Après le 26 mars 2024, certains partis politiques ont, dans une déclaration publiée le 31 mars, déclaré la fin de la transition et ont réclamé orbi et orbi, ici et maintenant, la tenue de l’élection pour consacrer le retour à l’ordre constitutionnel. Pour eux, le Mali est pris en otage par les autorités notamment militaires de la transition qui n’ont pas la volonté de se hâter pour organiser les élections.
Si l’on fait abstraction de la déclaration du gouvernement en date du 25 septembre 2023, où il exprime clairement sa volonté de s’atteler uniquement à l’organisation de la présidentielle, laissant le reste du processus électoral au nouveau pouvoir issu des urnes, il n’y aucun désaccord entre autorités de la transition, notamment entre le président et le Premier ministre sur la tenue des élections. Les deux hommes ont toujours été en phase sur la nécessité, les conditions, la séquence et la finalité du processus électoral devant consacrer le retour à l’ordre constitutionnel. Voici les positions respectives sur la question :
La position du président de la transition
Saluant le 14 novembre 2023, la victoire des forces armées maliennes (FAMa) sur l’alliance narcoterroriste et séparatiste à Kidal, le Chef suprême de l’armée malienne, le Colonel Assimi GOÏTA avait clairement indiqué que la ‘‘mission (était) pas achevée pour autant. (Car) elle consiste à recouvrer et à sécuriser l’intégrité du territoire, sans exclusive aucune, conformément aux résolutions du Conseil de Sécurité’’.
C’est en rendant hommage dans son discours de nouvel an aux FAMa pour leur engagement et détermination que les Maliens ont appris que l’opération Dugukoloko avait pour seul objectif le redéploiement des forces armées sur toutes l’étendue du territoire national suite au retrait de la Minusma… En appelant à la modération et au calme ceux qui ont été pris en otage 11 ans durant par la mafia terroristes, le président de la transition, le colonel Assimi GOÏTA rappelle encore que la ‘‘mission n’est pas achevée (car) elle consiste à recouvrer et à sécuriser l’intégrité du territoire, sans exclusivité aucune’’.
Pour ceux qui n’ont pas compris, l’officier de terrain explique ‘‘la question sécuritaire et la reconquête de l’intégrité territoriale de notre pays ont été et demeurent au cœur des préoccupations du peuple malien… En vue de recréer des conditions de vie normale, le retour de l’État et des services sociaux de base se poursuit.’’.
Aussi, la question du retour à l’ordre constitutionnel dont le processus a été souverainement décidé par le peuple du Mali lors des Assises nationales de la refondation n’est pas remise à la Saint Glinglin, mais à l’élaboration de certaines reformes prioritaires, à la restauration de l’intégrité territoriale et au retour de la sécurité.
Malgré les progrès accomplis dans le domaine des réformes politiques et institutionnelles, force est de constater avec le président de la transition que le chemin est encore long pour parvenir à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé. ‘‘Pour ancrer une véritable démocratie au Mali, nous avons estimé que cette fois-ci, l’ordre constitutionnel, désiré par les Maliens devrait être différent des autres et être apaisé et sécurisé’’, explique le président dans son discours du nouvel an. Toutefois, le président de la Transition promet qu’au cours de l’année 2024, les efforts tendant à retourner à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé ne faibliront point.
Dans la même veine, en parfaite phase avec le gouvernement dont il a salué les efforts et le rôle dans la reconquête de Kidal, le président de la transition, le colonel Assimi GOÏTA a estimé, le 20 janvier, que pour la sortie progressive de la longue crise multidimensionnelle qui a profondément affecté tous les segments de notre société au regard de l’ampleur du phénomène du terrorisme et en raison de son caractère transfrontalier, pense qu’au-delà de la restauration de l’intégrité territoriale, le défi majeur qui reste à notre peuple de relever est celui de la refondation de l’État. Il s’agit, a-t-il dit, d’une ‘‘œuvre de conviction, un idéal qui doit structurer le comportement au quotidien de chaque citoyen. Sa réalisation ne sera possible que dans un environnement apaisé et sécurisé’’.
Le président Assimi GOÏTA rappelle que le succès de Kidal, ‘‘résulte de l’application rigoureuse dans le plan d’action du gouvernement de la volonté politique largement exprimée par le Peuple malien. En plus de la poursuite des réformes indispensables engagées au profit des forces de défense et de sécurité, les efforts du gouvernement ont porté d’une part sur l’accroissement des capacités opérationnelles à travers l’augmentation des effectifs et l’amélioration des conditions de vie et de travail des militaires.
D’autre part, par l’acquisition d’équipements au profil des armées et services pour la préparation et le maintien en condition opérationnelle des troupes.
Comme son Premier ministre, Choguel Kokalla MAÏGA, le président de la transition, le colonel Assimi GOÏTA estime que la Refondation ‘‘ne sera possible que dans un environnement apaisé et sécurisé. Elle renvoie fondamentalement aux missions de forces de défense et de sécurité. Toutes choses qui justifient largement la priorité accordée à la composante défense et sécurité dans les Plan d’action gouvernemental.
