L’Algérie a renoué avec les rafles et expulsions, opérées en violation des droits élémentaires des migrants qui ont dénoncé des traitements inhumains. Pourchassés par la police, plusieurs d’entre eux, pourvus de documents officiels, ont été expulsés vers la frontière avec le Niger, s’ils n’ont tout simplement pas été abandonnés en plein désert. Ces énièmes rafles et expulsions rappellent celles de l’année dernière, qu’un syndicat avait qualifiées “de plus grande chasse à l’homme noir” depuis l’indépendance. Le président Ahmed Ben Bella, qui a œuvré pour le raffermissement des relations entre le peuple algérien et ceux des voisins, doit se retourner dans sa tombe face à cette barbarie qui n’a d’égale que le régime d’apartheid jadis appliqué en Afrique du Sud.
La chasse aux migrants subsahariens a de nouveau repris en Algérie. Durant le mois de septembre, des migrants issus du Mali, du Niger ou encore de la Guinée ont été interpellés à Alger par la gendarmerie. “En fin de journée, les gendarmes sont entrés sur le chantier. Ils ont saisi mon argent, mes papiers, puis m’ont fait monter dans le bus. Là, nous avons pris la direction du camp”, a confié un Malien d’une vingtaine d’années.
Par la suite, ils auraient été conduits à Tamanrasset, à 2 000 km au sud d’Alger, avant d’être reconduits de l’autre côté de la frontière, jeudi 28 septembre, dans la nuit. Certains migrants ont affirmé avoir été relâchés “dans le désert”.
Fin juin 2017 pourtant, à l’issue d’une campagne de dénigrement des migrants subsahariens sur la toile, Alger avait promis de revoir sa politique migratoire, souvent assimilée à du racisme.
Le Premier ministre d’alors Abdelmadjid Tebboune, annonçait devant le Parlement une opération de recensement des migrants en vue de leur délivrer “une carte de résidence, qui leur ouvre le droit au travail également”. Cette politique devait dès lors combler une pénurie de travailleurs dans l’agriculture et la construction, tout en cherchant à lutter contre une poussée du sentiment raciste.
Aujourd’hui, c’est bel et bien une chasse odieuse à l’homme noir qui s’organise à travers tout le pays avec officiellement pour cible, dans une première étape, les subsahariens en état de déshérence, squattant les espaces publics ou surpris en train de demander l’aumône dans la rue. Dans une seconde étape, ce sont les femmes accompagnées de leurs enfants en bas âge et se promenant seules qui seront embarquées, sans ménagement ni recours, vers des destinations inconnues. Entassées dans des moyens de transport de fortune, sans nourriture et dépossédés de leurs maigres économies, en proie au froid et à la faim, ces « pestiférés » seront parqués comme des bêtes sauvages dans des camps, loin des villes, avant d’être jetés hors des frontières avec ordre aux autorités de leurs pays respectifs de ne plus les laisser revenir en Algérie, leurs nom figurant sur une liste noire. Ne craignant plus les condamnations internationales pour ce comportement inhumain, les autorités algériennes pourront ainsi faire diversion et satisfaire les appels à « l’épuration ethnique » d’une partie de leurs concitoyens dans ce qui s’apparente à la plus grande vague raciste anti-noirs en Afrique du Nord.
Alger multirécidiviste
Alger n’a jamais caché sa position par rapport à la question migratoire. Au plus haut sommet de l’Etat, c’est toute honte bue, que ministres et conseillers du président Bouteflika déversent à longueur d’année des torrents d’insultes sur les Subsahariens. Il y a tout juste une semaine, l’Algérie avait interdit aux migrants d’emprunter les autocars, bus et taxis. Le souvenir du meurtre de 18 Subsahariens dans un camp d’Ouargla en novembre 2015 est encore vivace, tout comme le pugilat des Algériens contre les migrants à Béchar en mars 2016, lequel a été légitimé par un discours raciste au sommet de l’Etat.
