C’est en principe ce week-end que le président de la République doit regagner le bercail. Avec un entourage qui ne lui facilite pas la tâche, IBK devra redoubler d’efforts dans un environnement tumultueux, où la moindre erreur peut se révéler préjudiciable.
La République retient son souffle. En séjour médical en France, le président de la République semble se remettre du mal qui le rongeait. Depuis Paris, Ibrahim Boubacar Keita s’est adressé à ses compatriotes mardi dernier. Dans son message, le chef de l’Etat a exprimé sa profonde gratitude aux Maliens ainsi qu’à tous ses amis à travers le monde. Mais, le premier responsable de la nation a surtout parlé du Mali, le grand malade dont il souhaite reprendre les commandes rapidement. Entre les vœux et la réalité, il y a un grand fossé. Le président est toujours convalescent et beaucoup de choses se sont passées pendant son absence. IBK peut-il réellement remonter la pente en remettant le pays sur les rails à une période charnière? Sur la détermination du boss de la République de sortir la tête de l’eau, il n’y a aucun doute. Mais des incertitudes entourent les méthodes du successeur de Dioncounda Traoré car personne ne sait vers quelle destination le bateau Mali se dirige. Et l’enchainement des évènements dans notre pays exige que le président suive tout de près pour s’assurer qu’il tient le bon bout et pour éviter de prendre des décisions inappropriées. Avec un entourage qui ne lui facilite pas la tâche, IBK devra redoubler d’efforts dans un environnement tumultueux, où la moindre erreur peut se révéler préjudiciable.
Le front social malien est en pleine ébullition. C’est en principe ce week-end que le président de la République doit regagner le bercail. Des hauteurs du palais de Koulouba, IBK aura certainement les échos des différents mouvements de colère dans le pays. Beaucoup de syndicats de travailleurs montent sur leurs ergots. Nonobstant le contexte difficile, ceux-ci entendent aller jusqu’au bout, comme le témoigne cette déclaration phare du secrétaire général de la Confédération syndicale des travailleurs du Mali (CSTM) : « le pays ne doit pas s’arrêter parce que le président est malade ». Hamadoun Amion Guindo et ses camarades syndicaux ont décidé de tout entreprendre pour marquer leur désapprobation de la « gestion actuelle du pays ». « Lorsque nous regardons au plan social, économique, en bref tout ce que nous vivons, il y a une déception due au silence coupable des autorités », regrette le leader syndical.
Restaurer la confiance
En clair, l’objectif de ce dernier est de poser des actes susceptibles de pousser les autorités à redresser la barre. Et le président IBK himself ne sera pas desservi malgré sa convalescence. Un cocktail explosif en perspective si l’on ajoute aux actions de la CSTM celles d’autres syndicats, notamment ceux d’enseignants réclamant de meilleures conditions de vie et de travail pour leurs militants.
A la différence des syndicats, l’opposition politique a décidé de reporter sine die sa marche du 23 avril 2016. La maladie du chef de l’Etat a motivé ce choix. Toutefois, la rupture semble consommée entre l’opposition et le pouvoir en ce sens que les divergences persistent. Des différences qui avaient d’ailleurs contraint l’opposition à claquer la porte du cadre de concertation avec l’Etat la semaine dernière. IBK devrait s’atteler, dès son retour, à réconcilier les positions. Cela est d’autant plus nécessaire que l’Etat ne peut plus se permettre le luxe de s’aliéner le soutien de l’opposition. Le gouvernement ne pourra pas entreprendre grande chose sans le concours de l’opposition. C’est pourquoi, les points de discorde tels que la gestion des cartes Nina, l’instauration des autorités intérimaires dans les collectivités du septentrion… doivent être remis sur le tapis. L’opposition est si réconfortée dans sa position que l’ex-premier ministre Moussa Mara vient d’émettre des réserves sur l’application de la disposition relative aux autorités intérimaires. Une sortie du 2e PM d’IBK qui souligne en quelque sorte l’inconséquence des dirigeants actuels. Le président de la République doit donc couper court aux rumeurs et aux différentes interprétations en remettant sur la table des arguments prenant en compte les inquiétudes des uns et des autres. Et cela doit être fait aussitôt que possible, au risque de devoir faire face à une situation ingérable.
Dans la même logique, IBK devra désormais composer avec les conséquences des évènements survenus le 18 avril 2016 à Kidal. En séjour médical en France, IBK n’a pas pu s’exprimer sur le sujet. Mais, le président malien aura rapidement besoin de se mettre au juste milieu pour ne pas hypothéquer les chances de l’application correcte de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Comme la République était presqu’au point mort pendant son absence, IBK devra prendre langue avec la Minusma et les responsables de Barkhane pour que l’Etat malien ne fasse pas les frais des mouvements populaires orchestrés par la Coordination des mouvements armés (CMA). Si l’on se réfère aux précédents fâcheux, le chef de l’Etat devra éviter les pièges en agissant habilement et promptement, en dépit de sa convalescence.
Ogopémo Ouologuem
(correspondant aux USA)
Source: lesechos