Pour le chef suprême de l’armée malienne, ‘‘le contexte spécifique de notre pays exige la poursuite de l’opération Maliko en coordination avec les autres initiatives de stabilisation dans le centre et dans le Nord pour l’atteindre des objectifs fixés dans le cadre d’une approche globale de la crise multidimensionnelle que nous traversons…Il s’agira donc de consolider les acquis dans la perspective du développement et du maintien des capacités opérationnelles autonomes avec la mutualisation des moyens de l’ensemble des forces de défense et de sécurité pour faire face aux menaces intérieures et transfrontalières’’.
Il n’y aucun désaccord entre les positions constantes des deux hommes. Le discours tenu par le Premier ministre, le Dr Choguel Kokalla MAÏGA, devant la classe politique, le 25 mars 2024, confirme qu’il y a une concordance de vue entre les deux têtes de l’Exécutif.
La position du Premier ministre
‘’Si jamais on élisait un président, tout de suite, dans quelques mois, il va tomber et puis n’aura pas la force nécessaire pour s’arrêter, dire non aux occidentaux. La première des choses, c’est la sécurité.
Nous sommes partis de l’histoire. Jamais dans l’histoire, une nation ne se reconstitue pas à partir des élections. Jamais. C’est des gens déterminés qui assurent la sécurité, et après l’ensemble du peuple fait des élections ; mais on ne commence pas par des élections.
J’ai donné le cas de Haïti. Haïti, c’est le premier pays indépendant d’Amérique latine. Ils ont fait plus d’élections que tous les pays réunis mais jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas de paix dans ce pays ni de développement, on y tue le président et le Premier ministre.
Donc, les élections, c’est un élément de la démocratie, mais ne suffisent pas à elles seules à faire une démocratie.
Une démocratie sans élection ne peut pas aller ; mais si vous ramenez tout aux élections, ça ne peut pas aller. Au Mali on a fait que des élections depuis 1992.
Pour nous, c’était très clair : qu’aussi longtemps qu’on n’aura pas réglé la question d’insécurité, aller aux élections, c’est juste un discours. C’est cela, en réalité, le point de discorde principal. Pourquoi il y avait une incompréhension entre une partie de la classe politique et l’élite dirigeante. Celui qui n’intègre pas ce point dans son raisonnement, peut pas comprendre le reste ; parce que tout est parti de là.
Nous avons analysé la situation, on est arrivé à deux conclusions.
La première, c’est que sans imposer la paix, imposer résolument la force de l’État malien, parce qu’un Etat, c’est la force et le droit. La force pour s’imposer à n’importe qui veut s’imposer par la force et le droit pour défendre les plus faibles. Sans cela, on va continuer à changer de régime perpétuellement. Le terrorisme va aller…
On est allé de l’indépendance, on est allé au régime militaire. Des régimes militaires, on est allé au parti unique, des partis uniques, on est allé à la démocratie, on est venu au multipartisme. On allait continuer jusqu’à ce que l’Afrique se désintègre.
La deuxième chose dont nous étions convaincus, c’est que l’ensemble des forces internationales constituait une camisole de force qu’on a mis sur le Mali. En ce moment si vous dites à quelqu’un que la Munisma n’est pas là pour le Mali, ils vont dire que vous êtes fous. Si vous dites qu’il faut retourner à Kidal, il y en a qui vont dire que cela, ce n’est même pas envisageable encore moins possible.
Cette histoire de Dogon et Peulh qui se tuaient au centre n’était pas dans les missions de la Minusma au départ. On a ramené au Centre à partir de 2015 pour qu’on oublie ce qui se passe au nord. Et au nord, il y avait un Etat dans l’Etat qu’on construisait des mines d’or, délivrait des permis d’occuper, construisait des magasins à n’en pas finir. On exploite l’or depuis 10 ans, mais aucun puits n’a été réalisé pour les populations de Kidal.
Il y a des zones à Gao même si vous touchez le sol vous avez de l’or. On importe des milliers de soudanais, de tchadiens qui exploitent l’or. La grande partie de l’or exploité est allé là vous savez ; le reste est redistribué ici à travers un réseau, une oligarchie, des hommes politiques, des militaires, des juges qui font l’opinion. Et le pays est pris en otage.
Donc pour nous, il fallait détricoter ce tissu-là. Si vous le disiez au début, on va dire que vous êtes fous. Les autres disaient qu’il faut aller aux élections. A supposer qu’on aille aux élections, qu’on élise un président. Mais il ne sera pas plus légitime que IBK qui a été élu en 2013. IBK, c’est le président le plus légitime qui a eu dans l’histoire du Mali après Modibo Keïta qui avait une légitimité populaire. Mais lui il avait la légitimité historique et populaire. Modibo avait une légitimité historique mais il a craqué après ; parce qu’on voulait d’un président faible qu’on peut faire chanter ; on fait ce qu’on veut avec lui…
Celui qui a vu l’intervention de IBK à la signature de l’accord pour la paix la réconciliation issu du processus d’Alger ; l’altercation qui a eu entre lui et le représentant spécial des Nations Unies du secrétaire général des nations-unies, Hervé Ladsous, chargé des opérations de maintien de paix, ce jour, c’est le sang malien qui a coulé dans ses veines. Ce jour-là il a dit : nous, nous avons une claire conscience des relations internationales. Nous savons ce que vous voulez, le Mali a toujours respecté ses engagements. Vous nous dites de ne pas attaquer ceux qui n’ont pas signé l’accord, vous nous menacez or le Mali a toujours respecté ses engagements. Qu’est-ce qui se passe en fait ? C’est la CMA qui a refusé de signer. Comme on le sait depuis ce moment, ils ont commencé à défendre la CMA.
