Deux faits du président Ibrahim Boubacar Kéita, intimement liés, n’ont pas échappé aux chroniqueurs politiques ces dernières semaines. Il s’agit de la nomination du très influent Soumeylou Boubèye Maïga comme ministre Secrétaire général de la présidence de la République et la visite très médiatisée d’IBK dans les familles fondatrices de Bamako le jour de la Tabaski.
Un moment «brouillé» avec SBM et les notabilités de Bamako, Ladji Bourama est visiblement revenu à de meilleurs sentiments à leur égard. Une réconciliation qui ne surprend pas d’autant plus qu’il s’agit de deux atouts majeurs pour la présidentielle de 2018. Le 12 février 2016, le président Ibrahim Boubacar Kéita a finalement décidé de sacrifier à une tradition instaurée par ses prédécesseurs : présenter ses vœux aux familles fondatrices de Bamako les jours de fête (Korité et Tabaski). Ce à quoi il avait renoncé depuis son élection à Koulouba, préférant recevoir tout le monde au Palais après la prière à la Grande mosquée de Bamako.
Pour cette visite, très médiatisée, le chef de l’Etat était bien entouré avec notamment la présence du Premier ministre Modibo Kéita, de son Directeur de Cabinet et du ministre Secrétaire général de la présidence, Soumeylou Boubèye Maïga alias SBM. Cette réconciliation avec les familles fondatrices de Bamako (Niaré, Touré et Dravé) n’a rien de fortuit. Au contraire, c’est une preuve de plus qu’IBK est déjà dans la logique d’une réélection en 2018. Et celles-ci (familles fondatrices) représentent un atout majeur pour concrétiser cette ambition. En tous cas, les hôtes n’ont pas boudé leur plaisir et ils ont sans doute profité de l’aubaine pour fixer les conditions de leur soutien au futur candidat à sa propre succession.
«IBK, nous allons mourir là où tu mourras. Nous sommes à 100% derrière toi… Nous souhaitons vous rencontrer en privé pour vous dire certains choses extrêmement importantes», a déclaré une notabilité. Sans être devin, on peut imaginer le sujet de ce huis-clos. C’est dans la même veine qu’il faut situer les rencontres initiées avec la classe politique et la société civile, notamment le chef de file de l’opposition politique, le président du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI), la CNAS-Faso Hèrè, les responsables des centrales syndicales (UNTM et CSTM)… Ces rencontres, selon Koulouba, visent à «recentrer le débat politique dans le but de créer une synergie d’actions et une convergence de vues des principaux acteurs autour des grandes questions d’intérêt national».
Dans son adresse à l’occasion du 22 septembre 2016, IBK semble afin comprendre que «la préservation de la cohésion nationale revêt une importance particulière dans notre pays qui se relève d’une crise majeure» et qui «affronte encore des périls pour lui inédits et qui reprend progressivement son rang dans le concert des nations». Même s’il a rappelé à l’opposition que «les temps que nous traversons ne sont ni à la controverse, ni à l’ultimatum», mais doivent inciter toutes les forces vives de la nation à «analyser solidairement nos priorités du moment et à explorer avec esprit de raison la meilleure manière de les prendre en charge».
Koulouba s’ouvre enfin au dialogue politique et social
Le président Kéita semble maintenant comprendre le risque de l’isolement dans la gouvernance du pays, et découvrir les vertus du dialogue social et politique. Il a visiblement compris que les invectives et les menaces stériles ne mènent nulle part en politique. C’est peine perdue de vouloir faire peur aux autres avec la tête du lion abattu ensemble. Les portes de Koulouba se sont donc soudainement ouvertes à l’ensemble des forces vives parce que le président IBK a intérêt à composer avec tout le monde, s’il veut réellement briguer un second mandat. Qu’est-ce qui peut expliquer ce revirement de stratégie à 180° ?
À notre avis, c’est la nomination de Soumeylou Boubèye Maïga (SBM), comme ministre Secrétaire général de la Présidence de la République, qui explique ce changement de cap dans la gestion du pouvoir par Ladji Bourama. Sans vouloir offenser l’entourage de Mandé Massa, on sent maintenant qu’il y a un chef d’orchestre à Koulouba, un commandant à bord. Un fin politicien et grand stratège capable de dire non au boss et défendre les voies les mieux indiquées pour redresser le navire qui commençait à dangereusement tanguer au point que des mauvaises langues et les oiseaux de mauvais augure n’écartaient même plus l’éventualité d’un coup d’Etat.
