Même si pour le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov à l’issue du 15e sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Johannesburg (Afrique du Sud, du 22 au 24 août 2023) la création d’une monnaie commune n’est pas à l’ordre du jour, personne n’est dupe pour croire que ces pays veulent s’affranchir de l’unilatéralisme des relations internationales imposées par l’Occident et continuer à supporter le diktat du dollar comme monnaie d’échanges à l’international. D’ailleurs, il est question de trouver des moyens de règlement financier indépendants de l’occident. Même si le dollar semble encore bien assis sur son trône, les appels à la «dédollarisation» du monde se multiplient et se font de plus en plus pressants ces derniers mois.
Détrôner le dollar roi, symbole de l’hégémonie occidentale ! Telle est aujourd’hui l’ambition à peine voilée de nombreux Etats, notamment ceux des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui étaient réunis à Johannesburg (Afrique du Sud) du 22 au 24 août 2023. N’empêche que pour le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, la création d’une monnaie commune n’est pas à l’ordre du jour. Mais personne n’est dupe pour croire que ces pays veulent s’affranchir de l’unilatéralisme des relations interposées par l’Occident et continuer supporter le diktat du dollar comme monnaie d’échanges à l’internationale.
De nouvelles stratégies monétaires se dessinent ainsi. Il est évident que la fronde contre la puissance financière américaine, incarnée par le dollar, prend de l’ampleur. Si le billet vert règne depuis longtemps sur la scène économique internationale, de plus en plus de pays veulent s’affranchir de leur dépendance vis-à-vis de la devise américaine. Aujourd’hui, il est indispensable pour les pays émergents de trouver une alternative au dollar qui dessert leurs intérêts. Ce qui explique d’ailleurs pourquoi, ces dernières années, la domination du dollar dans l’économie mondiale est bousculée. Ils sont de plus en plus nombreux les pays qui veulent s’en défaire pour une partie de leur commerce international. C’est pourquoi les pays émergents ont aujourd’hui tendance à remplacer le «Billet vert» par la devise chinoise dans leurs transactions internationales.
L’une des dernières annonces en ce sens est venue d’Argentine qui a manifesté sa volonté de délaisser le dollar au profit du Yuan chinois pour régler une partie de ses importations chinoises. Déjà en mars dernier, le Brésil avait averti que ses échanges avec la Chine se passeraient progressivement du dollar. En début d’année, le ministre des Finances de l’Arabie Saoudite (allié des Américains et plus gros exportateur de pétrole au monde) a aussi avisé que son pays était disposé à discuter du commerce de ses hydrocarbures dans d’autres monnaies que le billet vert. Et en Asie, l’Inde n’utilise plus le pétrodollar pour ses importations de Russie. A cette liste non-exhaustive se rajoutent des déclarations plus ou moins concrètes comme celle récente du président brésilien. «Chaque nuit, je me demande pourquoi tous les pays doivent baser leur commerce sur le dollar ?», s’est en effet interrogé Lula da Silva. Une déclaration choc assez commentée dans la presse, occidentale notamment
On se rappelle aussi que, en 2009 alors que la crise des subprimes frappait l’économie américaine (a rappelé une étude de la société de conseil Global Sovereign Advisory/GSA), les BRICS avaient appelé à réformer le système monétaire international. «Certains cherchent d’abord à réduire l’utilisation du dollar dans leur propre économie pour se protéger des turbulences financières internationales», explique Zongyuan Zoe Liu, auteure d’une étude sur le sujet pour «le Council on Foreign Relations», un centre de réflexion américain indépendant. D’autres souhaitent échapper à l’extraterritorialité du droit des Etats-Unis qui utilisent le dollar pour imposer sanctions et amendes à l’étranger.
N’empêche que, notent des économistes, la «fin du dollar» est encore bien hypothétique. Selon eux, «la domination du billet vert est bien établie grâce à son rôle central dans le système financier international, la taille de ses réserves de change et son poids massif dans le commerce mondial». En mars dernier, 42 % des paiements internationaux s’effectuaient ainsi en dollar ; 51% si l’on exclut l’Eurozone selon les données Swift (acronyme de Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication/Société de télécommunication financière interbancaire mondiale). A la même période, le yuan comptait à son actif pour moins de 3 % des paiements internationaux.
Pour ce qui est des réserves, le dollar maintient aussi sa supériorité, même si celle-ci s’est érodée au fil des dernières décennies. Fin 2022, la monnaie américaine comptait pour 58 % des réserves de change, contre 71% en 1999. L’autre force du dollar, selon des experts, c’est la sécurité qu’il véhicule. En temps de crise, il est aussi utilisé comme valeur refuge. Or, note GSA (Convert Global Smart Asset ou Convertir un actif intelligent global ; système de conversion monétaire) dans une étude, «ces crises sont de plus en plus fréquentes comme le Covid-19 en 2020, la guerre en Ukraine en 2022… Sans compter un risque de crise bancaire en 2023».
Le dollar demeure donc «un billet refuge et puissant» dont les États-Unis se sont d’ailleurs récemment, et à nouveau, servi comme d’une arme géopolitique pour tenter de punir la Russie. C’est d’ailleurs pour cette raison que les annonces d’émancipation se sont multipliées dernièrement. En effet, «certains pays ne veulent pas être exposés à des sanctions similaires à l’avenir», explique GSA.
Mais la République populaire de Chine n’est pas non plus encore disposée à consentir tous les «sacrifices» politiques pour mieux positionner le Yuan par rapport au dollar. «Un pas important serait que le yuan soit utilisé dans des transactions entre deux pays autres que la Chine», note Sophie Wieviorka, analyste au Crédit Agricole. Or, rappelle-t-elle, «ce n’est encore jamais arrivé. Pour que sa monnaie nationale devienne une véritable devise internationale, cela demande de renoncer à une partie de sa souveraineté. Ce que la Chine ne semble pas prête à faire pour le moment». Ce qui faire dire aux plus sceptiques que «le dollar peut donc dormir sur ses deux oreilles pour encore quelques longues années». Mais, répondent ceux qui souhaitent de tour cœur voir le dollar perdre sa suprématie, «peut-être plus aussi profondément qu’avant car, de l’autre côté du globe, le dragon (Chine) qui dort, est en train de se réveiller…» !
Moussa Bolly
Le Matin