Au lendemain de l’injonction de Donald Trump aux pays européens de rapatrier leurs jihadistes partis combattre en Syrie, Berlin et Paris affirment que le processus de retour sera complexe. Londres s’y oppose clairement.
Donald Trump risque de devoir attendre. L’Allemagne a affirmé, lundi 18 février, que le rapatriement de ses ressortissants jihadistes encore en Syrie, tel que réclamé par le président américain, s’annonçait à ce stade « extrêmement difficile », tandis que Paris a réaffirmé sa volonté de traiter ce problème « au cas par cas ». Londres a clarement rejeté lundi l’appel de Donald Trump. Les Kurdes, de leur côté, qualifent la situation de « bombe à retardement ».
Les Kurdes s’impatientent
Abdulkarim Omar, co-responsable des relations internationales du Rojava – la région autonome kurde–, a déclaré que les combattants de l’organisation État islamique (EI) détenus par les Kurdes étaient au nombre d’environ 800, auxquels s’ajoutent quelque 700 femmes et 1 500 enfants dans des camps pour déplacés. Des dizaines d’autres détenus et leurs proches arrivent chaque jour, a-t-il dit.
Ces prisonniers sont une « bombe à retardement » et pourraient s’évader à la faveur d’une attaque contre la zone autonome, a insisté le responsable kurde syrien.
« Extrêment difficile » pour Berlin
« Nous devons pouvoir garantir que des poursuites judiciaires sont possibles ici », a déclaré la ministre de la Défense Ursula von der Leyen dans une émission en ligne organisée par le journal populaire Bild.
« Nous n’avons en Syrie aucun gouvernement sur lequel nous appuyer, (le président syrien Bachar al) Assad ne peut pas être notre partenaire, les Forces démocratiques syriennes (FDS, alliance rebelle arabo-kurde, ndlr) ne sont pas un gouvernement », a pointé la ministre conservatrice.
Un porte-parole du ministère de l’Intérieur allemand a déclaré de son côté à la presse que « tous les citoyens allemands, y compris ceux qui sont soupçonnés d’avoir été membres de l’État islamique, ont le droit fondamental » de revenir en Allemagne.
La veille, le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas avait toutefois jugé « extrêmement difficile » d’organiser à ce stade un rapatriement des jihadistes européens de l’organisation État islamique retenus en Syrie. Il avait mis notamment en avant un manque d’informations en provenance de Syrie permettant de garantir des poursuites judiciaires en Allemagne.
Berlin veut « se concerter avec la France et la Grande-Bretagne (…) sur la façon de procéder », a-t-il encore précisé dimanche soir sur la première chaîne de télévision allemande ARD.
Le Royaume-Uni a estimé lundi que les combattants étrangers de l’organisation jihadiste État islamique (EI) devraient être jugés là où les crimes ont été commis. « Les combattants étrangers devraient être traduits en justice conformément à la procédure légale adéquate dans la juridiction la plus appropriée », a déclaré un porte-parole de la Première ministre Theresa May. « Quand c’est possible, cela devrait avoir lieu dans la région où les crimes ont été commis », a-t-il ajouté.
Réunion à Bruxelles sur la Syrie
Le sujet doit être évoqué lundi par les ministres des Affaires étrangères des pays de l’Union européenne à Bruxelles qui se rencontrent pour discuter entre autres de « la situation en Syrie, en particulier les derniers développements intervenus sur le terrain », selon l’ordre du jour de la réunion.
Le président américain Donald Trump a exhorté dimanche les Européens à reprendre leurs centaines de ressortissants détenus en Syrie après avoir rejoints les rangs de l’EI.
Le groupe jihadiste est sur le point d’être vaincu dans leur dernier réduit dans ce pays par l’alliance les FDS. Mais le sort des étrangers retenus par les forces kurdes n’a toujours pas été tranché. Ils sont Français, Allemands, Irlandais, Italiens, Anglais ou encore Canadiens. Les hommes sont en prison, les femmes et les enfants dans des camps de déplacés.
Après sa réticence initiale, Paris semble envisager le retour de ses ressortissants. Une source proche du dossier en France a évoqué le cas de 150 Français, dont 90 mineurs.
« Nous nous sommes préparés au cas où quelque chose interviendrait de nouveau. Et, à ce stade, la France ne répond pas aux injonctions et garde la politique qu’elle avait, c’est-à-dire un accueil au cas par cas », a déclaré la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, lundi matin sur France 2. Elle précise que, « lorsque des personnes de retour des terrains de combat arrivent, nous les judiciarisons ». « Pour le moment nous restons sur cette politique-là. »
En Belgique, le ministre de la Justice, Koen Geens, a réclamé dimanche une « solution européenne », appelant à « réfléchir tranquillement et regarder ce qui comporte le moins de risques sécuritaires ».
AFP et Reuters