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Révision constitutionnelle : Les deux fers au feu du ministre de la Justice Mamadou Ismaël Konaté

En 2011 tout près, l’avocat à la Cour, actuel garde des Sceaux, ministre de la Justice affirmait tout de go ceci : “Le cri des Maliens qui se sont exprimés contre ce texte de révision constitutionnelle devra être entendu !”.

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Six ans plus tard, le même Me Mamadou Ismaël Konaté change de langage. Sans vergogne…

Dans une chronique fleuve, l’avocat à la Cour, devenu le patron de la Chancellerie relevait des incohérences dans le projet de texte proposé par le régime d’alors d’Amadou Toumani Touré en vue de la révision constitutionnelle. Des incohérences, bien entendu, qui ont connu très peu de changement dans la Constitution proposée par l’actuel régime. L’auteur des dénonciations est aujourd’hui membre et acteur du même processus. Une contribution très explicite, un vrai travail d’expert qui donne finalement raison aux opposants aujourd’hui au projet de révision de la Constitution.

Dans le projet de Constitution proposée par les pouvoirs actuels, l’une des dispositions “anormales” évoquées par les contestataires est relative à la désignation du président et des deux membres de la Cour constitutionnelle par le  président de la République. La même disposition, semble-t-il, figurait dans le projet de texte proposée par Amadou Toumani Touré. Et Mamadou Ismaël Konaté dans sa chronique de septembre 2011 n’y était pas allé avec le dos de la cuillère. Tenez : “La désignation par le seul président de la République des trois membres du Conseil constitutionnel, y compris son président, est une atteinte grave à la transparence nécessaire à toute institution démocratique comme la justice constitutionnelle. Il apparaît comme si le président de la République met en place son ‘président du Conseil constitutionnel’ durant ces deux mandats puisque le président de cette institution est lui-même mis en place pour une durée de neuf ans”. Rien à dire !

De la création du Sénat…

Mamadou Ismaël, toujours dans sa chronique de septembre 2011 contre le régime d’ATT estimait que “la seconde chambre du Parlement n’incite pas plus de commentaire, si ce n’est de relever à son sujet que l’objectif qui le sous-tend bien que politique, est tout de même flou et mal agencé. Les députés qui composent la seule et unique chambre actuelle du Parlement malien ne participent même pas encore au dixième du ‘processus législatif’. Ce manque et cette défaillance s’expliquent par le fait que les députés sont très mal lotis dans ce domaine, beaucoup moins nantis que les cabinets ministériels qui regorgent de ‘cadres’ et de ‘techniciens’ administratifs pour assurer la préparation de la ‘loi’. Le doublement dans ces conditions de la chambre au niveau du Parlement va permettre simplement d’adjoindre un nombre équivalent de sénateurs aux députés actuels dans un Parlement bicaméral. La conséquence sera, à n’en pas douter, le rallongement inutile du travail parlementaire et sa complication évidente avec tous les risques que comporte le système de la ‘navette’“.

Tout comme Mamadou Ismaïla Konaté, la majeure partie des protestataires d’aujourd’hui soutiennent que la création du Sénat n’a pas d’utilité. Qui plus est néfaste pour le budget national. Pis, chose que le régime précédent n’avait peut-être pas mentionnée dans son projet de Constitution, les 1/3 des sénateurs seront nommés par le président de la République. Imaginez ce que Mamadou Ismaïla Konaté allait dire sur ce point s’il n’était pas aujourd’hui lui-même impliqué dans le processus.

 Du terme “novation”

Il faudrait être purement un homme de robe avec beaucoup d’expérience pour débusquer cette incohérence. Dans la Constitution proposée par le régime d’ATT, l’actuel  ministre de la Justice a expliqué comment le vocable “novation” n’a pas sa place dans une Constitution. Il pense que ce mot appartient plus au droit civil qu’au droit constitutionnel. Parole d’un expert. Tenez ! “Au sujet de la révision de la Constitution de 1992, les réponses apportées à deux ou trois questions mal posées viennent rompre l’équilibre de la démarche de révision. Par exemple : au sujet de l’amendement n°28 du projet de réforme constitutionnelle, il est proposé un article 106 ainsi rédigé : ‘La présente loi constitutionnelle n’emporte pas novation de République’. Pour soutenir cet amendement, il est précisé que celui-ci vise à éviter toute autre interprétation de la portée exacte de la révision constitutionnelle. Celle-ci ne devrait pas être analysée en une ‘création’ d’une ‘IVe République’. Si l’on peut bien comprendre et même accepter une telle motivation ‘politique’, il nous est apparu assez difficile, au plan du droit constitutionnel, d’accepter la maladroite rédaction proposée dans la disposition formant désormais l’article 106. A y lire de près, l’utilisation du mot ‘novation’ n’est pas sans poser de difficultés. Stricto sensu, le terme novation, bien qu’étant un concept de droit, ne semble pas très approprié en matière constitutionnelle.

