L’opposition, dans la foulée des mesures de protestation qu’elle a décrétées à l’encontre du gouvernement, se propose de projeter une marche pour le 23 avril prochain. Seulement voilà : l’état d’urgence de 10 jours, initialement décrété par le gouvernement, et qui s’expire ce 14 avril, vient d’être prorogé par une loi, adoptée en conseil de ministres. Si tel qu’elle le dit, son but est « d’exiger la paix, la quiétude dans notre Mali uni et prospère », l’opposition n’est-elle pas en porte-à-faux avec le contexte sécuritaire du pays ?
L’opposition a amorcé la vitesse de croisière, en annonçant publiquement qu’elle est dans la logique de projeter une marche de protestation contre les « dérives du régime ». La marche, elle, première du genre, depuis l’arrivée du président IBK au pouvoir, est prévue, selon ses organisateurs, pour le samedi 23 avril prochain, dans la ville de Bamako. Si ni le lieu de regroupement, ni l’itinéraire de la marche ne sont, pour l’instant, pas connus, cela n’enlève rien à la détermination des membres de l’opposition de battre le pavé, en tout cas, si on en croit aux propos de certains de ses représentants, lesquels estiment que la grande mobilisation autour de la marche est le seul moyen de faire bouger les lignes.
Seulement voilà, le contexte sécuritaire, qui tente si bien l’opposition dans sa volonté de projeter un tel mouvement de protestation, est aujourd’hui lourdement contraignant, pour elle, en raison de la prorogation de l’état d’urgence que vient de décider le gouvernement, lors du dernier conseil de ministres, présidé par le Premier ministre. En effet, sur le rapport du ministre de l’Administration territoriale, le conseil de ministres a adopté, ce mercredi 13 avril, un projet de texte autorisant la prorogation de l’état d’urgence. Si l’état d’urgence de 10 jours, initialement décrété dans le pays, devait s’expirer ce 14 avril, à minuit, il vient d’être prorogé, par la loi, par le gouvernement, pour une durée de trois mois, et devant s’expirer le mois de juillet prochain.
Ainsi que l’on s’aperçoit plus nettement, la marche de l’opposition, telle qu’elle a été conçue, se déroulera bel et bien en plein état d’urgence. Si apparemment, l’état d’urgence n’empêche pas illico presto tout mouvement bruyant de la rue, il est quand même évident que les conditions d’organisation d’une telle marche de protestation, compte tenu du contexte sécuritaire préoccupant du pays, deviennent dès lors difficiles et complexes. La prorogation de l’état d’urgence, comme l’annonce le communiqué du conseil de ministres qui l’adopte, vise à garantir la sécurité des populations dans ce contexte de lutte contre le terrorisme qui mobilise à la fois l’État du Mali et toute la communauté internationale.
Si l’on voit que l’opposition elle-même, en projetant sa marche, affirme qu’elle vise à exiger la paix, la quiétude dans notre pays », l’on remarque plus nettement que la prorogation de l’état d’urgence, amenant, pour les autorités concernées, des pouvoirs exceptionnels en matière de prévision et de lutte contre toutes sortes menaces sur la sécurité publique, est un coup d’arrêt à cette nouvelle manifestation de l’opposition qui, du coût, est fortement menacée d’abandon avant même qu’elle ne soit déclenchée. Certes, la paix et la quiétude des populations ne sont pas les seuls motifs évoqués par l’opposition pour organiser cette manifestation de rue (elle pointe sur les nombreuses dérives de gouvernance du régime), mais il est suicidaire, pour elle, de vouloir à la fois, pour les raisons de paix qu’elle évoque, à l’appui de sa démarche politique, organiser un tel mouvement de rue, qu’elle veut comme une démonstration de force politique vis-à-vis de la majorité présidentielle, dont le contexte d’organisation coïncide avec l’état d’urgence. Une mesure fortement édictée par le contexte sécuritaire préoccupant du pays, marqué par des alertes fermes contre les risques d’attentats planifiés dans la ville de Bamako.
La mesure gouvernementale de proroger l’état d’urgence a nettement plus un sens réel, et se justifie donc logiquement, dès lors que les services de l’ambassade américaine à Bamako, rien que la semaine dernière, ont demandé aux ressortissants américains de ne pas fréquenter les lieux publics, en raison des risques avérés d’attentats dans la ville. Venant de la très respectueuse ambassade des États-Unis au Mali, qui ne badine pas d’ordinaire avec les consignes de sécurité, il est bien évident que la mesure du gouvernement, comme il l’a fait, en prorogeant l’état d’urgence pour plusieurs mois, se justifie amplement. Du coup, elle enlève au choix de l’opposition de battre le pavé, dans un tel contexte sécuritaire préoccupant, pour le pays, toute crédibilité.
On le voit, si elle s’obstine à tenir sa marche de protestation, comme elle l’a projeté, en faisant fi des conjonctures du moment, liées à la menace des attentats, réelle, actuelle et présente, dans le pays, notamment à Bamako, comme le prévoient les services consulaires et diplomatiques de plusieurs pays, l’opposition prendra le risque de mettre à dos une franche importante de l’opinion publique malienne qui pourra lui reprocher son manque d’intérêt réel vis-à-vis de la cause nationale qu’elle semble piétiner, sous ses pieds, au gré de ses calculs politiciens mesquins.
Sékouba Samaké
Source: info-matin