Le gouvernement sort ses griffes depuis l’Arrêté du gouverneur du district de Bamako interdisant les manifestations, réunions publiques, sit-in sur certains espaces et itinéraires. L’opposition politique et certaines associations se radicalisent. La marche pacifique du 8 décembre a été réprimée par les forces de sécurité. Faute d’autorisation, le Collectif de Défense de la République et 51 organisations de défense des droits et associations de victimes ont à leur tour renoncé à leur marche contre le projet de loi d’entente nationale.
L’administration fait face à une opposition dont les principaux leaders souffrent d’un déficit de crédibilité au sein de l’opinion. Les cadres au pouvoir et certains ténors de l’opposition se connaissent et ont beaucoup de choses en commun. Ils jouent à se faire peur en lieu et en place d’un dialogue indispensable.
L’option de fermeté dans laquelle le gouvernement semble s’enfermer pourrait bien montrer ses limites, de même que la radicalisation de l’opposition politique. La situation du pays est telle que le gouvernement ne dispose pas de tous les leviers du pouvoir pour faire ce qu’il veut sans l’aval de ses partenaires techniques et financiers. Le ballet diplomatique au siège du cabinet du chef de file de l’opposition ces derniers jours illustre l’attachement de la communauté internationale à préserver une certaine stabilité institutionnelle à Bamako.
Il faudrait veiller à ce que le bras de fer avec les organisations de défense des droits de l’homme n’aboutisse à la suspension de certaines aides extérieures, lesquelles sont précieuses dans un contexte marqué par un déficit budgétaire de près 400 milliards. L’occident, faut-il le souligner, est très soucieux des questions des droits de l’homme et du respect des libertés fondamentales.
Le gouvernement ne peut pas trop s’aventurer sur la piste des décisions impopulaires et contestables à l’image de cet arrêté du gouverneur du district de Bamako. Le Premier ministre gagnerait à ne pas trop tirer sur la corde. Les mesures restrictives des libertés fondamentales pourraient favoriser une convergence des différentes forces politiques et sociales.
La gouvernance actuelle devrait se mettre à l’abri d’un mouvement social spontané. Déjà, les signes sont là. La non-satisfaction des demandes sociales se traduit par des grèves dans une indifférence totale des pouvoirs publics. La politique de l’autruche peut difficilement fonctionner à l’état actuel des choses.
Le gouvernement devrait également veiller à ce que la Conférence sociale, prévue vers le 15 janvier 2019 et censée être une panacée aux maux des corporations professionnelles, ne se solde par un échec cuisant. L’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM), la plus grande pourvoyeuse de fonctionnaires de l’administration publique, a annoncé dans un communiqué sa non participation à ces assises sociales. La centrale syndicale compte effectuer une descente à la base avant de déclencher les hostilités à travers un préavis de grève. Le Collectif des Syndicats des Enseignants renforcé par l’adhésion du Syndicat national de l’éducation et de la Culture (SNEC) est en embuscade et appelle ses militants à boycotter les évaluations du 1er trimestre et à prendre en otage les notes.
Chaka Doumbia
Source: Le Challenger