Vendredi 20 avril 2018, le Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maiga se tenait devant le président de l’Assemblée nationale et ses honorables députés pour présenter sa déclaration de politique générale après plus de 100 jours à la tête de la deuxième institution du Mali. Vu tout le retard qu’a pris cette présentation, nous ne pouvions qu’attendre qu’à une telle déclaration à vau-l’eau.
‘’Protéger, rassembler et servir’’. Voici les trois grands objectifs que s’assignent Soumeylou Boubeye Maiga et son gouvernement. Des objectifs assortis des axes prioritaires du président de la République : ‘’mise en œuvre de l’Accord d’Alger, lutte contre l’insécurité au centre du pays, accélérer le programme d’urgence social et l’organisation des élections’’.
Une déclaration audacieuse, mais dont le contenu laisse à désirer. D’abord, il est quasiment impossible de lire ce document sans se rendre compte d’un déséquilibre patent et qui n’est pas fortuit.
À lire ladite déclaration de 20 pages, il est clair qu’une dizaine de pages sont consacrées à la question de la protection et de la sécurité du pays. Cela sous-entend la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger. À ce titre, le PM se félicite de quelques grands pas avancés sur ce chantier comme le processus de Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). « Le processus DDR a déjà commencé avec la formation des chefs de base et les responsables des mouvements armés dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudéni et Ménaka », dixit le PM du Mali.
Le chef du gouvernement se montre conscient que rien de cela ne sera possible sans la cohésion sociale. Il y a selon lui une urgence de rassemblement du peuple. « Le gouvernement s’est donné comme deuxième objectif de rassembler les Maliens. » C’est là où le bas blesse, les résolutions avancées par le PM sont minimes et fantaisistes. Il parle de l’abandon des poursuites contre certains malfaiteurs n’ayant pas commis de crimes irréparables et qui accepteront de se repentir, la même chose pourrait être réservée à tout acteur de la crise de 2012 qui se présentera aux autorités compétentes de reconnaitre les faits qu’il a commis et s’engager à ne plus les commettre. Là, il n’a pas été question des prisonniers de la crise de 2012. Nous savons qu’Amadou Aya Sanogo n’arrive pas encore à être jugé. Qu’en est-il de son cas ? Des mesures sont prises pour les enfants, la famille des militaires qui tombent sur-le-champ de l’honneur. Le gouvernement exprime son engagement pour la tenue d’élections transparentes, crédibles, apaisées et à bonne date. Or, la logique nous montre qu’une fois que les prémisses sont vraies, la conclusion le sera forcément. Le contraire est une incohérence. Les prémisses que la montée d’un cran de l’insécurité dans le centre du pays sont bien visibles. Nous savons que des autochtones de certaines parties du Nord ont exprimé leur souci quant à la tenue de ces élections.
Toutes les théories du PM sont de bonnes choses dans les principes, mais c’est l’application qui pose problème. Le premier problème avec ce deuxième objectif est qu’à y analyser au fond, on se dit qu’il n’est pas aux yeux du PM d’une importance capitale. Or, il doit être la priorité des priorités. Le deuxième objectif devrait être le premier. Sans une véritable cohésion sociale à travers la mise des victimes dans leurs droits, la sécurité tant recherchée par les Maliens ne sera pas possible.
Il faut noter que la déstabilisation du Mali n’est pas que seulement ce problème d’insécurité, mais il y a également un problème politique. Les Maliens sont divisés aujourd’hui autour de la gouvernance d’IBK. Cette division est entretenue par l’État depuis les manifestations contre le référendum de 2017.
Un autre aspect indigeste dans cette Déclaration de Politique Générale (DPG) est la négligence volontaire de la mauvaise gouvernance comme facteur de tension sociale. Après tous les trois objectifs, le chef du gouvernement fait mention de la lutte contre la corruption, de la transparence de la vie publique. « Il est important que l’appareil administratif soit remis en ordre, que la gestion publique soit assainie, que la corruption soit combattue, que l’impunité soit bannie de nos mœurs administratives », affirme Soumeylou Boubeye Maiga.
Cette partie devrait s’insérer dans son deuxième objectif, car aujourd’hui, si les citoyens maliens refusent de coopérer avec le gouvernement, si des protestations font secouer le pays, si tous les jeunes ont tendance à rejoindre le camp des ennemis de la Nation, c’est parce qu’ils ont compris à travers ce comportement des autorités de l’État qu’ils sont ignorés. Le rassemblement des Maliens passe par l’instauration d’une bonne gouvernance, une gouvernance qui ne se contente pas d’un vérificateur général, mais qui initie des poursuites contre les auteurs de vol du dénier public.
Un autre reproche que nous pourrons faire à Soumeylou à travers cette DPG est la « création de plusieurs postes de sécurité qui a commencé et qui se poursuivra ». Si l’administration est une continuité, pourquoi avoir déplacé des postes de sécurité ? Pourquoi supprimer des postes dans certaines localités du Mali ? Qui n’a pas été témoin des conflits dans certaines localités du Mali à l’entente de la fermeture de leur poste ? Ce jour, le gouvernement a bouché ses oreilles pour ne pas entendre les cris de ces hommes et de ces femmes inquiets de leur sécurité. Il faut noter que cette création est une nouvelle manière tout simplement de divertir le peuple malien et probablement détourner des sommes colossales.
Après tous ces temps attendus pour cette Déclaration, le PM pouvait faire mieux que ce qu’il a présenté le vendredi. Une Déclaration décousue qui manque de fonds et de forme et qui ne répond pas aux questions que se posent les Maliens au jour le jour sur la gouvernance actuelle de l’État, sur les élections. Une politique qui se veut claire dans ses démarches parle dans un langage limpide.
Fousseni TOGOLA
Source: Le Pays