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Idrissa Soumaoro, Artiste : «Emmanuel Macron est instrumentalisé par les multinationales qui ont intérêt à respecter les jeunes dirigeants des pays francophones»

En 1971, après ses études à l’Institut national des arts (INA) de Bamako,   Idrissa Soumaoro (22 ans à l’époque) est muté à Diré (région de Tombouctou) pour enseigner la musique à l’Institut pédagogique d’enseignement général (lPEG). Une décision administrative qui va profondément marquer la vie du jeune enseignant/artiste puisqu’il y rencontre son épouse (enseignante également) qui lui donnera aussi une première fille (aujourd’hui décédée).

Une belle histoire racontée en partie dans le superbe titre «Diré taga» du 3e album (après Kotè en 2004 et Djitoumou en 2009) du maestro Idrissa Soumaoro, «Diré». Près de 52 ans après, il rend aujourd’hui un vibrant hommage à cette terre dont il a toujours été nostalgique. Dans la situation difficile que vit aujourd’hui notre pays, Diré est devenue à ses  yeux «un symbole d’espoir de paix». Il s’est confié au Le Matin pour évoquer ses souvenirs, le nouvel album, le Mali… Interview !

 Le Matin : Diré ! Une complainte artistique par rapport à la situation qui prévaut dans le nord du Mali ou un rappel au bon souvenir d’une rencontre qui a bouleversé toute la vie d’un jeune enseignant ?

Idrissa Soumaoro : Je dirais les deux ! A la fois complainte et souvenir bouleversant ! Diré, c’est avant tout un cri d’espoir, d’entente, d’union et de paix. Espoir d’une indépendance réelle et de développement pour le bien-être du peuple. Diré, c’est aussi incontestablement des souvenirs inoubliables qui m’accompagnent encore aujourd’hui ! Diré, c’est mon premier poste d’enseignant et où j’ai rencontré celle qui est ma compagne depuis 50 ans. Ma regretté première fille y a vu le jour aussi.

 -Cet album vous a pris combien de temps pour être si brillamment accueilli aujourd’hui par les critiques ?

Les premiers travaux en studio ont eu lieu à Bamako en 2012. Le décès de mon producteur, Marc Antoine, et la crise sanitaire liée au Covid-19 nous ont beaucoup retardé. Je ne voulais pas d’un travail bâclé parce que je suis un perfectionniste méthodique.

Qu’est-ce que Diré à de commun avec vos précédents albums ?

Le lien avec les deux précédentes œuvres reste le Donso ngoni à la base. Mes années de pratique de la musique de variété aussi. Mes albums sont le fruit des influences  vécues. Ils sont donc très variés !

 Qu’est-ce qui le distingue des autres ?

«Kotè», mon premier album m’a rapporté le «Prix RFI Découvertes» en 2004. Le second, «Djitoumou» (sorti le 1er juin 2009) a figuré dans la musique du film «Black Panthers» qui a presque battu tous les records de cinéma. Ce 3e, «Diré» est N°1 au Chart European 2023. La différence entre les trois albums est aussi que Diré a pris plus de temps  avec la participation de bons musiciens maliens. L’album a été réalisé à Paris, en France.

 -Quels sont les artistes qui vous accompagnent sur cet opus ?

Il  y a Amadou Bagayogo (Amadou et Mariam) à la guitare, Yao Dembélé, Yvo Amadi (percussions), Bouramani Kouyaté (guitare), Mahamadou Assaba Dramé (Djéli ngoni/ngoniba), Cheick Diallo (flûte), Soungalo Diarra (balafon, percussions) et Yacouba Sissoko (calebasse).

Quels sont les messages que vous adressez à vos fans et aux mélomanes à travers les dix titres de cet album ?

 Diré, un message d’amour, d’entente, de paix, de bonheur pour le peuple. Dans l’album, il est aussi question de mariage précoce, de problèmes de castes…

Avec toutes ces nouvelles technologies qui ne cessent de donner de l’ampleur au piratage, qu’est-ce qui peut encore pousser un artiste à entrer au studio pour réaliser un album ?

