Le mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces patriotiques (M5-RFP) continue de mettre la pression sur le président Ibrahim Boubacar Keita et son régime. Après avoir changé de stratégie en élaborant un mémorandum, le comité stratégique du M5-RFP appelle de nouveau les Maliens à manifester ce vendredi 10 juillet 2020 pour exiger le départ d’IBK. Professeur Clément Dembélé, l’un des porte-parole du M5 répond aux questions du Journal du Mali.
Après l’échec de la rencontre avec le Président de la République, quel sera le mot d’ordre de la manifestation que vous organisez ce vendredi 10 juillet 2020 ?
Nous revenons à la case de départ qui est la démission d’Ibrahim Boubacar Keita. Mais il faut d’abord rappeler la sagesse de l’imam Mahmoud Dicko que nous avons entendu. Nous avons écouté cette sagesse avec beaucoup d’attention. Nous avons accepté, sur sa demande et son conseil, de renoncer momentanément à la démission d’IBK et de poser d’autres revendications tout, en respectant les médiations des grandes personnalités qui sont tous intervenus pour dire qu’ils comprennent notre revendication qui est légitime mais nous ont convié à enlever juste la démission du président IBK et de trouver une autre formule. Celle que nous avons trouvé c’est cela que nous avons proposé à l’imam sur sa demande et que nous lui avons remis pour qu’il le dépose auprès d’IBK. Ce n’est pas trop demander quand on sait qu’au préalable nous exigions la démission d’IBK et de l’ensemble de son régime. Maintenant qu’IBK n’a pas accédé à ces demandes, nous n’avons pas le choix. IBK ne laisse pas d’autre choix au peuple que de sortir ce vendredi pour la désobéissance civile, dire non à l’atteinte de la forme de la République parce que cette forme c’est la stabilité, la sécurité, la lutte contre la corruption, la bonne gouvernance. Nous savons très bien que ces éléments ne sont pas réunis aujourd’hui et cela nous oblige à sortir le peuple malien pour demander simplement la démission d’IBK parce qu’il n’est pas celui qui écoute le peuple malien, qui entend la voix du peuple malien. C’est ce qui explique la sortie de ce vendredi 10 juillet. Nous allons demander à IBK de rendre aux Maliens ce qui leur appartient, c’est-à-dire le pouvoir du peuple malien.
Vous appellez désormais le peuple à la désobéissance civile. Croyez-vous en une adhésion massive à cet appel sur la durée ?
La désobéissance civile sera suivie parce qu’elle sera graduelle. Elle évoluera au fur et à mesure. Nous commençons le vendredi et la chose la plus importante pour nous c’est de mener cette désobéissance civile dans un cadre pacifique, légal et républicain. Nous ne voulons pas une désobéissance civile qui s’inscrit dans la violence. La violence est contraire à l’éthique du peuple malien. Le Mali n’a pas aujourd’hui besoin de violence. Mais cette désobéissance civile, nous allons laisser le peuple l’exprimer et la mener dans la paix et dans la sérénité mais montrer au pouvoir que désormais IBK n’a plus la main sur ce peuple et sur le Mali. La désobéissance civile sera suivie parce que le peuple malien est trop fatigué. Il est trop abandonné par ce pouvoir. Ce peuple a besoin de dignité, d’honneur et de se retrouver. Il va donc exprimer sa solidarité, son enthousiasme, sa vigueur et sa détermination à se débarrasser d’un régime de corrompus, qui n’a cessé de mentir et de piétiner la dignité du peuple malien. Elle sera suivie parce que la survie même du peuple malien en dépend. Aujourd’hui pour redresser le Mali, il faut le faire avec la vérité et la franchise qui ne sont pas du tout dans le camp de ce régime.
Jusqu’où ira le mouvement ?
Le mouvement est prêt à aller jusqu’au bout. Nous nous inscrivons dans la logique du peuple malien. C’est le mouvement du peuple qui aspire aujourd’hui à une bonne gouvernance, à la redevabilité et à la transparence. Vous savez, en 1991 la promesse sur la démocratie était basée sur la bonne gouvernance, la transparence, la lutte contre la corruption. Cela n’a pas été le cas. Le peuple a été dupé, trébuché dans la boue de la déchéance, de la honte, de l’indignité et de l’indignation pendant 30 ans. Aujourd’hui ce peuple se lève comme un seul homme. Il se dresse contre tous les maux de ce pays que constituent la corruption, l’injustice, l’insécurité, la magouille, la gabegie et autres. Le peuple malien va se débarrasser de ces maux pour que l’an zéro du Mali démarre avec une nouvelle génération. Certes, certains d’entre nous ont travaillé avec le régime mais quand ils ont compris que ce régime n’avait pas la solution du Mali, ils sont partis pour revenir dans la case de la vérité et de l’honneur. Cela est à saluer. Ils ne sont pas venus pour reprendre le pouvoir et moi je suis sûr et persuadé qu’ils ne sont pas venus pour prendre la place des jeunes. Ils vont les accompagner, les protéger, leur permettre d’avoir leurs places et de diriger ce pays. C’est cet ensemble qui se lève aujourd’hui pour mettre fin au régime et permettre aux Maliens d’avancer ensemble.
L’imam Mahmoud Dicko soutient-il le retour à l’exigence de la démission d’IBK quand on sait qu’il a essentiellement œuvré pour que vous l’abandonniez ?
L’imam Mahmoud Dicko est l’autorité morale. Nous l’avons choisi pour nous accompagner, pour recadrer les choses en cas de dérapage. L’Imam Dicko est très inquiet aujourd’hui. Il est inquiet pour le M5, il est inquiet pour le Mali. Il reste toujours celui qui prône la paix et la stabilité. Il nous a toujours dit de revendiquer nos droits mais de façon pacifique, démocratique et légitime. Il y a seulement quelques jours nous l’avons rencontré et il nous a exprimé cette inquiétude, de faire tout pour ne pas répondre aux provocations, de rester Républicains, pour sauvegarder la laïcité, rester dans le principe légal et de ne pas tomber dans la violence. Aujourd’hui plus que jamais Mahmoud Dicko est solidaire au M5-RFP, à la paix et la stabilité du Mali. Il n’a jamais appelé à la violence. Cette autorité morale nous permet de gagner du terrain, de nous faire comprendre par les Maliens, et d’avoir une grande dimension. Pour cela, je tiens personnellement à le remercier, ainsi qu’au nom du M5 et du peuple malien, pour sa souplesse, sa disponibilité, la profondeur de sa sagesse. Nous restons avec Mahmoud Dicko jusqu’au bout, et ce bout c’est de donner cette libération au peuple malien dont il a vraiment droit. Nous disons qu’entre Mahmoud Dicko et le M5, c’est une famille qui va durer toute la vie parce qu’il n’a fait que prôner ce que nous voulons, c’est à dire un Mali libre, uni, intègre et souverain.