En dépit de la menace réelle d’une propagation de la pandémie du Coronavirus au Mali, dont les élections pourraient être l’un des plus sûrs vecteurs, le gouvernement a décidé de maintenir le cap du 29 mars prochain pour tenir coûte que coûte le scrutin législatif.
Au risque d’exposer la population malienne à un péril, contre lequel le gouvernement, lui-même, reconnaît ne pas disposer de moyens pour le circonscrire. Une décision que l’on dit en déphasage total avec IBK, plutôt favorable à un report, indique-t-on dans l’entourage du chef de l’État.
«Les scrutins se tiendront à bonne date, qu’il y ait un cas ou pas de coronavirus au Mali», avait clairement indiqué le Premier ministre Boubou Cissé, le jeudi 19 mars dernier, lors d’une conférence de presse, en compagnie des ministres de la Santé et des Affaires sociales, des Transports ainsi que de la Communication, porte-parole du gouvernement.
Il s’agissait, à cette occasion, de faire part des mesures issues du Conseil de défense extraordinaire tenu, le mardi 17 mars précédent, dans le cadre de la prévention de la pandémie mondiale. Pour justifier cette décision, le Premier ministre Cissé avance des dispositions relatives à la formation et à l’encadrement, qui seront mises en place en faveur du personnel électoral, tout en revenant sur les mesures et conseils prodigués par le Conseil de défense extraordinaire.
À cet effet, des mesures préconisées devraient être respectées par les électeurs, comme la systématisation d’écarts entre votants le jour du scrutin ainsi que, peu ou prou, les protections dont les agents électoraux pourraient bénéficier.
Ainsi, pour Boubou Cissé, l’annonce concerne des distances entre électeurs, le recrutement de groupes de jeunes pour appuyer la mise en œuvre des mesures préventives sur différents lieux de grande affluence, comme les marchés, les gares routières et donc, comme on le voit, dans les centres et bureaux de vote.
Pour le Premier ministre, «la vie doit continuer, mais nous appelons à l’esprit de citoyenneté des Maliens, au respect des consignes officielles, car tout contrevenant aux mesures prises peut compromettre la vie de personnes».
Mais déjà, selon certains observateurs, la décision du Premier ministre paraît en contradiction avec les mesures édictées, notamment celles relatives à «l’interdiction jusqu’à nouvel ordre, des regroupements à caractère social, sportif, culturel et politique de plus de cinquante (50) personnes». Mieux, cette décision de tenir les élections «qu’il y ait un cas ou pas de coronavirus» jure avec le souci d’anticipation de tout vecteur de propagation exponentielle de la pandémie.
Surtout que le Mali, dans la situation actuelle et plus que tout autre pays, paraît relativement démuni pour contenir cette pandémie qui échappe à tout contrôle dans les pays les mieux nantis et les mieux équipés. D’ailleurs, au cours de la même rencontre avec la presse, le ministre de la Santé, Michel Hamala Sidibé, avait avoué que «notre système de santé n’est pas prêt pour prendre en charge les malades».
Par ailleurs, il est vrai qu’à son avènement, le chef du gouvernement, Boubou Cissé, avait souscrit à plusieurs engagements dont la tenue du scrutin à cette date. Cette promesse avait été la contrepartie pour proroger, encore une fois, et en violation de la Constitution, le mandat des députés en avançant des mesures sécuritaires pour justifier les 7 ans d’une législature pourtant de cinq ans.
Si l’engagement de la restauration sécuritaire demeure toujours un vœu pieux, l’échéance d’un an impartie à l’équipe exécutive issue de l’accord de gouvernance est inéluctable. Ce qui explique que le renouvellement d’une législature, dont tout le monde est fatigué, offrira l’opportunité de se débarrasser d’un gouvernement plutôt poussif.
IBK en contradiction avec son Premier ministre ?
Toutefois, apprend-on, le président de la République ne serait pas sur la même longueur d’onde que son chef du gouvernement. Et pour cause, IBK pencherait pour une démarche de prudence, face aux enjeux d’insécurité sanitaire généralisée, sous-jacente à un maintien du scrutin.
Est-ce à croire que les législatives sont remises en cause ? Rien n’est moins sûr. Connaissant le président de la République, on serait plutôt en face d’une anticipation, car IBK aime prendre date en se défaussant de ses responsabilités réelles sur les sous-fifres qui exécutent ses désirs.
Rien n’empêche en effet IBK d’imposer un report salutaire et le souci d’un prétendu respect de la Constitution n’a jamais empêché celui-ci de dormir outre-mesure. Le parcours présidentiel illustre à souhait le peu de cas fait des dispositions de la loi fondamentale au profit d’intérêts nettement plus prosaïques.
D’ailleurs, comme l’ont souligné nombre d’observateurs, les 5 mesures du dernier conseil de défense fourmillent de principes constitutionnels piétinés allègrement et en toute incohérence.
Correspondance particulière
Source : Nouvelle Libération