L’apparition des Smartphones et autres tablettes tactiles a complètement bouleversé l’industrie de la photographie. Cette évolution du numérique a poussé beaucoup de studios photos à mettre les clés sous le paillasson par manque de clientèle.
Sourire du coin des lèvres, Aminata Traoré est assise sur une natte au milieu de ses enfants et neveux. L’air pensif, elle tient un album photo délabré devant la porte de sa chambre à Missira, un quartier populaire de Bamako. La jeune maman, la trentaine, est célibataire. Le père de ses enfants vit aux Etats-Unis. Dans son album, elle revisite son enfance qui remonte aux années 1990.
Mais son enthousiasme de revivre ces souvenirs va prendre un coup. « J’avais cinq ans sur cette photo avec mon feu père, décédé alors que j’avais à peine dix ans. J’ai des souvenirs évasifs de lui », raconte-t-elle, larmes aux yeux. Après quelques secondes de silence, elle reprend son histoire, tenant toujours son album dont la qualité des photos s’est abîmée au fil des années à cause de sa mauvaise conservation.
A l’opposé de son enfance, celle de ses deux garçons, Amadou et Tidiane, est marquée par l’apparition des Smartphones qui a bouleversé la mentalité de la population quant à la consommation de l’industrie de la photographie. Disposant d’au moins de deux Smartphones de deux célèbres marques, Aminata Traoré n’a jamais fait recours à un photographe pour prendre des images de ses enfants. Ses appareils lui servent en même temps de moyen de communication que d’appareil photos. « J’ai dédié un téléphone uniquement à mes enfants dans lequel des centaines de photos y sont sauvegardées », explique-t-elle d’un ton rassurant, avant d’affirmer que seulement une vingtaine d’entre elles sont tirées et affichées dans son salon. Ce procédé lui permet de faire des échelles d’économie, ajoute-t-elle.
A l’image de la jeune Aminata, cette pratique est devenue un phénomène presque général. Les studios sont ainsi, de moins en moins, sollicités.
Seul dans son studio situé à Bamako-coura, un quartier populaire de la capitale malienne, Daouda Coulibaly pense que l’évolution de la technologie fait partie des causes de cette situation.
« Maintenant, tout se fait avec les téléphones. On l’utilise pour filmer, faire des photos. Aussi, il sert de moyen de sauvegarde des images », explique le vieux Coulibaly, assis dans son studio. Après près de 40 ans de carrière, il est sceptique quant à l’avenir de cette profession qui a fait ses années de gloire et de succès. « Nous étions très sollicités. Je n’avais même pas du temps pour ma famille. Des files se formaient devant mon studio lors des fêtes. Il m’arrivait de travailler sans répit», se souvient encore le vieux Daouda Coulibaly. Selon, lui l’industrie de la photographie est en train de prend un grand coup. « A présent, je peux passer toute une journée sans avoir un seul client. Toute chose qui était imaginable il y a quelques années plutôt », indique-t-il avec amertume. A cause cette situation, Daouda affirme difficilement joindre les deux bouts.
Pire que son cas, Abdoulaye Guindo a délocalisé son studio à son domicile, en transformant une partie du salon.
« Il n’y a plus de client. Par conséquent, je n’ai pas d’argent pour payer le loyer du studio et payer l’impôt », soutient M. Guindo. Avant d’ajouter : « Je fais ce métier présentement par amour. C’est devenu un moyen de passer souvent du temps ». Selon lui, à l’exception de quelques studios, beaucoup ont mis les clés sous le paillasson faute de clientèle.
A l’inverse, certains ont été prévoyants, à l’image de Kiassou et du studio « 22 septembre », devenu un laboratoire. Des responsables de ces studios ont créé des laboratoires de tirage de photos. Ousmane Touré, gérant du Labo 22 septembre, concède que les outils de la technologie comme les Smartphones, les tablettes tactiles ont réduit le revenu des photographes. C’est grâce à son labo qu’il arrive à avoir de la clientèle et prendre en charge ses six employés. Il imagine autrement sa carrière dans cette industrie sans son labo. « Contrairement aux propriétaires de studios, les responsables de laboratoires de tirage de photos ne vont pas manquer de clients. Nous aurons toujours des clients qui vont vouloir imprimer ou tirer des photos », explique M. Touré.
Source: Azalaï-Express