La guérilla politique que mènent les clans les plus radicaux de l’opposition au président IBK, à coup de marches hebdomadaires, pourrait occasionner une fuite en avant aux conséquences imprévisibles
Depuis la proclamation des résultats définitifs du second tour de l’élection présidentielle par la cour constitutionnelle du Mali, le perdant s’entête à les rejeter et menace même de se faire investir, lui aussi, président par ses partisans. La partie semble, d’avance, perdue pour lui, du fait de la reconnaissance quasi unanime de la victoire du président sortant par la plupart des gouvernements africains et étrangers, de l’Union Africaine et des Nations Unies.
Au plan intérieur, les grands ténors parmi les candidats ayant pris part à l’élection, ont eux aussi félicité le vainqueur et entériné sa victoire. Les déclarations de fraudes et de bourrage massif d’urnes faites par le camp adverse pour justifier sa défaite, n’ont pas convaincu grand monde, faute de preuves, même s’il est avéré que les achats de bulletin de votes et autres tricheries sont monnaie courante au sein de la classe politique malienne, toutes tendances confondues. Le gouvernement, dans la foulée, a annoncé les élections législatives pour le 28 octobre prochain.
De l’obstination à l’entètement
Dans ces conditions, quelle pourrait être la conséquence de l’entêtement de Soumaïla Cissé face à ce constat accablant ?
La tactique adoptée par la frange la plus déterminée de ses partisans ressemble fort à la stratégie du coup d’Etat rampant. Au départ, s’ils avaient prôné une insurrection populaire, ils ont dû revoir leur méthode devant le tollé soulevé par leur déclaration guerrière. La stratégie de la marche hebdomadaire a finalement été adoptée. Si dans sa phase ascendante, elle fédère tous les mécontents de la gestion du pouvoir IBK pendant les cinq dernières années, il serait illusoire de croire que tous sont partisans de Soumaïla Cissé. Bien des manifestants sont, avant tout, anti IBk et se mobilisent pour s’opposer au projet qui lui est prêté de passer le témoin à son fils Karim au terme de son mandat.
La marche des partisans du régime le dimanche 2 septembre dernier, semble dessiner une stratégie de réplique au niveau du pouvoir. Mais le fait que le devant de la scène ait été occupé par le fils du président et un de ses beaux-frères, est largement contreproductif dans le contexte politique actuel.
Pour l’instant, ni le parti présidentiel, ni les organisations politiques alliées ne se sont pas engagés. Cela semble indiquer une perte temporaire d’initiatives de la part du pouvoir ou du moins une hésitation dans la marche à suivre. L’interdiction de l’avant-dernière marche, puis son autorisation traduit également un certain cafouillage. Certains, au sein du pouvoir, sont partisans de la manière forte pour briser dans l’œuf, la contestation en cours. En témoigne l’arrestation avec force gesticulation de deux membres du parti du challenger. D’autres craignent, en réprimant, de faire le jeu des opposants avec le risque de dérapage en cas d’affrontement entre forces de sécurité et manifestants. Des consignes avaient d’ailleurs été données aux forces de l’ordre en ce qui concerne le port de gilets pare-balles. Le pouvoir avait déjà dénoncé le recrutement de mercenaires infiltrés parmi les manifestants, capables de tirer sur la foule et d’en faire porter le chapeau aux forces de sécurité.
Apparemment, le pouvoir semble compter sur la lassitude et le découragement progressif des manifestants tandis que l’opposition table sur le pourrissement de la situation, en créant ainsi un frein à l’exercice effectif du pouvoir voire en provoquant à terme le blocage des institutions. La scène n’est pas sans rappeler la fable du tueur de serpent armé d’un bâton pour ce faire, mais qui a en même temps peur de s’en approcher trop près, par crainte de recevoir une piqure mortelle. Le serpent, quant à lui, a aussi peur de prendre un coup de bâton fatal.
Comment de temps durera ce duel ?
Les perturbations de la cérémonie d’investiture qui faisaient l’objet de supputations de la part de certains, n’ont finalement pas eu lieu. Le déploiement sécuritaire préventif semble avoir été dissuasif.
Selon des rumeurs incessantes, des tractations en coulisse seraient en cours. A quelles fins, les supputations sont nombreuses. Certains parlent de gouvernement d’union nationale dans lequel rentrerait tout le monde. Dans cette hypothèse, la menace des marches serait-elle une technique pour faire monter les enchères ? On verra plus clair au cours des prochains jours, le premier ministre sortant ayant été aussitôt reconduit par le président entrant.
D’autres sources parlent déjà de demande de report de la date des législatives, la dynamique actuelle ne semblant pas beaucoup favorable à l’opposition qui craint de perdre le poste juteux de chef de file de l’opposition.
Par ailleurs, certains caciques de l’URD semblent avoir peur de laisser des plumes dans les affrontements en cours. Beaucoup tiennent à préserver leur poste d’élu. Si les tensions persistent, certains risquent de lâcher prise car beaucoup d’alliances se tissent lors des législatives entre majorité et opposition en vue de gagner les élections. Telle est aussi la pratique habituelle de la classe politique.
Des recompositions semblent être aussi en cours pour affaiblir l’URD au sein même de l’opposition. Des clins d’œil semblent se faire en direction du parti au pouvoir. Dans ces conditions, tout semble possible, à condition que le pouvoir en place ne soit pas trop gourmand et lâche du lest. L’euphorie de la victoire va-t-elle se dissiper et laisser de la place à la tactique politicienne ?
Alpha Oumar Konaré était un as en la matière. Avec le premier ministre Souméilou Boubèye Maïga, passé par cette école, il est clair que les schémas traditionnels risquent d’être bouleversés
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