Bamako, 14 août (AMAP) « La fête de Tabaski ? Patissakana ! » (Partie sanglante). Puis Djakaridia Guindo se laisse choir dans une chaise. Près de lui, deux autres marchands : Doursi Barry de Siaramou (Cercle de Djiré) qui a écoulé 40 moutons sur 43, et Binké qui a écoulé 5 sur 11. Il est 10 heures au marché à bétail de Lafiabougou Kôda, en Commune IV du district de Bamako, mercredi.
Si la fête est derrière nous, le marché en garde encore les traces, mais aussi et surtout les amertumes : Des peaux de moutons jonchant les sols, des feuilles fourragères abandonnées au bord de la route ou encore des moutons invendus mangeant tranquillement dans des bacs, sous l’œil attentif de marchands angoissés. Après la fête, les mécomptes ? Certainement, pour certains marchands d’autant plus que l’équation des moutons invendus se pose.
« Il y a des gens qui vont perdre leur travail à cause des invendus, car il faut nourrir ces animaux, les soigner, alors que le prix de l’aliment bétail et les soins sont très chers, c’est ça le problème », explique Bara Diallo, président de la Coopérative des revendeurs de bétail de moutons du marché de Lafiabougou Kôda. « Il faut que l’Etat comprenne que le prix de l’aliment bétail, du transport, se répercutent directement sur le prix de vente du mouton. Tant qu’ils n’ont pas résolu cette équation, on revivra les mêmes difficultés », ajoute son secrétaire général Daouda Traoré. « Nous avons demandé la subvention de l’aliment bétail, ça ne se réalise toujours pas, nous avons l’impression de ne pas être entendus », ajoute M. Traoré.
Les invendus pour certains marchands sont les conséquences directes de la gourmandise de certains revendeurs de moutons. Djakaridia Guindo partage cet avis. « J’ai un frère qui a refusé de vendre un bélier à 200.000 fcfa, mais au lendemain de la fête, il a du le bazarder à un taximan à 125.000, car il ne pouvait le nourrir, l’entretenir et payer le transport retour au village », a-t-il expliqué. « A cause de l’insécurité et de ses conséquences sur les prix, développe-t-il, peu de personnes s’attendait à une telle profusion de mouton sur le marché, du coup beaucoup de marchands ont été pris au piège », a déploré Djakaridia. Il doit son salut à la sagesse de son frère. « Il m’a expliqué que mes moutons n’avaient pas la grande forme qu’il fallait attendre la fête de l’année prochaine pour les envoyer sur le marché bamakois. Je n’ai pas insisté, je les ai laissés au village et me suis concentré sur le business des peaux de moutons », a-t-il dit, certain d’avoir échappé à la catastrophe, en suivant le conseil de son frère.
Djakaridia s’est donc rabattu sur les sous produits d’abattage comme la peau, grâce à laquelle il fait une bonne affaire. « Je les achète à 200 Fcfa et les revend à l’usine à 400, pour l’instant j’ai pu revendre 600 peaux alors que l’année dernière, à pareil moment, j’étais à 1200. Cela prouve qu’il y a eu moins de moutons abattus cette année », a-t-il commenté.
Pour Brouama Keïta, le secret de la vente réside dans la sagesse. « De nombreux marchands croyaient fermement à une insuffisance de mouton et ont donc entretenu des prix démesurés. Ils se sont retrouvés avec des moutons invendus en grand nombre ». « Moi, je n’espérais pas faire un de grand bénéfice. Si j’ai 5000 Fcfa de bénefice, je prends. C’est ainsi que j’ai pu écouler plus de 90 têtes à moi seul », se réjouit Brouama Kéita de Dramanebougou (Sébénicoro).
Au marché à bétail de Hamdallaye ACI, près du cimetière, un groupe de marchands mauritaniens se plaignent aussi de la mévente. « Nous avons mis plus de 500.000 Fcfa dans le transport du bétail dont seulement la moitié a été achetée », se désole Hama, la tete enturbannée. Il va devoir rentrer au pays pour revenir dans deux mois avec l’espoir que son compatriote aura vendu ses animaux qui lui rrstent sur les bras.
KD/MD (AMAP)