A l’époque, des centaines de migrants ouest-africains, violentés, malmenés, battus, avaient été arrêtés dans la capitale algérienne en moins d’une semaine. Ils avaient ensuite été placés dans des camps de rétention à Alger ou emmenés à Tamanrasset, une ville dans le sud du pays et expulsés du pays. Ces arrestations musclées n’ont pas épargné les étrangers en situation régulière sur le sol algérien. En guise d’explications à ce déferlement de xénophobie, pour ne pas dire de haine, c’est la justification de cette “chasse à l’homme noir” par des “arguments” dégoulinant de mépris, voire d’un racisme primaire. Tenez-vous bien! C’est le conseiller du président Abdelaziz Bouteflika, nommé par ce dernier “président de la Commission nationale consultative pour la protection des droits de l’Homme”, pas plus tard qu’en juin dernier, le dénommé Ksentini, qui a eu les mots les plus durs à l’égard de ces migrants. “Les Algériens sont exposés au risque de la propagation du Sida, ainsi que d’autres maladies sexuellement transmissibles à cause de la présence de ces migrants», a dit cet ancien avocat.
Voilà un florilège de propos scandaleux relevés dans la bouche d’un avocat élu pour sa “sensibilité aux drames humains”, mais que les hautes sphères du pouvoir en Algérie n’ont pas cru nécessaire de condamner. Ne serait-ce que pour s’en démarquer! Un dérapage que n’aurait pas osé un parti d’extrême-droite, à l’instar du Front national, de Marine Le Pen, ou du parti néerlandais pour la liberté du raciste Geert Wilders!
Ce dérapage a toutefois le mérite de montrer, à la face des Africains, le vrai visage d’un régime algérien délibérément “africanophobe”! Et ce ne sont surtout pas les faux slogans arborés par son ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, lors des messes de l’Union africaine, qui vont maquiller cette triste vérité. Le racisme d’Alger envers les Subsahariens est une réalité. Et c’est tout à son déshonneur!
Les africains sont considérés comme des bêtes…
Quand on méprise l’individu subsaharien et qu’on le taxe de diffuser le sida et d’autres maladies (MST), quand le régime algérien expulse des Africains dans des conditions innommables, il ne sert à rien de jouer la carte de l’union africaine dans les discours officiels. Personne n’est dupe. Et encore moins les Africains!
A l’opposé de la Tunisie ou du Maroc, pays de grande tradition d’accueil et modèle d’intégration à l’échelle africaine, l’Algérie, hélas, a emprunté la voie du rejet, de la xénophobie et de l’ostracisme. Depuis le début du mois de décembre 2016, les autorités algériennes se sont lancé dans une surenchère xénophobe en arrêtant et expulsant les migrants originaires d’Afrique de l’Ouest. En faisant cela, l’Algérie se met à dos ses voisins régionaux «Les Maliens sont considérés comme des bêtes en Algérie», avait dénoncé Boubou Camara, l’un des expulsés en présence du représentant d’Amnesty International-Mali, El Béchir Singaré, qui se demandait comment un pays africain pouvait «se comporter de cette manière avec les ressortissants d’un autre pays africain?» Les dernières expulsions de migrants subsahariens remontaient au mois d’août 2016. Plus de 400 migrants maliens vivant à Tamanrasset avaient été rapatriés à Bamako où ils ont dénoncé des traitements inhumains. Sans susciter la moindre réaction des autorités maliennes.
Selon des chiffres non-officiels, ils sont 100 000 migrants de l’Afrique noire issus majoritairement du Mali, du Niger et du Burkina Faso, sur le sol algérien. La plupart travaillent illégalement et sont très souvent sous-payés, selon les groupes de défense des droits de l’homme.
Il est urgent que l’Union africaine et surtout des organisations de défense des droits de l’homme se saisissent de ce dossier des dérives d’Alger vis-à-vis des personnes étrangères en situation de précarité et de vulnérabilité sur son sol.
Mémé Sanogo
Par L’Aube