Au-delà de la certification délivrée par une structure de contrôle agréée, la bonne conservation et l’observation de bonnes pratiques culturales sont les gages d’un bon rendement
Samedi 2 janvier. Un vent glacial matinal souffle sur le marché de Sabalibougou, en Commune V. Quelques Sotrama roulent tel un cortège funèbre. Une grande partie du goudron traversant ce haut lieu de commerce est fortement abîmée. Les eaux usées déversées forment des flaques d’eau par endroits. Le marché grouille de monde. Fruits et légumes frais en tout genre étalés à perte de vue de part et d’autre du bitume. Ménagères, femmes travailleuses (elles achètent la provision de la semaine) et vendeuses au détail semblent avoir l’embarras du choix. Même décor les soirs au marché Wonida, à l’entrée du Grand marché, en Commune II.
Cette abondance de produits frais sur les marchés de Bamako semble être à la hauteur de l’intérêt que les Bamakois et autres habitants de la périphérie nourrissent pour l’agriculture, notamment le maraîchage. Aussi en période de contre saison, cette activité est la principale source de revenus pour les paysans en milieu rural et urbain. Mais de plus en plus de producteurs déplorent une baisse de la productivité de certaines variétés due à la qualité des semences utilisées. Qu’en est-il réellement ?
La réponse est diversement appréciée par les acteurs. Ils conviennent tous sur la nécessité de renforcer les moyens de conservation, de l’utilisation des semences certifiées et de l’amélioration de la qualité des semences locales. Le secrétaire général des revendeurs d’intrants agricoles de Bamako est assis à son magasin de vente de semences et de produits phytosanitaires. Ousmane Sylla vend les variétés Sogeba et Green Seeds. Interrogé, il précise : «Les gombos longs et courts sont actuellement prisés par les producteurs.» D’autres variétés de semences comme les oignons, les carottes, les gombos, les aubergines, les betteraves et les papayes le sont également recherchées, selon le commerçant.
Toutefois, le choix de la variété dépend des localités. Les jardiniers de Baguinéda achètent les différentes variétés de tomates en cette période de maraîchage. Les clients de Bamako préfèrent les semences de carottes, de salade et de piment, relève Ousmane Sylla, précisant que les semences importées (hybrides ou non) sont très prisées, toutes variétés confondues. «Les semences importées sont chères comparées aux locales. Cela s’explique par la mise en bouteille et la bonne conservation. Elles ont un taux de germination de près de 80%. Elles sont garanties et certifiées par le laboratoire de semences. En cas de problème de germination, leurs représentants sont localisés. Nous avons la possibilité de faire retourner les produits et nous faire rembourser», explique Ousmane Sylla.
Quant aux semences locales, elles sont généralement conservées dans des sachets et sont moins garanties. «Auparavant, les clients se plaignaient des variétés locales des semences de céleris», rappelle-t-il, confirmant que la mauvaise conservation des semences peut jouer sur le taux de germination. Il est, selon lui, souvent difficile d’avoir une fiche technique avec les producteurs locaux de semences indiquant les informations nécessaires sur le produit. Le responsable semences à Mali Protection de la Culture (MPC), spécialisée dans la commercialisation des semences et des produits phytosanitaires, abonde dans le même sens. Mamadou Diarra explique que la semence est une matière vivante. Elle doit être stockée en dessous de 10° degrés pour pouvoir atteindre le taux de germination souhaité.
En la matière, il existe deux types de semences : ordinaires et hybrides. Le premier, dont le rendement est faible, est utilisé par la majorité de nos jardiniers. Le second donne des résultats satisfaisants, mais il coûte un peu cher, souligne le spécialiste. «À notre niveau, il n’y a pas de plainte puisque les producteurs avertis connaissent les différents types de semences. Les producteurs doivent s’informer auprès des structures agréées sur les types de semences maraîchères et céréalières, avant de les acheter», invite-t-il. Déplorant le fait que les producteurs achètent des semences sur lesquelles ils n’ont aucune information en matière de rendement et dont ils ignorent l’itinéraire technique, il précise que le choix de la semence se fait par exemple en fonction du type de sol où elle sera semée.
