Du cannabis pour se soigner ? En Zambie, c’est désormais possible. Le gouvernement a en effet « donné son feu vert de principe à la commission technique pour la culture, le traitement et l’exportation du cannabis à des fins économiques et médicinales », a déclaré la porte-parole du gouvernement Dora Siliya dans un communiqué. Le ministère de la Santé précisera ultérieurement les conditions de délivrance des autorisations nécessaires, a-t-elle fait savoir. Elle n’a, en outre, donné aucun autre détail sur les raisons de cette décision, surprenante dans ce pays où, jusqu’ici, la culture et la possession de marijuana étaient strictement interdites, et même passibles de peines de prison.
Mais si la Zambie s’y intéresse désormais, c’est que la manne économique que représente la culture du cannabis est importante. Selon le président du Parti vert de l’opposition zambienne, Peter Sinkamba, qui préconise l’exportation de cannabis depuis 2013, cette décision pourrait rapporter à la Zambie jusqu’à 36 milliards de dollars par an. Et le pays en a besoin, car le fardeau de sa dette extérieure pèse de plus en plus lourd. À 8,74 milliards de dollars fin 2017, elle s’élevait à 10,5 milliards de dollars fin 2018 un an plus tard. À cause des mauvaises récoltes notamment, les prévisions de croissance pour 2019 ont, quant à elles, été revues à la baisse, à 2 % au lieu des 4 % attendus. Des chiffres qui font craindre une crise économique au pays, deuxième producteur de cuivre d’Afrique.
Une source de ressources en plus
Avec cette initiative, le pays rejoint une mouvance, qui ne voit plus le cannabis comme une drogue mais comme une plante bénéfique à la santé, et au portefeuille national. Selon l’African Cannabis Report, une étude détaillée sur l’industrie légale du cannabis en Afrique, l’industrie africaine du cannabis légal pourrait valoir plus de 7,1 milliards de dollars par an d’ici à 2023 si une législation est introduite sur certains des principaux marchés du continent. Le Lesotho, enclavé au cœur de l’Afrique du Sud, a fait ce choix. Il est ainsi devenu en 2017 le premier pays africain à autoriser la culture du cannabis médicinal. Depuis deux ans, le cannabis CBD (ou thérapeutique), dépourvu de tout agent psychoactif et utilisé par l’industrie pharmaceutique, pousse sur les coteaux de ce royaume aux 2,1 millions d’habitants.
Pour le moment, cette économie profite aux industriels venus s’y installer, et à l’État pour qui la culture du cannabis est devenue la troisième source de revenus, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Mais les agriculteurs locaux, eux, n’en profitent guère. Car cultiver l’or vert a un prix : il faudra ainsi débourser 30 000 euros à verser à l’État, renouvelable chaque année, pour obtenir une licence d’exploitation. Au Zimbabwe voisin, qui a lui aussi légalisé la culture de la plante en 2018, le permis de production est valable cinq ans. Reste à savoir si, là aussi, le cannabis rapportera plus aux investisseurs qu’aux Zimbabwéens.
Le Point