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Algérie : une cartographie politique complètement chamboulée

ANALYSE. Le Hirak a fortement bousculé le paysage politique algérien. Et beaucoup s’interrogent sur la manière dont il pourrait se reconstruire.

Certains parlent d’un champ de ruines en évoquant la scène politique algérienne au lendemain de l’élection d’Abdelmadjid Tebboune comme nouveau président algérien. L’homme s’est présenté à la présidentielle en refusant l’appui de son parti, le FLN, dont il est quand même membre du Comité central. Son parti a même choisi de miser sur un autre candidat, patron du RND frère ennemi du FLN, Azzedine Mihoubi qui était annoncé comme l’un des favoris du commandement militaire les deux dernières semaines de la campagne électorale. Mihoubi est arrivé avant-dernier dans la course avec 7,28 % des voix officiellement.

 

Comment le FLN a perdu sa boussole

À cette double déconvenue touchant les deux désormais ex-parti du pouvoir, il faudra ajouter le sort des anciens patrons du FLN et du RND : Ahmed Ouyahia, ex-secrétaire général du RND et ancien Premier ministre est en prison pour corruption, idem pour Mohamed Djemaï et Djamel Ould Abbés, les chefs du FLN. En élargissant le spectre on rappellera ici que le président du MPA, Amara Benyounès et celui du TAJ, Amar Ghoul sont aussi en prison pour corruption. Les têtes de l’ancienne « alliance présidentielle » (FLN, RND, TAJ et MPA) qui a maintenu son hégémonie sur les arcanes de l’Exécutif et du parlement durant les derniers mandats de Bouteflika se retrouvent incarcérées, leurs partis voués aux gémonies par le mouvement populaire du 22 février.

La colère populaire contre ces partis est nourrie par leur soutien absolu à toutes les dérives des deux derniers mandats de Bouteflika ; ces mêmes partis ont fait campagne pour l’élection de Bouteflika en 2014 en l’absence même du candidat affaibli par la maladie. Ils ont ensuite apporté un soutien franc à son cinquième mandat afin de rester dans le giron de la rente politique et financière délimitée par le clan présidentiel. « Il fallait soutenir cette folie de cinquième mandat pour se protéger, se garantir une impunité et continuer à faire du sale business impunément, c’est ainsi que ces politiciens réfléchissaient », signale un cadre du FLN.

La chute de Bouteflika n’a rien arrangé

Ce dernier, ayant perdu sa boussole d’allégeance après la chute des Bouteflika en avril 2019, et voyant ses deux derniers secrétaires généraux en prison, s’est complètement atomisé. Au point que de graves dissidences se sont déclarées en son sein : des sénateurs FLN ont refusé d’obéir au mot d’ordre du secrétaire général intérimaire Ali Seddiki les appelant à soutenir Mihoubi. Selon la lettre d’information Maghreb confidentiel, le soutien du FLN au candidat RND est aussi motivé par les craintes de certains barons du vieux parti quant à une poursuite de la campagne anticorruption promise par le candidat Tebboune : « Le ralliement du FLN à Azzedine Mihoubi pour l’élection présidentielle du 12 décembre va consacrer l’alliance entre le candidat RND et les businessmen membres de l’ex-parti unique (…) (La) purge a touché plusieurs barons du FLN, comme Baha Eddine Tliba et Mohamed Djemaï, ce qui provoque l’inquiétude des nombreux autres hommes d’affaires encore membres du parti. »

« Mihoubi a déjà de nombreux soutiens à la confluence des affaires et de la politique. L’un de ses bailleurs de fonds est Smaïl Benhamadi, député RND de Bordj Bou Arreridj et patron d’Altrapco. Ce dernier a évité de peu la levée de son immunité parlementaire et tente à présent de faire libérer son frère, Abderrahmane Benhamadi, PDG de Condor Electronics, détenu depuis août », détaille Maghreb confidentiel, révélant que les puissances de l’argent sont toujours aussi opérationnelles malgré la campagne menée contre les oligarques depuis la chute du clan Bouteflika. Le FLN, gangrené par l’argent sale, poursuit. Donc sa descente aux enfers.

 

Le RND, de son côté, se relève difficilement de cette épreuve présidentielle. Cette semaine, des cadres du parti ont demandé la démission du secrétaire général par intérim l’accusant d’avoir « adhéré au processus de candidature à l’élection présidentielle de son propre chef ». L’ancien ministre de la Culture de Bouteflika connaîtra son sort le 10 janvier prochain à l’occasion de la session extraordinaire du Conseil national du RND : Mihoubi, parachuté en urgence à la tête du RND après le départ en catastrophe de Ouyahia fera face à une forte fronde.

Côté partis du pouvoir, la déchéance est donc immense : incapable de sortir de leur rôle de « comité de soutien » et d’appareils au service du chef du moment, ils paient le prix fort. Et pourtant, même au sein de ces partis, nombre de militants et de cadres ne cessent de se battre contre les apparatchiks et les puissances de l’argent sale. « L’idéal serait, grâce à cette conjoncture difficile, de permettre aux cadres honnêtes et militants de renverser la table et de se frayer un chemin vers les postes encore cadenassés de la direction du parti », espère un jeune cadre FLN.

 

Comment repartir ?

Côté partis islamistes, l’arrivée surprise en deuxième position du scrutin (17,37 %) d’un candidat sans charisme et sans réel ancrage dans la société, semble redistribuer les cartes dans la sphère islamiste. Abdelkader Bengrina, ancien ministre sous Bouteflika et Zeroual, dissident du MSP (tendance Frères musulmans) et président du parti El Bina (« construction ») a mené une campagne basée sur le populisme conservateur, promettant, par exemple, d’offrir le baccalauréat à tous ceux qui apprendront par cœur le Coran et la parole du Prophète Mohamed ! Mais il ne représente pas à proprement parler l’islamisme politique algérien dans son sens politique et social, mais plutôt un conservatisme pro-régime comme le prouve son propre cursus politique. Membre du Conseil national de transition en 1994, sorte de Parlement désigné par le pouvoir pour remplacer l’Assemblée dissoute après la crise de janvier 1992, deux fois député entre 1997 et 2007 sous les couleurs du MSP (islamiste, membre de l’alliance présidentielle pro-Bouteflika entre 2004 et 2012), ministre du Tourisme (1997-1999), créé El Bina en 2012 en quittant le MSP qui revient dans le camps de l’opposition. C’est pour cela que cet « islamiste » assez obéissant pourrait jouer le jeu de la prochaine configuration de la scène politique d’autant que des signes avant-coureurs laissent entendre que son parti sera le grand gagnant dans les prochaines assemblées : l’actuel président de la chambre basse du Parlement, Silmane Chenine, installé en juillet dernier, est un député et un dirigeant du parti El Bina. Mais le souci est ailleurs : le système épidermiquement anti-islamiste risque gros à refuser une représentation politique à l’islamisme politique, laissant des masses de salafistes et autres mouvances activer dans la société sans garde-fou légal et sans transparence.

 

Chute des partis du régime, coup de pouce à un populiste conservateur, mouvement populaire qui ne semble pas faiblir malgré dix mois de contestation, le nouveau régime devra évoluer dans un nouveau paradigme partisan à inventer. Car la grande question qui se pose est quelle serait la base politique du nouveau président Tebboune ? Lui déclare que c’est la société civile qui le soutient, manière de s’inscrire dans ce mouvement mondial où les partis cèdent la place aux dynamiques citoyennes. Mais comment concrétiser cette donne alors qu’une bonne partie de la société se pose déjà la question de la structuration ou non du Hirak contestataire ?

Par , à Alger

Le Point

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