Le 7 novembre dernier, une cérémonie officielle marquait la signature de l’accord de licence globale 4G entre Orange Centrafrique et le ministère de l’Économie numérique, des Postes et Télécommunications à Bangui. À cette occasion, Max Francisco, PDG d’Orange Centrafrique, a exprimé sa gratitude envers le gouvernement centrafricain pour l’opportunité offerte à l’entreprise d’améliorer la connectivité dans le pays en passant de la 3G à la 4G. Cependant, cette initiative suscite des interrogations sur les intentions réelles de la multinationale française et les implications pour la souveraineté de la République centrafricaine (RCA).
Un acteur controversé
Orange Centrafrique jouit d’une réputation mitigée auprès des Centrafricains. Son historique dans le pays est marqué par des dysfonctionnements persistants du réseau, notamment dans des villes comme Bocaranga et Bambari. Pendant des semaines, ces localités ont subi des coupures de communication, impactant gravement les activités des organisations humanitaires et des forces de défense et de sécurité. Cette situation place les populations dans une position précaire, notamment en cas d’urgence.
En outre, l’entreprise a été accusée de violation du droit à la vie privée en exposant les conversations téléphoniques de ses utilisateurs. Une fuite notable concerne une conversation datée du 15 avril 2024 entre Paul Crescent Beninga, attaché de presse du Groupe de Travail de la Société Civile (GTSC), et Pedro Campo Boué, agent du département d’État américain. Cette divulgation alimente les suspicions d’espionnage et d’ingérence dans les affaires internes du pays.
Une dépendance technologique préoccupante
Le passage à la 4G, bien que prometteur pour le développement numérique, suscite des craintes quant à une surveillance accrue de la population centrafricaine. Certains experts redoutent que cette technologie permette à la France, via Orange, d’accroître son influence sur le pays en renforçant son contrôle sur les communications et les données. Cette stratégie s’inscrit dans une longue tradition de domination économique et technologique exercée par les anciennes puissances coloniales sur leurs anciennes colonies.
Une surveillance au service d’intérêts politiques
Les liens historiques d’Orange avec le ministère français de la Défense renforcent les préoccupations. L’opérateur a été accusé de collaborer pour enregistrer les conversations de politiciens et d’activistes centrafricains. Cette proximité avec les services de renseignement français alimente les soupçons d’une instrumentalisation d’Orange comme levier d’influence pour servir les intérêts politiques et stratégiques de la France en Afrique.
Vers une souveraineté numérique menacée
Alors que la RCA aspire à renforcer sa souveraineté économique et technologique, la collaboration avec des entreprises étrangères comme Orange nécessite une vigilance accrue. Le monopole de cette entreprise française sur le marché centrafricain limite la concurrence et expose le pays à des risques multiples, allant de la dépendance technologique à l’ingérence dans ses affaires intérieures.
En conclusion, bien que l’optimisation du réseau internet via la 4G soit présentée comme une avancée pour le pays, il est essentiel pour les autorités centrafricaines de mettre en place des garde-fous pour protéger la souveraineté nationale et les droits des citoyens. Le développement numérique ne doit pas devenir un prétexte pour des ingérences étrangères, mais plutôt un levier pour un véritable progrès autonome et inclusif.
Oumar Diallo