à Mali Semences, une société spécialisée dans l’importation et la commercialisation des semences maraîchères, le responsable commercial insiste sur la conservation de la semence. «La semence ne supporte ni la chaleur, ni le soleil. Elle a besoin d’air pour pouvoir respirer. Tant que ces normes ne sont pas respectées, il y aura toujours des problèmes de germination», argumente Tidiane N’Diaye. L’augmentation de la productivité est fonction non seulement de la technique culturale utilisée mais aussi du choix de la variété. «Par exemple en saison chaude, il est recommandé d’utiliser les variétés de tomates Mongalo, Cobra et Savana», explique celui dont la société importe toutes sortes de semences horticoles : tomate, concombre, betterave, chou, papaye, piment, gombo, melon, carotte, maïs hybride (variété qui peut faire huit à dix tonnes à l’hectare). «Nos semences sont accompagnées de certificats phytosanitaires délivrés par le laboratoire de semences (Labosem) et notre société mère en France», assure Tidiane N’Diaye. Pour lui, les hybrides font l’affaire des paysans en matière de productivité. Aussi résistent-elles, selon lui, aux maladies et aux aléas climatiques.
Qu’en pensent les laborantins ? Laboratoire d’analyses de qualité des semences d’origine végétale au Mali (Labosem). Ce service procède à l’analyse des échantillons de semences de sorgho, de mil, de fonio et de riz à l’aide d’un humidimètre (appareil servant à contrôler le taux d’humidité des semences). Le chef intérimaire Dr Dioncounda Camara précise que le Labosem a pour mission de mettre à la disposition des pouvoirs publics, des sélectionneurs, des distributeurs de semences et des agriculteurs des informations inhérentes au contrôle, à la certification et à la diffusion de variétés de semences approuvées. Au Mali, les règles de gestion, de production, de commercialisation et de contrôle de la qualité des semences d’origine végétale sont régies par la loi n°10-032 du 12 juillet 2010 relative aux semences végétales, explique le spécialiste.
Ce texte précise que les semences homologuées doivent être inscrites dans le catalogue officiel, un répertoire pour toutes les variétés approuvées au Mali. «Ce catalogue contient aujourd’hui 298 variétés pour neuf espèces, à savoir le mil, le maïs, le sorgho, le niébé, le riz, l’arachide, la tomate, l’oignon, l’échalote», énumère l’expert. Les critères, pour figurer dans ce catalogue, sont clairs. Il faut d’abord effectuer «l’analyse de la priorité spécifique», qui permet de voir les impuretés dans la semence. Suivra celle de la faculté germinative, réalisée pour savoir si la semence est reproductive ou pas et pour avoir des informations sur le nombre de germination de chaque espèce. Venant en dernière instance, l’analyse de la priorité variétale vérifie l’authenticité de la semence soumise à l’observation, détaille Dr Dioncounda Camara. Ces contrôles se font à trois niveaux : avant la floraison, pendant la floraison et après la floraison.
Les variétés respectant tous ces critères sont alors certifiées.
La variété de semences qui ne figure pas dans ce catalogue, n’est pas reconnue par le Labosem. Une semence multipliée par un producteur sur le terrain est considérée comme locale. Elle doit être certifiée avant sa mise sur le marché, insiste-t-il.
Les sociétés semencières qui importent les semences, sont certifiées à l’extérieur, précise-t-il. «Quand elles sont introduites au Mali, nous faisons le test pour contrôler le taux de germination», assure Dr Dioncounda Camara, confirmant qu’une semence peut être certifiée bonne cette année, mais sa productivité peut se détériorer si elle est mal conservée.
Ainsi les résultats sont envoyés aux différentes coopératives et sociétés semencières, ajoute le spécialiste. Et, souligne-t-il, la traçabilité des semences certifiées est possible à travers les étiquettes de certification apposées par les agents assermentés du laboratoire des semences qui ont prélevé les échantillons. Dr Camara précise que la semence certifiée contribue à hauteur de 30 à 40% au rendement. Pour ce faire, il importe de la conserver dans de bonnes conditions. Il demande aux producteurs de s’approprier les nouvelles variétés développées par les recherches pour augmenter leurs rendements afin d’assurer la souveraineté alimentaire du pays.
Makan SISSOKO
Source : L’ESSOR