Faire un album mène l’artiste à la scène si l’œuvre est bien appréciée. C’est la scène qui rapporte le plus aujourd’hui !

 Quel est l’impact aujourd’hui de la crise sécuritaire qui secoue le Mali sur les arts et la culture, notamment la musique ?

A part le  nord, les activités culturelles et artistiques se poursuivent. La preuve est que même la Biennale artistique et culturelle a pu être organisée à Mopti cette année (6-16 juillet 2023) avec 19 régions et le district de Bamako.

 Des tournées africaines et internationales sont-elles envisagées par le producteur pour la promotion de l’album ?

La scène ne fait plus partie de ma vie artistique, santé oblige ! Tant que c’est possible, je ferais écouter des chansons à mes compatriotes, à mes fans. Merci à vous de m’aider à la promotion de mes œuvres sur place. La musique est un petit village aujourd’hui.

 -Comment avez-vous accueilli la décision de la Direction générale des affaires culturelles (DRAC) de la France demandant aux directions des organismes culturels subventionnés par l’Etat français de «suspendre, jusqu’à nouvel ordre» toute coopération avec les artistes du Mali, du Burkina et du Niger ?

Cette décision de la DRAC ne peut qu’être momentanée sinon nous allons fermer les Centres culturels français dans nos pays. Macron (le président Emmanuel Macron de la France) est instrumentalisé par les multinationales qui vont fort regretter si elles ne négocient pas rapidement d’égal à égal avec les jeunes dirigeants des pays francophones.

-Un mot pour la fin de notre interview ?

C’est le lieu de remercier tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la conception et à la concrétisation de ce projet. Je souhaite ardemment que notre pays sorte de cette impasse. Et chacun de nous peut et doit y contribuer. Vivement la paix au Mali, au Sahel et dans le monde. Bonne écoute de Diré !

Propos recueillis par

Moussa Bolly

 

L’ALBUM «DIRE»

La critique étale le tapis rouge pour un talentueux virtuose

Musicien armé de plusieurs flèches à son arc (auteur/compositeur, arrangeur, interprète, instrumentiste enseignant, inspecteur) et père du célèbre rappeur malien et aujourd’hui membre du Conseil national de la Transition (CNT) Sidy Soumaoro alias «Ramsès» (Tata Pound), Idrissa Soumaoro n’est plus à présenter sur la scène musicale malienne voire africaine. Et cela même s’il cultive à souhait la discrétion et l’humilité malgré son immense talent.

Idrissa Soumaoro est «un homme de l’ombre qui a œuvré auprès des plus grand», commente un critique. «Enseignant le jour et artiste la nuit, il incarne une influence majeure notamment avec le titre Petit Imprudent dont Zao, musicien congolais, s’inspirera pour le fameux titre Ancien combattant», a-t-il poursuivi.

Un homme de l’ombre propulsé sous les feux de l’actualité du showbiz grâce à «Diré», son 3e album (après Kotè en 2004 et Djitoumou en 2009) sorti symboliquement le 22 septembre (fête anniversaire de l’accession du Mali à l’indépendance le 22 septembre 1960) sous le label «Mieruba Records». Une œuvre de reconnaissance et d’hommage musical à son pays et à sa vie, à la vie… Un cher d’œuvre chaleureusement accueilli par les critiques qui ont étalé tapis rouge au crooner multi-instrumentiste. La preuve est que l’album a été N°1 «Word Music Charts Europe» depuis le début de ce mois d’octobre. Ce qui vaut au talentueux doyen d’être sollicité par la presse à travers le monde. Cela se comprend aisément pour qui sait que cet opus est porté par des influences traditionnelles maliennes enchevêtrées de sonorités blues, latine ou pop. Un vrai régal pour les mélomanes !

Moussa Bolly

Le Matin

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