Les Burkinabè votaient dimanche dans le calme pour désigner leur nouveau président, un «scrutin historique» organisé un an après la chute de Blaise Compaoré, arrivé par un coup d’État à la tête du Burkina Faso qu’il a dirigé 27 ans.
Quelque 5,5 millions d’électeurs sont appelés à participer à ce scrutin couplé à des législatives, devant tourner la page de la transition mise en place après l’insurrection populaire qui a chassé Compaoré en octobre 2014, alors qu’il tentait de modifier la Constitution pour pouvoir briguer un nouveau mandat.
«Une fois que le grand manitou n’est pas là, c’est plus libre et plus démocratique», se félicitait un électeur, Ousmane François Ouedraogo, 65 ans, en référence au «beau Blaise», exilé en Côte d’Ivoire voisine.
Initialement prévues le 11 octobre, ces élections avaient été reportées en raison d’un putsch le 17 septembre, porté par l’ancien bras-droit de M. Compaoré, le général Gilbert Diendéré, et mis en échec par la mobilisation de la population et de l’armée loyaliste.
L’attente est grande dans ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest d’un peu moins de 20 millions d’habitants, qui veut voir dans ce scrutin le début une longue ère démocratique.
Quatorze candidats dont deux femmes sont en lice pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.
Roch Marc Christian Kaboré et Zéphirin Diabré, deux anciens ministres passés dans l’opposition avant la chute de Compaoré, sont considérés comme les grands favoris du scrutin.
Devant la plupart des bureaux de vote de Ouagadougou, les électeurs attendaient leur tour dans le calme et la bonne humeur: «On est content de voter», résumait en souriant Hamidou Zongo, un commerçant de 33 ans.
«Je suis content d’avoir pu voter. Je veux que le candidat pour lequel j’ai voté s’occupe de nous, nous trouve du travail», expliquait pour sa part Omar Tiemtoré, 39 ans.
Le taux de participation devrait être supérieur aux scores habituels lors des élections de l’ère Compaoré (autour de 50 %), selon plusieurs observateurs.
Toutefois, certains bureaux n’avaient pas encore ouvert à la mi-journée et certains ne disposaient pas de bulletins ou d’urnes, selon l’entourage de plusieurs candidats, qui ont aussi critiqué la lenteur des opérations de vote.
Éclipse de 27 ans
«C’est une victoire (…) pour le peuple burkinabè», a estimé Michel Kafando, le président du régime de transition dont la principale mission était l’organisation d’élections démocratiques.
M. Kafando a souligné que le scrutin était le premier «pleinement démocratique, transparent, clair» depuis 1978, dans ce pays marqué par les coups d’État et «après une éclipse de 27 ans» de pouvoir Compaoré.
«Nous avons eu ce que vous savez, les secousses, des événements, et malgré tout, nous restons dans le cadre de 2015», a-t-il ajouté.
Le parti de Compaoré, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) n’a pas présenté de candidat à la présidentielle, une loi controversée interdisant aux pro-Compaoré ayant soutenu le projet de révision constitutionnelle de briguer des mandats.
Toutefois, le CDP présente de nombreux candidats aux législatives et pourrait y réaliser un bon score.
Sept des 14 candidats à la présidentielle ont été, à des titres divers, des compagnons et des barons du régime déchu.
C’est le cas des deux favoris, MM. Kaboré et Diabré.
Le premier est resté avec M. Compaoré pendant 26 ans, occupant de prestigieux postes dont celui de premier ministre. Il a aussi été patron du CDP avant de tomber en disgrâce, et de quitter le régime 10 mois avant sa chute.
«C’est un jour historique. Nous avons eu une rupture totale avec l’ancien système», a estimé dimanche M. Kaboré, promettant «d’apporter un changement réel au pays».
M. Diabré, qui a rompu avec Compaoré en 1997, a lui aussi parlé de «scrutin historique». «C’est la première fois que nous avons des élections aussi ouvertes», a-t-il dit, assurant avoir voté avec «un état d’esprit de vainqueur».
Les bureaux de vote doivent fermer à 18 h locales et les résultats provisoires devraient être annoncés dès lundi soir, selon la commission électorale.
Le gouvernement a déployé 25 000 hommes sur le terrain pour sécuriser l’élection dans ce pays à majorité musulmane, qui a été touché pour la première fois de son histoire par des attaques jihadistes en 2015, près de la frontière avec le Mali, ébranlé le 20 novembre par l’attentat sanglant dans un grand hôtel à Bamako (20 morts).
Sur le plan sécuritaire, «pour l’instant, tout se déroule bien. On espère qu’il en soit ainsi pour le reste de la journée», a affirmé à l’AFP Alain Zagré, ministre délégué à la Sécurité.
source : lapresse