Conformément à sa feuille de route, le gouvernement persiste et signe : l’élection présidentielle se tiendra en juillet prochain. De l’avis général, il y a urgence de mettre fin à la transition. Cependant, les conditions sont loin d’être réunies pour organiser un scrutin propre et apaisé.
Devant les élus de la nation, le gouvernement a réitéré son engagement à organiser l’élection présidentielle en juillet 2013, dans exactement 63 jours. Il faut avoir une machine électorale rodée pour tenir le cap de cette échéance. A moins qu’on veuille organiser des élections uniquement sous la pression de la communauté internationale. Que pourra tirer cette communauté internationale d’une élection « bâclée » ? Difficile d’y répondre. Mais beaucoup de Maliens sont convaincus de deux choses : soit on veut organiser des élections pour la forme, soit l’on veut amener le pays à des problèmes post-électoraux.
D’abord, le pays n’est pas totalement libéré. Kidal n’est toujours pas sous le contrôle de l’armée malienne. Et même si c’est le cas avant le 15 mai, l’administration pourra-t-elle se déployer sur l’ensemble de la région ? Techniquement, ce serait très difficile car même les régions de Gao et Tombouctou (libérées depuis janvier) n’ont pas encore pu installer totalement leur administration.
Aussi, à Kidal, il y a au moins deux problèmes à résoudre au cas où l’armée malienne parvient à entrer sans tirer un seul coup de feu. Il s’agit de réconcilier d’une part, les Kel tamasheqs noirs et blancs, et ensuite cette communauté et les arabes. D’autre part, il faut réconcilier également les populations sédentaires (Sonrhaïs et autres) ayant souffert de l’occupation et les communautés (touaregs et arabes). Cet exercice, qui devrait précéder toute élection, peut en fin garantir la paix sociale et éviter des tensions avant et après les différents scrutins.
Au-delà de la seule région de Kidal, le fossé s’est aussi creusé entre différentes couches sociales de notre pays. Depuis les évènements du 22 mars 2012, la tension est très vive entre les acteurs politiques, au sein de l’armée nationale, entre les travailleurs, au sein de la police nationale, etc. Est-ce vraiment nécessaire d’aller à une élection (mal préparée) dans un tel contexte ?
La crise politique a exacerbé les relations entre les formations politiques. Celles-ci sont constituées en pro et anti-putschs. Les premiers disent défendre le Mali contre les seconds. Et ces derniers (les anti-putschs) auront inscrit leur lutte dans la défense de la démocratie afin de sauver le Mali. Ils se sont opposés à propos de tout, y compris l’intervention étrangère dans notre pays. Les pro-putschs ne voulaient pas de cette intervention tandis que les anti-putschs en ont fait une raison de leur combat. Les deux pôles ne s’entendaient pratiquement sur rien y compris lorsqu’il s’agit de sauver le Mali. L’élection de juillet contribuera sans doute à agrandir le fossé entre eux. Surtout que l’on s’achemine vers une bipolarisation des regroupements politiques. Déjà, les déclarations et prises de position de part et d’autre sont des signes qui en disent long sur leurs intentions. Il y a lieu d’agir dans le sens d’apaiser les cœurs et les esprits. Les Maliens doivent se parler et se pardonner tout en acceptant de mettre le Mali au-dessus de tout, précisément de leurs intérêts personnels et partisans.
Ensuite, au niveau de l’armée nationale, on a noté un semblant de paix des braves. La guerre entre bérets verts et rouges est loin d’être dans les oubliettes. Elle a laissé des traces indélébiles que les Maliens doivent aider à faire disparaître. Les séquelles de cette guerre irresponsable font peser des menaces sur la paix et la quiétude au sein de la grande muette. Des voix s’élèvent de plus en plus pour exprimer des craintes, vu les passe-d’armes entre les deux corps. Des grincements de dents par rapport aux décisions prises (non respectées) par les autorités nationales pour mettre fin à cette crise, sont fréquents dans certains milieux militaires.
Il faut ajouter à ces tensions, celle qui prévaut dans la police nationale. L’indiscipline au sein de la police et d’autres corps des forces de sécurité, font de plus en plus craindre le pire aux populations maliennes et particulièrement celles de Bamako.
Tous ces ingrédients réunis sont de nature à interpeller chacun et même la communauté internationale sur la nécessité de stabiliser Bamako et le reste du pays, avant la présidentielle. Le temps presse. C’est la responsabilité des autorités nationales de sauver le Mali d’une nouvelle crise. La Commission Dialogue et Réconciliation a du pain sur la planche. Sa priorité doit être de mettre d’abord les Maliens autour d’une table. Et cela de manière urgente…
Idrissa Maïga