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Projet d’accord d’Alger : Des Maliens de l’intérieur et de l’extérieur réagissent

Le gouvernement malien vient de parapher à Alger avec les groupes armés pro-Mali un projet d’accord de paix en vue de sortir notre pays de la longue crise sécuritaire qu’il traverse, notamment dans sa partie septentrionale. Malheureusement, les groupes armés séparatistes (Mnla, Maa, Hcua) n’ont pas pour le moment apposé leurs signatures au bas du document soumis par la médiation, arguant qu’ils souhaitent d’abord consulter leur base (les populations de Kidal).  Face à cet état de fait, nos compatriotes, tant de l’intérieur que de l’extérieur, ont des appréciations divergentes.

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Djénébou Mariko (à Silver Spring, Maryland, USA) :

Je suis pour la paix dans l’intérêt du Mali. Je ne suis ni pour le mot Azawad, ni pour un traitement spécial des régions du Nord. Les autres régions ne doivent pas être abandonnées, sinon, à terme, cet accord provoquera des problèmes. Les Maliens sont des bombes à retardement.

 

Almouner Ag Hamad Ahmad (à Djébock, région de Gao, Mali) :

J’estime nécessaire que les belligérants parviennent à parapher le document rapidement, car se soucier du développement est urgent. Les conditions socio-économiques de toutes les populations doivent être améliorées. Leur milieu doit devenir vivable. Les écoles et les centres sanitaires doivent être réhabilités. D’autres points d’eau sont nécessaires. Le secteur de l’élevage doit être protégé grâce à des mesures d’anticipation contre la dégradation de l’environnement et la diminution des pâturages, pour éviter les exodes périodiques des éleveurs. Les partenaires et l’Etat doivent prendre ces engagements.

 

Siaka Coulibaly (à Millau, France)

Le texte consacre, de facto, la reconnaissance d’un territoire appelé Azawad. De ce fait, il y aura désormais un Mali du Sud et un Mali du Nord, à défaut de deux Etats. Tous les efforts seront orientés vers le Nord, au détriment des autres régions du Mali. Et pourtant, elles portent légitimement les mêmes revendications. Cet accord prouve une fois de plus que les armes sont un «bon  moyen  de revendications». Ce texte accorde l’exclusivité de la gestion, pardon de la gouvernance locale, dans un machin appelé Azawad, et une grande représentativité nationale, pardon plutôt que diriger aussi le Mali tout entier ! Je croyais que les rêveurs n’étaient pas sérieux quand ils parlaient de céder plus des 2/3 du Mali, au seul profit d’une minorité de criminels qui salissent au passage certaines ethnies, en se proclamant être leurs représentants ! Il est temps que cette comédie s’arrête, nos parents du Nord souffrent assez, et le Mali aussi.

Elmehdi Ag Muphtah (à Philadelphie, USA)

Je ne comprends vraiment pas le silence des responsables des partis politiques sur cet accord d’Alger ! Et pourtant, tout le monde l’a lu ! Ceci est quand même l’avenir de tout le pays ! Quand il s’agit d’élections, ils font tous, sans exception, du boucan et de grands discours ; ils distribuent des millions. Mais quand il s’agit de l’accord le plus important de l’Histoire de ce pays, rien, absolument rien, le silence total ! Il y a un truc qui ne tourne pas rond chez nos hommes politiques ! Aiment-ils vraiment ce pays ? J’en arrive à me poser la question ! Le Mali aurait dû être le premier à rejeter ce texte et refuser de le parapher. Ce projet d’accord porte en lui tous les germes de la prochaine rébellion. Il porte en lui une division programmée du Mali ! Cet accord, c’est une autonomie qui ne dit pas son nom, et donc, par ricochet, une promesse d’indépendance à long terme. Cet accord ne fait que mettre en place les structures, les mécanismes et les lois indispensables pour mener à une indépendance des régions du Nord. Cet accord ne fait «qu’outiller» ce dessein !

Fatouma Harber (à Tombouctou, Mali)

Le premier sentiment qui est né en moi en lisant le document d’accord que le ministre malien des Affaires étrangères a paraphé à Alger, en prélude à une signature à Bamako, est l’impuissance. Le Mali ne peut que signer, quel que soit le contenu. Malheureusement, il y a une fédération programmée du pays. D’autres diront qu’être une fédération n’empêche pas les USA d’être le pays le plus puissant du monde. Le Mali n’a pas la même histoire que les USA. Nos réalités diffèrent.

À voir la manière dont ces groupes armés agissent et réclament «indépendance» du Nord, on dirait qu’ils oublient tous les crimes qu’ils ont commis sur des habitants de ce même territoire. Si la Communauté internationale et le gouvernement malien priorisaient le bien-être des personnes, surtout celui des déplacés qui ont besoin que la paix revienne pour rentrer chez eux, je comprendrais. Mais là, c’est juste un autre pacte « international » qui favorisera ceux qui ont osé se rebeller. Je suis Malienne de Tombouctou, mais j’ai des attaches partout au Mali, au Nord comme au Sud. C’est le Mali entier qui a besoin de se développer, pas le Nord seulement ! Vouloir donner des privilèges au Nord sera dangereux pour nous tous, Maliens. Comme un boomerang,  ces rebelles reviendront menacer et tuer en réclamant le mirifique, car ils vont jouir de l’impunité.