“Au détour de quelques lectures, nous avons retrouvé ce mot de la bouche de François Mitterrand. Evoquant l’ampleur de la défaite de la gauche aux élections législatives de 1986 qui a entraîné la naissance de la première cohabitation, il a indiqué à ce sujet que ‘la novation qui vient de se produire requiert de part et d’autre une pratique nouvelle’. En cherchant plus en avant, l’on se rend compte que le concept de ‘novation’ est un concept plutôt de droit civil qui vise et s’applique à des ‘obligations’.

“La ‘novation’ est l’effet qu’opère la substitution à un lien de droit qui s’éteint, la conclusion d’une relation contractuelle nouvelle. Elle a lieu soit par suite du changement de dettes entre les mêmes contractants, soit par suite du changement de créancier ou par l’effet du changement de débiteur. On applique également ce mot pour désigner la substitution de nouvelles conditions contractuelles à celles que les parties avaient précédemment arrêtées. Allons-nous introduire en droit constitutionnel un concept propre au droit civil mais impropre en droit constitutionnel, pour introduire plus qu’une confusion, une imprécision constitutionnelle?”

Bien expliqué, mais le problème est qu’il existe les mêmes dispositions dans la Constitution proposée par l’actuel gouvernement dont Mamadou Ismaël est membre : Amendement 75 !  Article 148 (nouveau) : “La présente loi constitutionnelle n’emporte pas novation de République”. Motivation : éviter toute autre interprétation de la portée exacte de la révision constitutionnelle.

A propos des contestations

Dans sa chronique de septembre 2011 et publiée dans le journal “22-Septembre”, Mamadou Ismaël Konaté a presque parlé de tout sur la Constitution proposée à l’époque par le régime d’en place, constitution qu’il appelle ironiquement “Constitution Daba Diawara”, cet ex-ministre qui avait coordonné ce processus de révision.

Au-delà des critiques dans sa chronique et des incohérences par lui évoquées, Mamadou Ismaël Konaté avait aussi formulé des conseils pertinents à l’adresse du régime ATT face  à l’ampleur des contestations. Morceau choisi : “Aucune mécanique de vote ou de validation de scrutin ne saurait venir donner suffisamment raison ou tort à un camp ou à un autre dans un processus de révision du texte fondamental. Même pas la mise en œuvre d’une imparfaite mécanique de vote (51 % pour et 49 % contre). Une fin de mandat d’une durée totale de dix années devrait se préoccuper de cela (régime d’ATT, Ndlr). C’est pourquoi le cri des Maliens qui se sont exprimés contre ce texte de révision constitutionnelle devra être entendu : s’il faut pour cela, envisager d’aller jusqu’à une seconde lecture du texte de révision de la Constitution de 1992 ? La réponse est : Pourquoi pas ! Si le ‘consensus’, nécessaire à propos d’une telle question se trouve au bout. Pour la circonstance, il vaut mieux d’ailleurs ne pas avoir de révision de la Constitution que d’avoir une Constitution mal révisée, dans laquelle des Maliens ne se reconnaitraient pas ou très peu, voire pas du tout. Prenons garde qu’il ne soit retenu de l’Histoire politique de notre jeune Etat, qu’une Constitution, celle de 1992, révisée, est celle-là qui renferme des dispositions erronées et manquant de base ou comportant des dispositions incohérentes et inconsistantes”.

Des conseils qui ont certainement été pris en compte par le régime ATT puisqu’il a finalement renoncé à son projet de révision la Constitution face à la pression sociale.

C’est la même la pression sociale qui plane sur le processus de révision entamé par le régime actuel. Depuis le passage du projet de Constitution le 3 juin passé à l’Assemblée nationale, partis politiques et société civile, des voix se sont levées pour dire “non” au projet de révision constitutionnelle.

Des manifestations avec  de la répression, c’est le quotidien du malien désormais. Et les plus avertis craignent d’ores et déjà le pire. Un soulèvement ? Non ! Que Dieu nous en garde ! Prions que les conseils formulés par Mamadou Ismaël Konaté, il y a six ans, soient aussi écoutés aujourd’hui, Amen !

Djibril Samaké

 

 

Source:  La Sirène

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