Ce sont désormais les rythmes des tambours, des balafons et des orchestres modernes qui célèbrent cet acte sacré à Bamako, le plus souvent, au grand désappointement des hommes
Le mariage se définit comme l’union sacrée entre l’homme et la femme. Dans notre pays qui est à majorité musulmane, nombre de couples musulmans se marient devant l’officier d’état civil et devant le ministre du culte. Les deux mariages ne sont pas souvent célébrés le même jour. Certains couples choisissent de célébrer le mariage religieux avant le mariage civil et vice versa. Le mariage religieux est célébré d’une manière très simple à la mosquée devant Dieu et les hommes. Il est célébré dans la modestie et dans la joie. Depuis un certain temps, la célébration du mariage religieux est en train de prendre une autre tournure. Elle est devenue l’occasion de dépenses grandioses dans certaines familles. Il est célébré en grande pompe aujourd’hui. Ce sont désormais les rythmes des tambours, des balafons et des orchestres modernes qui célèbrent le mariage religieux à Bamako, le plus souvent, au grand désappointement des hommes mis devant le fait accompli.
Pour avoir plus de détails sur cette pratique qui complique davantage les mariages, notre équipe de reportage a recueilli les témoignages de plusieurs femmes et des religieux.
L’idée de fêter en grande pompe le mariage religieux ne plait guère au professeur d’anglais Nabintou. Elle a assisté au mariage religieux d’une de ses cousines au quartier Djelibougou. Après la célébration et les bénédictions à la mosquée ce jour là, les parents du mari se sont rendus dans la famille de la mariée pour les salutations d’usage. A peine se sont-ils retirés, les femmes ont commencé leurs réjouissances. C’est un orchestre « Sumu » qui a égayé et fait danser la cohorte de femmes invitées. Les élégantes se sont prêtées à une véritable concurrence de distribution d’argent à la volée, semblable à celle qui accompagne d’habitude le mariage civil.
Le phénomène d’illuminer le mariage religieux, de marquer aussi d’une pierre blanche « ce jour de chance », prend de l’ampleur à Bamako. L’intellectuelle Nabintou donne l’alerte : si les parents ne réagissent pas dès maintenant, dans peu de temps il sera difficile pour les hommes de s’engager dans un mariage, compte tenu de l’énormité des dépenses à supporter pour fêter dignement deux cérémonies dispendieuses », a-t-elle expliqué.
la priorité à L’acte religieux. En ce temps de vaches maigres, la plupart des hommes n’ont plus le moyen de célébrer à hauteur de souhait le mariage à la mairie. Ils accordent la priorité au mariage religieux qui autorise les conjoints à vivre ensemble sous le même toit. « Si nous compliquons le mariage religieux, nous ferons peur aux futurs maris », estime Penda. Cette dame ajoute que ce sont les femmes qui compliquent les choses. Le mariage religieux doit être célébré dans la plus grande simplicité. Elle a témoigné qu’elle a participé à une soirée balani show lors du mariage religieux d’une nièce à Lafiabougou. La cérémonie s’est déroulée un jeudi et les tantes étaient conviées le samedi suivant pour une soirée de « Balani show ». Elle s’est opposée à cette fête inutile, mais les autres tantes ont trouvé qu’elle était dépassée. La sage Penda a été mise en minorité. L’air du temps, ont soutenu la majorité. C’est désormais la fête spéciale pour auréoler le mariage religieux. Les petites soeurs de Penda l’ont priée, avec insistance, de venir se tremper dans le bain pour sentir et saisir les nuances du changement en cours. Les comportements ostentatoires des « fausses riches » ne sont pas recommandés par la religion musulmane qui conseille la modestie, a conclu Penda.
La belle Awa est une nouvelle mariée de quelques semaines. Lors de son mariage religieux, elle a organisé une soirée « Balani show ». Cette dame a toujours opté pour un mariage simple, « sans trop de protocole ». Mais l’idée d’organiser une soirée dansante spéciale est venue de ses tantes pour immortaliser l’évènement. Le mariage a été célébré un jeudi et le samedi suivant les parents et les alliés ont bien dansé, mangé, assisté ou participé à toutes sortes de largesses . Toutes les invitées ignoraient que cette belle fête a failli ne jamais avoir lieu. La mariée Awa nous a confié que les tantes l’avaient chargée de demander à son mari de financer l’organisation de la soirée spéciale de « balani show ».
La surprenante doléance n’a pas été du goût du nouveau marié. Il a piqué une grosse colère et voulait annuler le mariage religieux. L’épouse évita ce scandale en couvrant son mari. La compréhensive Awa qui est employée dans une entreprise, a pris en charge toutes les dépenses. Mais elle avait connu la peur de sa vie.
La soirée spéciale de « balafni show » n’est pas une potion magique qui procure toutes les nuances du bonheur à la jeune mariée. L’épouse modèle Awa en a conscience. Elle invite les Maliennes à alléger les dépenses des noces pour que leurs filles puissent se marier tôt. « Il y a beaucoup d’hommes qui veulent se marier de nos jours. Mais rien que de penser aux dépenses qui accompagnent les mariages, ils ont peur de s’engager. Le mariage religieux ne doit pas guère être l’occasion de pousser le jeune couple à des dépenses colossales. Dieu est contre l’exagération », a conclu Awa .
La vieille Nènè a rappelé que la tradition dans les familles nanties, les familles griottes est de célébrer un mariage religieux fastueux. Elle a invité les familles modestes à ne pas reproduire cette pratique qui précipite beaucoup de couples dans la précarité. D’après cette dame, le mariage béni est celui qui a occasionné moins de dépenses et qui a été célébré dans la modestie.
L’imam Diarra a souligné que faire la fête après le mariage religieux n’est pas interdit en Islam. Car le mariage est un bonheur, une manifestation de joie. Cependant il a dévoilé la manière de procéder à cette réjouissance. Les femmes doivent être à part. La cérémonie doit être animée uniquement par les femmes. Elles doivent prendre des précautions pour ne pas déranger les voisins en demandant leur accord à l’avance. Mais l’imam a constaté que c’est tout le contraire que les femmes font. « Non seulement, elles dérangent tout le voisinage mais également elles imposent des dépenses colossales à l’homme. Cela n’est pas du tout recommandé par la religion ».
L’érudit a insisté sur le caractère sacré de la dot. Le montant est connu d’avance et acquitté avant l’étape des prières et des bénédictions à la mosquée.
Ne faut-il pas éviter une avalanche de dérives dans les familles musulmanes ? Ne doit-on pas exiger désormais dans les mosquées que l’acte de mariage soit immédiatement signé par l’imam et remis au nouveau mari ou à son représentant après que l’union du couple ait reçu l’onction de l’islam ? Notre proposition se fonde sur la promulgation du nouveau code de mariage. Mais avant la promulgation des décrets d’application, plusieurs couples par complaisance ou non auraient reçu de l’imam qui a célébré le mariage religieux
« l’acte d’Etat civil » officialisant l’union sacrée.
A. D. SISSOKO
Source : L’ Essor