Le système judiciaire tchadien est aujourd’hui paralysé par une affaire qui l’agite depuis le 22 mai. La justice relaxe ce mardi-là, à Doba, dans le sud du pays, trois hommes accusés par les plus hautes autorités politiques et militaires de la ville de « complicité d’association de malfaiteurs » en lien avec une sombre affaire d’accusation de détention d’armes. Sauf que ces hommes sont ensuite attaqués par des gendarmes, arrêtés et tabassés publiquement. L’affaire a pris depuis une dimension nationale, d’autant que l’Ordre des avocats parle d’un énième cas.
Réuni en assemblée générale ce dimanche, l’Ordre des avocats a décidé de faire une grève des prétoires de trois jours, assortie d’une condition : que trois hautes autorités de la ville pétrolière de Doba, dont le gouverneur et le chef de la légion de gendarmerie, soient démises de leurs fonctions et jugées.
Ces hommes sont accusés d’être derrière les violences du 22 mai. Ce jour-là, alors que le juge d’instruction signe un mandat d’élargissement et que l’avocat des relaxés met ses clients dans son véhicule, ils sont attaqués en plein jour par trois véhicules remplis de gendarmes, qui n’hésitent pas à leur tirer dessus, puis à les poursuivre jusque dans les locaux du tribunal de grande instance de Doba. Là, ils vont arrêter de nouveau les trois hommes, les frapper devant tout le monde avant de les ramener dans leurs cachots.
Dans un premier temps, la réaction est locale. Les magistrats de Doba ferment leur tribunal par crainte pour leur sécurité et les avocats se mettent en grève. Mais l’Ordre des avocats explique que ce scandale a été la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Un mouvement qui pourrait s’inscrire dans la durée
Les avocats se retrouvent le 30 mai pour faire le point. Ils n’entendent « pas reculer », affirme à RFI le secrétaire de leur Ordre, Me Jean Sirina. « Si ces autorités sont toujours à leur place, je crois que ce qui a commencé… va se poursuivre indéfiniment », menace-t-il.
Face à ce qu’ils qualifient « d’actes inimaginables dignes du Far West », les magistrats exigent la libération des trois prévenus et que les auteurs de l’opération soient traduits en justice. Des points sur lesquels ils se sont « tous mis d’accord », explique le secrétaire général du Syndicat des magistrats du Tchad, Djonga Arrasi. Ils les ont « déposés au gouvernement pour qu’il agisse dans un délai n’excédant pas trois jours, jusqu’à jeudi ».
Enfin, ça n’est pas pour la même raison, mais les greffiers sont également en grève depuis trois jours à l’appel des syndicats du pays. Eux réclament le paiement de leur salaire intégral, comme le pouvoir s’y est engagé.
RFI