La commission électorale kényane va-t-elle se prononcer sur la possibilité d’organiser la présidentielle de jeudi, boycottée par l’opposition, dans l’ouest du pays, où le vote n’a pu avoir lieu ? Pourra-t-elle, sans ces résultats, proclamer la victoire attendue du sortant Uhuru Kenyatta ? Le Kenya attend des réponses lundi.
Dimanche soir, Nairobi bruissait de rumeurs sur une déclaration imminente des résultats du scrutin, organisé après l’invalidation en justice de la réélection de M. Kenyatta, le 8 août. Mais la Commission électorale (IEBC) a finalement fait savoir qu’elle s’exprimerait de nouveau lundi dans la matinée.
Son président, Wafula Chebukati, a précisé que la Commission avait compilé et vérifié 251 des 266 circonscriptions où le vote a pu avoir lieu jeudi.
L’écrasante majorité des bureaux de vote de quatre comtés de l’ouest (Homa Bay, Kisumu, Migori et Siaya) -sur les 47 que compte le pays- n’avaient pas ouvert leurs portes jeudi, en raison d’une situation chaotique et de graves troubles sécuritaires dans ces bastions de l’opposition.
Ainsi, le vote n’a pu avoir lieu dans 25 circonscriptions (sur 291 au total – 290 à laquelle s’ajoute la circonscription de la diaspora), représentant quelque 9% du corps électoral.
La Commission avait déjà tenté d’organiser à nouveau le scrutin samedi dans ces circonscriptions, avant d’y renoncer in extremis, estimant que la sécurité de son personnel n’y était pas garantie.
– Au plus tard jeudi –
Le pays de 48 millions d’habitants attend depuis de savoir si la Commission va tenter une nouvelle fois de conduire la présidentielle dans l’ouest, ou si elle y renonce, ouvrant alors la voie à une proclamation rapide des résultats.
Selon la loi électorale, les résultats doivent être annoncés dans les 7 jours suivant l’élection, soit d’ici jeudi à minuit.
Cette crise politique, la pire depuis dix ans dans ce pays d’Afrique de l’Est, a déjà durement affecté l’économie la plus dynamique de la région et épuisé les Kényans, qui aspirent à reprendre une vie normale.
Le scrutin de jeudi avait été organisé après un coup de théâtre, inédit en Afrique: l’annulation le 1er septembre par la justice de la présidentielle du 8 août, à l’issue de laquelle M. Kenyatta, 56 ans, avait été proclamé vainqueur face au chef de l’opposition Raila Odinga.
M. Odinga, 72 ans et trois fois candidat malheureux à la présidence (1997, 2007, 2013), avait fait pression pour obtenir une réforme de cette Commission, mais l’opposition a jugé insuffisants les changements récemment mis en oeuvre et appelé au boycott de la nouvelle élection tenue jeudi.
– ‘Désobéissance civile’ –
Plongé dans l’incertitude, le Kenya a aussi connu ces derniers jours des violences meurtrières: au moins neuf personnes ont été tuées par balle depuis jeudi dans les places fortes de l’opposition, les bidonvilles de la capitale Nairobi et l’ouest du pays.
Et au moins 49 sont mortes (et des dizaines blessées) depuis l’élection du 8 août, pour la plupart dans la répression brutale des manifestations par la police (recours aux tirs à balle réelle, gaz lacrymogène, canons à eau).
M. Odinga, qui a lancé cette semaine une campagne de “désobéissance civile”, afin de contraindre le pouvoir en place à accepter l’organisation d’une nouvelle élection dans les 90 jours, a prévu de s’exprimer lundi pour annoncer la “marche à suivre” à ses partisans.
Mais le vice-président William Ruto a une nouvelle fois rejeté toute idée d’organiser un nouveau scrutin. “Il n’y aura pas d’élection dans 90 jours, il n’y aura pas de discussion sur des questions relatives aux élections”, a-t-il martelé dimanche.