La scène politique malienne, déjà tumultueuse, a récemment été secouée par une intervention fracassante de Choguel Maïga, le Premier ministre en poste. Lors d’un meeting organisé samedi dernier, qui visait à la fois à clarifier sa position et à commémorer la reprise de Kidal, l’homme fort de la transition a brisé son silence et livré une charge sans précédent contre ses partenaires politiques, notamment ceux issus du M5-RFP et de l’ex-CNSP, avec qui il a pourtant formé un mariage de raison.
Bamada.net-Ce meeting, qui s’est tenu au Centre International de Conférence de Bamako, a été annoncé en grande pompe, mais c’est la forme et le fond de l’intervention de Choguel Maïga qui ont retenu toute l’attention. Si l’objectif était d’évaluer sa capacité de mobilisation, il s’agissait également pour lui de tester ses adversaires au sein même du gouvernement et du mouvement M5-RFP.
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Au-delà des discours de circonstance, l’ex-PM de la rectification a profité de l’occasion pour pointer du doigt les dysfonctionnements au sommet de l’État. Selon lui, la prolongation unilatérale de la transition, sans débat au sein du gouvernement, représente une des plus grandes anomalies qu’il ait vécues depuis sa nomination. Cette prolongation de la transition, initialement prévue pour se terminer en mars 2024, a été décidée sans concertation avec les autres institutions du pays, selon ses propos. Le Premier ministre a exprimé son mécontentement d’avoir appris cette nouvelle par voie de médias, ce qui a selon lui trahi la confiance qui devait exister au sein du gouvernement.
Mais les critiques de Choguel Maïga ne s’arrêtaient pas là. Dans un autre registre, il a dénoncé l’absence de plan d’action clair pour l’Autorité Indépendante de Gestion des Elections (AIGE), un autre aspect crucial de la transition, qui reste selon lui en suspens. Il a également pointé du doigt la nomination d’un certain nombre de dirigeants de cet organe, processus qu’il juge non transparent et contraire aux engagements pris en 2021 lors des Assises Nationales de la Refondation.
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Loin de se laisser abattre, Choguel Maïga a adopté une posture de résistance, refusant de céder à la pression politique qui pèse sur lui. En effet, plusieurs observateurs s’interrogent sur la nature de son avenir à la tête du gouvernement. Serait-il sur le point de quitter son poste ou serait-il en train de préparer une forme de rébellion contre ceux qu’il considère comme ses ennemis politiques au sein de la transition ? En tout cas, son insistance sur la modification du texte relatif à l’AIGE et ses critiques à l’égard de l’Assemblée Nationale Transitoire (CNT) sont un signal clair qu’il ne compte pas rester passif face à ce qu’il considère comme une gestion chaotique du pays.
Au-delà de la politique interne, c’est également sur la gestion de la transition dans son ensemble que le Premier ministre a mis l’accent. Selon lui, les idéaux initiaux de la transition sont aujourd’hui en péril. Loin du modèle qu’ils avaient imaginé, les responsables de la transition, à commencer par ceux du M5-RFP, semblent avoir perdu la direction. Dans ses propos, Choguel Maïga a évoqué un sentiment de déception, insistant sur le fait que les espoirs placés dans le processus de refondation se sont dissipés, laissant place à une gouvernance moins inspirée et plus fragmentée.
Sur le plan économique et social, il a fait état de la montée des tensions, notamment en raison de l’inflation, des pénuries énergétiques et des conditions de vie de plus en plus précaires pour une grande majorité des Maliens. Il a aussi souligné l’impact négatif de ces crises sur les familles, en particulier dans les zones les plus touchées par les conflits et les déplacements massifs de populations. Ces éléments, pourtant cruciaux pour le bien-être de la population, ont été remarquablement absents des discussions politiques.
Choguel Maïga a également mis en exergue la prolifération des partis politiques comme une forme de manipulation. À ses yeux, le gouvernement actuel, en multipliant les récépissés pour de nouveaux partis politiques, nourrit une confusion qui permet à certains acteurs de jouer sur les divisions internes du pays.
Si cette prise de position intervient dans un contexte où l’opposition se fait de plus en plus entendre, la question reste posée : Choguel Maïga est-il en train de se préparer à un nouveau rôle dans la transition ? Si certains voient en lui le dernier rempart de la refondation, d’autres s’interrogent sur sa capacité à redresser la barre dans un environnement de plus en plus hostile. Il semble en tout cas déterminé à ne pas quitter la scène sans avoir marqué son empreinte, quitte à provoquer des remous au sein de l’exécutif.
Le timing de cette sortie ne semble pas anodin, notamment à la lumière des rumeurs persistantes concernant son départ imminent du gouvernement. D’après nos sources, des discussions auraient déjà eu lieu en coulisse, mais rien n’a été officiellement confirmé. Ce silence assourdissant, couplé à des annonces médiatiques fracassantes, suggère que la transition malienne pourrait se retrouver une fois de plus à la croisée des chemins.
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Le Premier ministre pourrait-il redevenir une figure centrale de la politique malienne, ou cette sortie marquera-t-elle la fin de son influence ? Le temps nous le dira, mais une chose est certaine : Choguel Maïga n’a pas dit son dernier mot.
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Fatoumata Bintou Y
Source: Bamada.net