque la force n’est pas régie par des lois, elle devient une force brutale, arbitraire qui fabrique des monstres. Et puisqu’au Mali tout se monnaye, certains leaders étudiants ont utilisé, utilisent cette force pour se faire payer en nature ou en espèce contre des services occultes et illégaux. En effet, il est de notoriété publique que des membres de l’AEEM ont, entre autres, établi un service consistant à fournir des étudiants en nombre pour remplir les salles où se tiennent des manifestations politiques contre rémunération. Ceci est un marché juteux qui permet aux partis politiques de sembler plus populeux qu’ils ne le sont. Ce commerce a construit, au fil des années, une grande proximité entre des hommes politiques et des dirigeants de l’AEEM. Et cette proximité a conduit à l’établissement d’autres rapports plus souterrains. En secret, des étudiants confient que des armes utilisées dans les affrontements sur le campus sont achetées et offertes par des hommes politiques.

Aussi, les leaders estudiantins s’inspirent des nouvelles valeurs en vigueur dans la société malienne: l’impunité, la corruption, l’appât du gain, l’exhibitionnisme social. Les étudiants ont appris de la société malienne que le savoir, le savoir-faire ne servent à rien ; ce qui importe c’est de posséder des biens (peu importe la manière dont ces biens ont été acquis) et d’être vu à la télévision, dans de grandes villas et dans de grosses cylindrées. « Il vaut mieux mourir une machette à la main lorsqu’on est leader étudiant que de quitter sa place », déclare-t-on sur la colline de Badalabougou.

Au fil du temps, l’AEEM a ainsi perdu ses repères et ses ambitions pour être, en plus d’être une officine gouvernementale et une excroissance chargée de services délocalisés des partis politiques, un organe de propagation de valeurs anti scolaires.

Pour le secrétaire général du syndicat de l’enseignement supérieur (Synesup), Abdou Mallé, c’est  la mauvaise gouvernance  de l’université par les autorités de tutelle  qui est à la base des tourments actuels. «La mauvaise gouvernance, le mauvais choix des hommes conforte la déliquescence des facultés», s’indigne-t-il. Cet avis est largement partagé au sein de l’opinion.

Cependant, en République, lorsque l’exécutif est dépassé et ne peut trouver une solution à un problème, il est alors légitime que les citoyens s’en saisissent. A cet égard, on est tout simplement loin du compte.

Aujourd’hui, la « démission parentale » est citée comme explication de la « déviance » des élèves et étudiants. Le parent étant considéré comme le premier éducateur, les professionnels n’intervenant qu’en second. Combien de parent d’élève ont un œil sur la vie scolaire de leurs enfants ? Très peu. Les enseignants sont en effet les premiers à dénoncer le fait que les parents ne se rendent pas aux réunions organisées par l’établissement ou ne répondent pas aux convocations.

Que dire des Associations de parents d’élèves ? Pas grand-chose. Celles-ci ne sont visibles que quand il s’agit de forum ou autres rencontres « juteuses ».

Aujourd’hui une prise de conscience collective s’impose face à l’ampleur prise par la violence dans nos facultés et grandes écoles, censées pourvoir chaque apprenant en savoir et savoir-faire lui permettant de devenir un citoyen autonome contribuant au développement de l’ensemble de la communauté nationale par son travail.

I B D

SourceL’Aube

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