Depuis deux ans, les utilisateurs de l’Énergie du Mali (EDM-SA) subissent d’importantes restrictions dans la fourniture d’électricité. Le délestage peut atteindre jusqu’à 14 heures par jour dans certaines zones de la capitale. Cette situation résulte principalement d’un déficit de production d’électricité.
Le besoin d’investissement dans les infrastructures de production, de transport et de distribution d’électricité s’élève à plusieurs centaines de milliards de francs CFA. Ces investissements nécessitent généralement des garanties, soit par la solidité financière de l’entreprise, soit par une garantie souveraine de l’État. Cependant, depuis une décennie, EDM-SA affiche un déficit budgétaire de plusieurs milliards, avec une dette largement supérieure à son chiffre d’affaires annuel. Cela rend difficile, voire impossible, le financement des investissements par la société elle-même. De plus, la situation sécuritaire, politique et économique actuelle du pays limite l’intérêt des institutions financières pour accorder des financements basés uniquement sur la garantie souveraine de l’État.
Pour pallier le problème de fourniture d’électricité et compenser la faible capacité d’investissement dans le secteur, l’État malien pourrait s’appuyer sur le secteur industriel pour atténuer la crise énergétique. Une mesure clé serait d’exiger que les acteurs industriels produisent 30 % de leur propre consommation énergétique à partir des énergies renouvelables (ENR).
Dans le secteur industriel, l’autoproduction d’énergie, notamment via des groupes électrogènes, alourdit les budgets de fonctionnement. Le coût de production à partir d’un groupe électrogène est trois fois plus élevé que celui du réseau EDM. Cette hausse des coûts pousse de nombreuses industries à réduire leurs heures de travail, entraînant des conséquences telles que le chômage technique des ouvriers ou l’augmentation des prix des produits finis.
Il est donc urgent que les parties prenantes – l’État, EDM-SA et les industriels – créent un cadre de concertation pour mettre en œuvre des mesures pratiques rendant ce projet réalisable.
La première mesure est réglementaire. L’État doit instaurer une politique énergétique propre pour les secteurs industriel et hôtelier, en imposant aux entreprises de couvrir au moins 30 % de leur consommation énergétique par des ENR. Le surplus d’énergie produit, non consommé sur site, pourrait être injecté dans le réseau d’EDM via des dispositifs techniques appropriés. Pour cela, des dispositions réglementaires devront être prises pour rendre obligatoire le quota de 30 % d’énergie renouvelable et permettre l’injection du surplus dans le réseau d’EDM.
La deuxième mesure est incitative. Dans toutes les régions touchées par des crises énergétiques, les décideurs ont toujours adopté des politiques incitatives pour encourager la production d’électricité. Ainsi, en plus d’accorder des exonérations sur les équipements solaires, l’État pourrait instaurer une prime forfaitaire par mégawatt installé pour les industriels et simplifier les démarches administratives afin d’accélérer la réalisation des projets.
En termes de capacité, les 30 % d’énergie renouvelable exigés du secteur industriel représenteraient environ 70 MWc de panneaux solaires, soit l’équivalent de la consommation de plus de 40 000 foyers. Cela permettrait également à EDM-SA de réaliser des économies substantielles sur l’achat de carburant et de réduire le budget de subvention de l’État à EDM.
En termes de mobilisation des investissements, contrairement à EDM-SA, les flux de trésorerie des industries permettent de mobiliser rapidement des fonds auprès des banques locales pour financer ces projets.
Pour la réalisation du projet, deux options peuvent être envisagées : l’installation de la centrale de production sur le site industriel ou hors site. Dans le premier cas, si l’espace disponible sur les toits ou au sol est suffisant, la centrale sera directement implantée sur le site de l’usine. Dans le second cas, si l’espace disponible est insuffisant, l’industriel pourra opter pour un partenariat avec un développeur local de projet via un contrat de leasing. Ce dernier produira l’énergie sur un site externe et l’injectera dans le réseau d’EDM, avec un mécanisme d’achat ou de compensation énergétique (net metering).
En termes de bénéfices attendus, la mise en œuvre de ce projet permettrait non seulement de réduire les effets du délestage sur les industries, mais aussi de diminuer la pression exercée par leur consommation sur le réseau d’EDM. Cela contribuerait à améliorer la qualité de service pour l’ensemble des utilisateurs et à renforcer la résilience énergétique du Mali.
Alou Badra DIARRA
Expert en énergies renouvelables
Source : Le Républicain