Un accord de paix et de réconciliation nationale entre le GRM et les Mouvements politico-armés amenés par des rebelles indépendantistes, ne nécessite ni retouches de la Constitution, ni adaptation des institutions de la République et encore moins, une nouvelle dénomination des trois régions du Nord du Mali. L’adoption de l’appellation Azawad ne contribue en rien à la résolution de la crise malienne dite «question touarègue». Les porteurs du paradigme «Libération de l’Azawad» ne représentent pas les communautés locales majoritaires des trois régions concernées et encore moins les communautés touarègue et mauresque qui les abhorrent et les vouent aux gémonies pour avoir entraîné la Catastrophe. (Almaçibat, Alfitnet, en Tamasheq).

On doit rappeler aux rebelles que les territoires des trois régions du Nord du Mali sont des espaces physiques, historiques, politiques et anthropologiques partagés, depuis des temps immémoriaux, par une multitude de communautés locales dont celles des Touaregs et des Maures minoritaires, bien qu’à cause de leur mode de vie nomade, ces Bédouins soient répartis sur tout l’espace sahélo-saharien du Mali. Au total, il faut envisager des dénominations de territoires humains qui ne lèsent aucune des communautés résidentes et qui respectent l’Histoire de la zone.

Mohamed AG HAMATY  (à Douentza, Mali)

La CMA n’a pas paraphé l’Accord d’Alger pour deux raisons principales.  D’une part, n’ayant rien gagné dans cet accord, ces Coalisés de la «HONTE DES TOUAREGS ET DES MAURES MALIENS» font preuve d’amertume de n’avoir pu ou su, amener la lutte pour la Libération de l’Azawad à son terme. D’autre part, ainsi battus, ces Chefs autoproclamés de la rébellion, cuvée 2011-2015, tentent de tromper la vigilance de la médiation en arguant que ceux qui les ont mandatés, à savoir les enfants et les femmes pris en otages dans la seule ville-cimetière de Kidal, crient fort leur sentiment d’être floués par ceux qui les ont instrumentalisés.

Il est à craindre que les hordes de combattants essaimés dans le Sahara, ces mercenaires battus et débandés de la Lybie post-Kadhafi, leur gourou, lâchés par leurs thuriféraires de la peu glorieuse CMA, abandonneront la révolution azawadienne pour se mettre, immédiatement, au service « mercenariat » des terroristes jihadistes, Aqmi/Ançar-Eddine, Daech et Boko-Haram qui les payeront bien en dollars et en euros.

Dr. Mahamadou Diagayété (en Allemagne. Originaire de la région de Mopti) 

Je suis pour l’indivisibilité du Mali et pour la décentralisation, c’est-à-dire pour la participation effective des populations locales à la gestion de toutes leurs affaires. C’est dans ces limites positionnelles que j’ai lu tout le document. Je suis donc très satisfait que dans le document, il n’y ait aucune allusion à une autonomie, un fédéralisme, encore moins à une indépendance quelconque. Je me suis réjoui de tout passage se rapportant à l’application du concept de décentralisation. Toutes les spécifications « Nord », « régions du Nord », « populations du Nord »… sont à réviser en vue de ne pas institutionnaliser un germe de division « Nord » / »Sud », porteur de conflit permanent. Pour ce qui est du terme « Azawad », beaucoup discuté, je propose qu’il soit clarifié en le plaçant dans le contexte géo-historique, administratif et économique du Mali, et ceci noir sur blanc. Un adage dit : « Une figure vaut mieux que mille mots ». Prenons la carte géo-écologique du Mali en appui, et le monde entier comprendra ce que veut vraiment dire « Azawad ». C’est une contrée géo-écologique entre Tombouctou et Araouane, parmi tant d’autres au Mali, pas la plus grande, encore moins la plus peuplée. Y-a-t-il même une vie humaine permanente ?

Pourquoi ne pas créer une commune rurale du nom d’Azawad dans l’Azawad réel et y construire la capitale de cette communauté rurale ? Un monument devrait y être érigé. Toute personne qui s’y recueillerait, mettrait sa conviction personnelle en avant. Je suis sûr et certain que la majorité écrasante des Maliens et des visiteurs étrangers plaindraient les pertes de vies humaines ainsi que la souffrance des réfugiés et regretteraient les innombrables dégâts en ressources financières et matérielles si rares dans ce pauvre Mali. Ce sont des faits avérés extrêmement  tristes, la bannière « Azawad » en est la base.

Professeur Aboubacrine Assadek Ag Hamady (En France pour soins médicaux)

L’accord n’est pas mal.  Mais, ce qui a échappé aux uns et aux autres, c’est qu’il aurait fallu, depuis un moment, préparer «l’opinion malienne» comme «l’opinion azawadienne» aux vrais enjeux et à la réalité des choses. Les gens se sont focalisés sur le «tout accord» et le «tout sécuritaire», ignorant ainsi les véritables problèmes.  Le Mnla a mobilisé «ses populations» sur une base irréaliste. Maintenant, il lui est difficile de reculer et de les convaincre. C’est là que doivent être orientés les efforts désormais. Il faut que ceux qui étaient face à face à Alger, sensibilisent et mobilisent sur la base des enjeux réels et de la faisabilité des deux côtés, sinon, on est reparti pour longtemps…

Françoise WASSERVOGEL (Propos recueillis le lundi 2 mars 2015)

Source : Le Reporter

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