Après une descente inopinée sur le site, il évoque une occupation sauvage et dangereuse par les constructions qui s’implantent. Les occupants nient toute entorse à la loi et s’organisent
Le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières continue sa croisade contre les occupations illicites des terres dans le district de Bamako. Me Mohamed Aly Bathily a ainsi effectué mardi une descente inopinée sur le site de la zone aéroportuaire pour en jauger la situation.
Ce site situé entre l’aéroport et le quartier de Sirakoro connaît, selon le ministre Bathily, une occupation sauvage et dangereuse par des constructions qui sont en train de se développer et cela, malgré la présence de bornes indiquant les limites territoriales de l’aéroport. C’est sur la base de constats établis par les services techniques des départements de l’Équipement et des Transport, de l’Administration territoriale et des Aéroports du Mali que le ministre a décidé cette visite.
Sur place, après avoir eu confirmation des irrégularités, Mohamed Aly Bathily a déploré que l’aéroport se trouve aujourd’hui dépouillé de l’ensemble d’un patrimoine foncier dont l’usage lui est indispensable. Cet espace borné et laissé volontairement vide est, en effet, une zone de sécurité destinée à minimiser les conséquences d’un accident d’avion car on sait que les moments délicats pour un appareil se situent à l’atterrissage ou au décollage.
Au delà l’illégalité de l’acte d’occupation, le ministre Bathily a donc souligné la nécessité pour nos concitoyens, aveuglés par le profit, de comprendre la dangerosité de cette zone.
Tout en insistant sur le respect de l’application de la loi, Mohamed Aly Bathily a prévenu que le bien public ne saurait faire l’objet d’occupation privée. Le ministre s’est logiquement insurgé contre le comportement de gendarmes qui ont, selon les renseignements recueillis sur place, aidé certains squatteurs à s’implanter. Il a promis l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur ces complicités.
Problème : qui sont les occupants et comment se sont ils installés ? Notre équipe de reportage a sillonné la zone pour rencontrer ses habitants. Faisant l’historique de la zone, le chef de village de Sirakoro Méguétana explique que la zone fut habitée depuis les 19è siècle et servait de champs de cultures pour les habitants. Tous ceux qui sont sur ce site aujourd’hui sont, assure-t-il, soit des héritiers d’anciens cultivateurs, soit des gens qui ont achetés les terres à ces cultivateurs, soit des géomètres qui ont aidé à faire l’étude et le morcèlement et qui ont été rétribués avec des parcelles. Tout a été fait, selon lui, de façon transparente sous l’égide de la mairie du district.
Certains occupants rencontrés sur place nient le fait d’occupation illicite, mais aussi et surtout démentent que cette zone fasse partie de la zone aéroportuaire. Leur raisonnement est simple : impossible que ce secteur figure dans la zone aéroportuaire dans la mesure où la présence de ses habitants est antérieure à celle de l’aéroport. Le chef de village de Sirakoro se rappelle même que c’est avec une dizaine de colas qu’il a cédé aux autorités le site appelé à abriter l’aéroport, à la condition que l’aéroport porte le nom de son village, Sirakoro, et que les jeunes de cette localité puissent bénéficier des emplois qui seront générés par la plate-forme. Hormis le fait que ces deux conditions n’ont pas été satisfaites, le chef de village dit ne pas comprendre que de 5 000 hectares à l’époque, on parle aujourd’hui de 8 000 hectares.
OUVRIR UN DIALOGUE. Un autre occupant des lieux évoque une conspiration visant à les déposséder de leurs terres afin de les attribuer à une grande société immobilière de la place. « Ils étaient venus une première fois nous voir vers les années 2012 en disant que le site sera mis à la disposition d’un pays ami pour en faire une zone potagère et que le pays en question est sur le point de verser des compensation. Nous n’avons rien vu depuis. Et cette fois ci, ils reviennent avec cette idée de zone aéroportuaire », indique-t-il. A son avis, l’idée inavouée des autorités est d’attribuer cette zone à l’ACI.
Malgré la colère sous-jacente, ces occupants tentent de se montrer coopératifs en assurant être prêts à participer à une procédure de régularisation, si toutefois l’Etat reconnaît la légalité de leurs titres et accepte de préserver les réalisations faites sur leurs terrains respectifs. Pour eux, le ministre ignore tout des réalités de cette zone. Ils l’invitent donc à approfondir son enquête pour connaître tous les tenants et aboutissants de l’affaire.
Sory Ibrahima Dabo est le propriétaire de deux parcelles contigües dans la zone. Il nous explique qu’il a acheté ces parcelles à la famille Thiéro qui disposait d’un champ de culture de 6 ha, cédé par le chef de village de Sirakoro Méguetana. Après plusieurs années d’exploitation, cette famille est entrée en conflit avec la chefferie de Sirakoro qui estimait lui avoir prêté et non vendu l’espace en question. Saisi, le tribunal de la Commune VI donnera raison à la famille Thiéro qui procèdera alors au morcellement et à la vente de plusieurs lots dont ceux de Sory Ibrahima Dabo. A côté de lui, il désigne d’autres terrains qui possèdent même des titres fonciers. Comment, interroge-t-il, un secteur dédié à la zone aéroportuaire peut-il faire l’objet de titres fonciers ?
Craignant une démolition après le passage et les déclarations du ministre, les occupants du secteur se sont d’ores et déjà regroupés autour du chef de village pour se constituer en comité et ouvrir un dialogue avec Mohamed Aly Bathily sur la question.
Du coté du département des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, le chargé de communication précise qu’aucune décision n’a encore été prise. Une commission interministérielle a été créée pour la circonstance et doit fournir un rapport sur la question dans un bref délai, indique-t-il. Affaire à suivre donc.
L. ALMOULOUD
Source : Essor