La CMA a signé le 20 juin ce qu’ils appellent le relevé des conclusions et c’est là-dans qu’il y a le poison qui divise le Mali. La partition du Mali est actée dans ce document qui a la même valeur juridique que le document de base. IBK, ce jour-là était dans tous ses États ce jour-là. Il sentait la trahison. Il le sentait.
Avant lui ATT que j’ai rencontré peu avant sa chute. Je l’ai vu le 17 mars 2012, soit 5 jours avant sa chute. Cela faisait 5 ans qu’on ne s’était pas vu. Quand on a fini de nous entretenir, arrivés à la porte, il m’a pris par la main et m’a dit : ‘‘cousin, toute personne qui a têté le lait d’une femme malienne ; toute personne qui a le sang malien qui coute dans ses veines, il y a des pays dans ce monde qui ne voudront jamais que son pays soit quelque chose. Il a dit que ça fait 6 mois qu’ un président qui veut téléphoner refuse même de prendre son téléphone. Mais il était fini ; en réalité le complot contre lui avait été ficelé. Il est tombé.
Dès qu’ATT est tombé. Les Dioncounda sont venus. La CEDEAO a fait les ‘‘pan-pan’’. On a cru que ce sont les élections qui allaient régler le problème. C’est ce qu’on ne voulait pas répéter parce que la transition de 2012 il y avait pas d’aile politique, c’était juste les militaires ; u ye u bagaga ‘‘embargo, embargo’’. On est allé à Ouaga. Tout le monde est rentré dans l’avion. Ils sont venus, on a tous cédé mais cela n’a servi à rien.
C’était bien pour nous mettre la cordre au cou. Dioncounda a écrit pour dire qu’il fallait ‘‘un soutien aérien et en renseignement’’. Ce n’était pas prévu qu’il y ait des militaires français au sol. Ils ont appliqué cela jusqu’à Anefiss. Mais à partir d’Anefiss, ils sont retournés à une Convention du 7 septembre 1907 signée par la France où c’est écrit l’Adrar des Ifoghas appartient aux français et à ce qu’il plaira à la France d’installer. On a interdit à l’armée malienne d’aller. On a été cherché le MNLA dans les fourgons de Serval, on l’a ramené. On a pris une partie d’Ansardine qui est devenu Mia, on l’a métamorphosé en HCUA. Avec HCUA et MNLA mis ensemble, on a fait la CMA et c’est la CMA qui est devenu l’interlocuteur de l’État Mali. Un mouvement qui n’a même pas de récépissé. Voici ce qui s’est passé en réalité. Est-ce que vous savez qu’on n’a pas trouvé au Mali la lettre que Dioncounda a écrite pour demander l’intervention militaire. Quand le gouvernement de la rectification est venu, Assimi n’a pas pu la trouver. Il a fallu qu’on aille la chercher pour la retrouver finalement sur le site internet des autorités françaises. L’accord de défense qu’il y a entre le Mali et la France, il n’y en avait pas au Mali. C’est dans les archives françaises qu’on a trouvé. Donc on était un Etat comme ça, les dirigeants étaient là, ils se cravatent, ils parlaient… Mais il n’y avait rien derrière. IBK est venu, il a fait son temps, il est parti.
On a tiré les leçons de tout ça. On s’est dit que cette fois-ci là on va plus faire comme avant. Il faut d’abord la sécurité. Parce qu’on a remarqué qu’au Niger, Burkina, ailleurs, partout en Afrique, la cause de renversement des régimes, c’est l’insécurité. Ce n’est pas le manque d’élection. Aussi nous avons dit, attaquons-nous d’abord à l’insécurité.
La deuxième chose, il faut détricoter cette chemise-là. Mais en ce moment une partie de la classe politique avait d’autres données. Elle ne pouvait pas se comprendre avec nous. Moi, je voudrais vraiment que les uns et les autres comprennent pourquoi il y avait ce hiatus-là. On a élaboré des termes à l’extérieur. Nous savons les officines qui les ont élaborées, comme le Premier ministre clivant.
N’oubliez pas quand Assimi Goïta a été et à Accra, la CEDEAO en bloc c’est opposé à la nomination du Premier ministre. Ils lui ont dit de trouver quelqu’un d’autre. Il a tenu bon. Ils ont dit qu’ils vont voir d’ici 3 mois s’il arrive à tenir. Mais pour nous c’était très clair, on avait la chance contrairement à la transition de 2012, la transition militaire et l’aile politique, on avait une symbiose de réflexion et on a commencé à travailler.
LA REDACTION