Nommé le 29 août 2016, le nouveau ministre Secrétaire général de la Présidence de la République a été installé aux commandes du département le 2 septembre 2016. Et il n’a pas perdu du temps pour marquer de son empreinte les activités présidentielles. De sources proches de Koulouba, c’est lui qui a conseillé le président à aller à la rencontre des notabilités de la capitale et à prendre langue avec la classe politique (majorité et opposition) et la société civile pour apaiser le climat. Le très influent SBM est le chef d’équipe dont IBK avait besoin pour non seulement prendre et contrôler l’initiative de l’ouverture politique, mais aussi et surtout envisager une éventuelle candidature en 2018 pour un second mandat.
À défaut d’avoir pour le moment la carrure présidentielle, l’homme est un faiseur de rois en attendant son heure. Récemment pressenti comme Premier ministre, SBM atterrit momentanément à la Présidence comme ministre Secrétaire général. À l’analyse, il occupe désormais un poste très stratégique pour impulser l’action gouvernementale et ce qui le rend plus influent auprès du chef de l’Etat que le P.M. Ancien grand manitou des renseignements généraux et deux fois ministre de la Défense, Soumeylou est un cadre expérimenté et compétent qui ne se serait pas engagé dans ce deal s’il n’était pas convaincu d’avoir les coudées franches.
Un choix judicieux
Pour une fois, on peut dire que Ladji Bourama a fait un choix judicieux. Et il est évident qu’il ne s’est pas réconcilié avec son camarade de la Ruche (ADEMA où ils ont milité ensemble avant de prendre des chemins différents conduisant à Koulouba) pour juste se rappeler des moments partagés. Journaliste, communicateur, leader politique et géo-stratège maîtrisant à merveille les méandres de la sécurité dans la bande sahélo-saharienne, SBM a un parcours professionnel exceptionnel.
«Véritablement, l’homme de la situation dans les moments difficiles. Secret, discret mais partisan de l’esprit d’équipe dans l’accomplissement aux misions à lui dévolues, l’ancien DG de la sécurité d’Etat va certainement élaborer les stratégies appropriées pour la mise en œuvre effective de l’accord de paix et en vue de l’échéance 2018», écrivait un confrère le lendemain de sa nomination.
Né le 8 juin 1954 à Gao, acteur du Mouvement démocratique car militant au sein du Parti malien du travail (PMT), Soumeylou Boubèye Maïga a donc été l’un des principaux artisans de la Révolution de mars 1991. Ainsi, d’avril 1991 à juin 1992, Amadou Toumani Touré, du Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP), lui fait appel dans son cabinet comme conseiller spécial. Vice-président et membre fondateur de l’Alliance pour la démocratie au Mali parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA/PASJ), SBM devient en 1992 chef de cabinet du président de la République Alpha Oumar Konaré. En janvier 1993, il est nommé directeur général de la Sécurité d’État. Sept ans plus tard, en 2000, le discret, mais efficace SBM entre au gouvernement de Mandé Sidibé en tant que ministre des Forces armées et des Anciens combattants.
Candidat à la présidentielle d’avril 2007, Soumeylou Boubèye Maïga avait démissionné de l’ADEMA pour créer l’Alliance pour la solidarité au Mali-Convergence des forces patriotiques (ASMA-CFP). Un parti qui a soutenu Ibrahim Boubacar Kéita à la présidentielle de 2013. Pour de nombreux observateurs, SBM était un membre influent du staff de campagne du candidat IBK. Raison de plus pour IBK de revenir à lui, sacrifiant ainsi à l’adage qui dit qu’on ne change pas une équipe qui gagne ! Est-ce que SBM sera le 3e Secrétaire général de la Présidence de la République à diriger la primature après avoir quitté le palais de Koulouba comme Modibo Sidibé et Diango Cissoko ?
C’est la légitime question que se posent les observateurs depuis sa nomination comme ministre Secrétaire général de la présidence, le 29 août 2016. À notre avis, ce n’est juste qu’une question de temps et d’opportunité !
Hamady TAMBA